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Toute vérité n'est que perception

Un exemple de journalisme : le Watergate

Le sommet de l’autobiographie de Katharine Graham, l’ancienne patronne légendaire du Washington Post, est son récit de l’affaire du Watergate vue du journal qui la révéla.

On a du mal, aujourd’hui, à imaginer les pressions que le journal dut affronter alors qu’il démontait un à un les mensonges de l’Administration Nixon. Pressions, notamment, de ses lecteurs qui l’accusaient de mener une croisade politicienne, et de la Maison-Blanche qui tenta en vain de le boycotter (le Post fut soutenu par son concurrent, The Washington Star, ce qui obligea le pouvoir à reculer) et de le frapper financièrement en ne renouvelant pas les licences des chaînes de télévision détenues par le journal. La survie du journal fut même un temps un jeu.

L’immeuble du Watergate où eut lieu le cambriolage qui déclencha l’affaire éponyme – (CC) Andrew Raff

Dans une époque où la concurrence entre les médias est exacerbée par la multiplication des sources d’information en ligne n’obéissant pas toujours aux mêmes règles que les médias “traditionnels”, il est intéressant de rappeler le soin scrupuleux avec lequel l’équipe dirigeante du Washington Post traita les informations relatives au Watergate. La publication de plusieurs révélations fut retardée pour permettre aux trois règles suivantes d’être appliquées rigoureusement :

  • chaque information attribuée dans le journal à une source anonyme devait être confirmée, pour être publiée, par au moins une autre source indépendante ;
  • toute information reprise d’autres médias par The Washington Post devait être vérifiée et confirmée indépendamment par les journalistes du quotidien avant d’être incluse dans un article ;
  • chaque article sur le Watergate était relu par deux rédacteurs en chef avant d’être imprimé.

Katharine Graham raconte également le déjeuner qu’elle eut avec les rédacteurs en chef ainsi qu’avec les deux journalistes qui enquêtaient sur l’affaire, Carl Bernstein et Bob Woodward, sept mois après les premières révélations du journal. Elle était alors très inquiète pour l’avenir du Washington Post. Elle leur demanda si toute la vérité allait finir par sortir, ce que Woodward considéra comme la manière la plus aimable de demander : “Dans quelle situation avez-vous mise mon journal ?” Woodward lui répondit qu’ils n’étaient pas sûrs du tout que la vérité émergerait un jour. C’est également lors de ce déjeuner que Woodward lui dit qu’il n’avait révélé à personne l’identité de Gorge Profonde – la source interne à l’Administration Nixon qui l’alimentait en informations de première main. Katharine Graham ne lui demanda pas de la lui dévoiler à elle. Elle montra alors, dans un remarquable acte de management, sa confiance dans ce duo de journalistes pourtant très jeunes.

A la fin des chapitres consacrés au Watergate, Katharine Graham écrit les lignes suivantes : “Watergate fut le moment le plus important de ma vie professionnelle mais mon implication fut relativement limitée et rarement directe. Pour l’essentiel, j’étais en coulisses. J’étais l’avocat du diable, posant des questions durant toute l’affaire pour m’assurer que notre couverture était équilibrée, factuelle et pertinente. Mon rôle principal était de soutenir les rédacteurs en chef et les journalistes en qui je croyais. On m’a souvent attribué du courage pour avoir soutenu mon équipe dans cette affaire. La vérité est que je n’ai jamais considéré que j’avais le choix. Or le courage s’applique aux situations dans lesquelles on a le choix. Dans le Watergate, il n’y a jamais eu un moment décisif où quiconque, moi y compris, aurait pu suggérer d’interrompre notre couverture de ce dossier. Le Watergate s’est déroulé progressivement. Lorsque l’affaire est devenue si énorme qu’elle nous dépassait, il était trop tard pour reculer”. Difficile d’être plus modeste.

Même s’il y a encore aujourd’hui, en France, aux Etats-Unis et dans beaucoup de pays à travers le monde, des exemples remarquables de travail journalistique, il est toujours utile de se rappeler le rôle que l’affaire du Watergate a joué dans la révélation aux médias qu’ils étaient vraiment le quatrième pouvoir et qu’ils avaient un rôle potentiellement prépondérant à jouer pour la défense des principes démocratiques. C’est ce qui fait du journalisme un métier aussi noble qu’indispensable.

En cela, notre dette envers Madame Graham n’est pas mince.

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