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Toute vérité n'est que perception

Les trois bulles de la présidentielle américaine

Rebondissements et enseignements en matière de perception de la semaine de campagne écoulée.

Cette semaine a vu le dégonflement de la bulle médiatique Michele Bachmann, la possible création d’une bulle médiatique Rick Perry et le questionnement sur le caractère définitif ou pas de l’éclatement de la bulle politique Barack Obama.

Le premier événement de la semaine – chronologiquement – fut le débat entre prétendants républicains qui se déroula mercredi soir au sein de la Fondation Ronald Reagan tout près de Los Angeles. Ce débat fut ironique à double titre. En premier lieu, chaque candidat rendit hommage au grand Président républicain disparu, oubliant opportunément qu’il avait augmenté les impôts et coopéré avec les Démocrates du Congrès, deux fourvoiements absolus à leurs yeux En outre, les candidats firent assaut d’inventivité pour démontrer combien leur action en tant que Président contribuerait à créer des emplois alors que les Républicains expliquent depuis la nuit des temps que les emplois sont créés par les entreprises et que le gouvernement fédéral n’a aucun rôle à jouer dans ce domaine.

Ceci étant posé, trois enseignements peuvent être tirés de ce débat :

  • Mitt Romney sortit vainqueur sur la forme – il apparut plus résolu et combatif que d’habitude, aiguillonné par les attaques du gouverneur du Texas Rick Perry – et sur le fond – ses propos et propositions sont plus crédibles que ceux de Perry. Il choisit le bon sujet – l’assurance sociale – pour s’attaquer au texan. Ce dernier semble en effet oublier que les électeurs républicains sont âgés et que beaucoup bénéficient de l’assurance sociale qu’il annonce vouloir démanteler. Plus généralement, Mitt Romney a beaucoup progressé depuis quatre ans et le fait que ce soit sa deuxième – sa seconde ? – candidature à la primaire est un avantage significatif. Il est le plus expérimenté des principaux candidats ;
  • Rick Perry, de son côté, se disqualifia probablement auprès d’une petite partie de l’électorat républicain par son approche extrême sur plusieurs sujets – qui rappelle Barry Goldwater, candidat républicain à la Maison-Blanche très largement battu en 1964 par Lyndon B. Johnson – et par son manque d’assurance lorsqu’il s’agit de répondre à des questions de fond plutôt que d’échanger des coups avec ses concurrents. Mais il se sortit globalement bien d’un débat où tout le monde (animateurs, concurrents, observateurs et électeurs) l’attendait au tournant. L’ascension extrêmement rapide de Perry depuis l’annonce de sa candidature pourrait être constitutive d’une bulle médiatique mais ce n’est pas encore démontré à ce stade. Perry devra cependant renforcer sa crédibilité sur certains sujets pour avoir encore plus de chances de l’emporter sur Romney. Dans cette optique, Perry a une qualité qui fait défaut à Romney : il enthousiasme la base républicaine. Mais Romney semble le mieux placé pour battre Obama. Le résultat de la primaire pourrait donc largement dépendre de la priorité des électeurs républicains : pureté idéologique ou efficacité électorale ?
  • Michele Bachmann, pour sa part, fut réduite au rang de candidate annexe, bénéficiant d’un faible temps de parole. Elle ne parvint pas à changer la perception désormais dominante que la primaire républicaine se jouera entre Romney et Perry – à moins que d’autres candidats de poids n’entrent en lice. La bulle médiatique dont Michele Bachmann bénéficia ces derniers mois semble dégonflée. La bulle n’est plus dans son camp mais la balle est dans son camp : à elle en effet de trouver le moyen de revenir au centre du jeu. Elle est assurément celle qui a le plus souffert de la candidature de Rick Perry qui, en matière de perception, a ses qualités (expression empathique de la colère de la base républicaine) sans ses défauts (doutes résultant de son manque d’expérience exécutive).

In fine, le journaliste Ezra Klein résuma brillamment ce débat : “Mitt Romney donnait l’impression d’avoir déjà gagné la primaire républicaine. Rick Perry donnait l’impression qu’il allait la gagner. Michele Bachmann donnait l’impression qu’elle commençait à réaliser qu’elle ne la gagnerait pas“.

Barack Obama, de son côté, a tout fait pour aborder en situation de faiblesse son grand discours d’hier soir sur l’emploi, le second grand événement de la semaine politique américaine.

La Maison-Blanche enchaîna en effet les erreurs de communication dans les semaines et les jours précédant ce discours :

