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Toute vérité n'est que perception

Hommage à un modèle

Mike Wallace, journaliste pendant 38 ans au sein de “60 Minutes”, la plus célèbre émission d’investigation américaine, est mort avant-hier à 93 ans. Wallace incarnait un journalisme sans concession. Son parcours nous impose deux leçons pour le journalisme moderne.

Mike Wallace fut l’une des figures de “60 Minutes” dès le début de l’émission le 24 septembre 1968. Quantitativement, sa carrière pourrait être résumée par les 21 Emmy Awards remportés durant sa carrière. Mais son empreinte sur l’univers du journalisme dépasse largement toutes les récompenses accumulées.

Dans un article pour le site de CBS News, Morley Safer, un journaliste de “60 Minutes”, écrit que Mike Wallace “eut à coeur de réconforter les affligés et d’affliger ceux qui vivaient dans le confort“. Il rappelle que presque toutes les grandes figures du 20ème siècle se soumirent aux questions de Wallace qui interrogea par exemple Yasser Arafat sur la violence et Vladimir Poutine sur la corruption et qui demanda à l’ayatollah Khomeini, reprenant les mots d’Anouar el-Sadate, s’il était fou (ce que l’interprète refusa de traduire dans un premier temps).

Son succès reposa au moins autant sur les questions qu’il posait que sur les réponses qu’il recueillait“, comme l’écrit Tim Weiner dans la nécrologie qu’il lui consacre dans The New York Times. En effet, en bousculant les plus puissants, Wallace permettait au grand public, pour la première fois, de les voir réagir sans les attributs du pouvoir dont ils sont habituellement parés. Ses questions pouvaient être plus efficaces que le plus incisif des éditoriaux.

Mike Wallace – (CC) Terry Ballard

A cet égard, “60 Minutes” démontre que l’excellent journalisme peut obtenir un succès d’audience au-delà du seul succès d’estime. A la fin des années 1970, l’émission se classait ainsi première le dimanche soir. Cinq années de suite, elle fut même l’émission la plus regardée de la télévision américaine, seulement le troisième programme à accomplir cette performance. En 1977, l’émission entama une série de 23 années dans le top 10, un exploit unique dans l’histoire de la télévision outre-atlantique.

C’est une première leçon que l’on peut tirer du parcours de Mike Wallace pour le journalisme moderne : le “journalisme fast-food” constitué de prétendues enquêtes sur des sujets racoleurs n’est pas le seul à pouvoir réunir un large public. Un vrai journalisme d’investigation peut être au moins aussi efficace en termes d’audience et bien plus efficace en termes d’influence sur la durée. Le “journalisme fast-food” s’oublie aussi vite qu’il se consomme alors que le journalisme d’investigation laisse des traces dans le débat public. Celui-là est inutile à la démocratie, celui-ci lui