  • Obama attendit tellement – depuis plusieurs trimestres – pour révéler son plan de lutte contre le chômage que, comme l’écrivit l’éditorialiste Peggy Noonan (ancienne rédactrice des discours de Ronald Reagan) dans The Wall Street Journal, “son discours devra être très bon pour ne pas être qualifié de très mauvais” ;
  • alors qu’il ne faut jamais créer des attentes supérieures à la performance ou à l’annonce qu’on pourra réaliser, l’équipe d’Obama a semblé faire reposer l’ensemble de son bilan économique et social sur ce seul discours censé sauver le Président de la catastrophe électorale ;
  • ce faisant, elle commit une autre erreur : renforcer la perception qu’Obama, in fine, n’est bon qu’à prononcer des discours. A tel point que les Républicains reprennent désormais l’antienne d’Hillary Clinton dans la primaire démocrate de 2008/2009 : “assez de discours !”. Obama et son équipe semblent toujours croire que, comme en campagne électorale, un discours peut le sortir des plus mauvais pas alors que ses concitoyens attendent de plus en plus des actes ; 
  • enfin, la Maison-Blanche annonça qu’Obama prononcerait son discours le soir du débat républicain, ce qui est doublement incohérent. Incohérent avec l’image d’irrespect qu’Obama veut associer aux Républicains dans la perception des Américains – c’est lui qui se montre irrespectueux d’un débat organisé par le Parti républicain et les médias à une date connue depuis longtemps – et incohérent avec le bon sens – les téléspectateurs préféreraient naturellement regarder un débat qui est beaucoup plus spectaculaire qu’un énième discours de leur Président. Obama dut finalement reculer et reprogrammer son discours pour le jour suivant. Il y perdit encore du crédit gratuitement dans l’affaire.

Au moment où il s’apprêtait à prononcer ce fameux discours, le soutien dont Obama bénéficiait chez les Américains était à son plus bas (44% globalement et 36% sur l’économie). Les comparaisons avec les périodes difficiles connues par Ronald Reagan et Bill Clinton après la perte de leurs premières élections de mi-mandat respectives ne valent désormais plus : à cette époque de l’année, ils avaient déjà inversé la tendance auprès de l’opinion américaine et entamé la reconquête qui leur permettrait de passer quatre années supplémentaires à la Maison-Blanche.

Dans son discours sur l’emploi, Obama mit les Républicains au défi de ne pas voter son plan de relance économique (American Jobs Act) à 447 milliards de dollars comprenant des réductions d’impôts et des dépenses publiques. Après avoir agi en négociateur durant plusieurs mois, il reprit donc une posture de leader. Obama prévint également les Républicains que, s’ils ne votaient pas son plan, il ferait campagne pour mobiliser le peuple américain en sa faveur. Le jeu d’Obama consista à proposer un ensemble de mesures déjà votées par les Républicains dans le passé. Cela présente l’avantage de mettre ses adversaires au pied du mur mais ne corrige pas son image de Président qui se soumet fréquemment aux diktats de ses opposants. Les atermoiements d’Obama ont à force donné du crédit au portrait d’un Président dépassé peint par les candidats républicains. Et Obama ne bénéficie plus de la situation privilégiée qui était la sienne lorsque, candidat, il n’avait aucun bilan à défendre (il portait alors sa relative virginité politique en étendard de sa capacité à apporter de nouvelles solutions) et aucun rôle dans le gouvernement fédéral (il arborait son bipartisanisme comme une promesse de réforme du système politique fédéral).

Cependant, l’aspect le plus important de son discours résida certainement dans le fait qu’il y livra l’un de ses angles d’attaque probables pour la présidentielle. En substance : “Les Républicains sont si partisans qu’ils n’acceptent même pas de voter des mesures qu’ils soutenaient il y a peu encore tout simplement parce que c’est moi, Barack Obama, qui les propose. Au contraire, je ne suis intéressé que par le bien du pays et je suis prêt à faire des compromis pour résoudre la crise dans laquelle il se trouve. Je me bats pour vos emplois alors que les Républicains luttent pour défendre les privilèges des plus riches”.

C’est donc une bataille plus politicienne que politique qu’Obama a engagée hier soir et c’est la seconde raison pour laquelle ce discours représente en quelque sorte le lancement concret de sa campagne présidentielle. Obama, qui accuse en permanence ses adversaires de jouer des jeux politiciens, maîtrise lesdits jeux aussi bien que les Républicains. Mais, à la différence de ses opposants, il lui manque toujours un fil rouge pour définir son action présidentielle et sa campagne de réélection, ce qui handicape infiniment sa communication (cf. ce que j’écrivais déjà à ce sujet il y a quelques semaines). A cet égard, son positionnement bipartisan semble d’ailleurs s’être évaporé hier soir.

Concomitamment à son discours sur l’emploi, Barack Obama subit une nouvelle humiliation en se faisant rappeler à l’ordre, après avoir capitulé sur l’instauration de nouvelles règles de protection de l’air, par la conscience environnementaliste des Etats-Unis, l’ancien Vice-Président Al Gore. Ce dernier l’accuse de ne pas se fier aux données scientifiques et de céder aux pressions des pollueurs. Cette attaque confirme la perception qu’a un nombre croissant d’Américains d’un Obama qui ne défend pas ses – et leurs – convictions. Le seul combat qu’Obama semble avoir mené jusqu’au bout est celui de la réforme du système d’assurance-maladie qui, comme je l’ai déjà expliqué ici, n’était pas la priorité d’une majorité d’Américains dans une période de crise économique presque sans précédent.

Barack Obama est donc très affaibli aujourd’hui en termes de positionnement politique et de perception. Sur ce double terrain, il doit absolument éviter, pour remporter la présidentielle de novembre 2012, que cette élection ne se transforme en référendum sur la situation économique et sociale du pays pour engager pluôt un débat sur les solutions proposées par les deux camps.

Sinon les Etats-Unis auront un chômeur de plus.

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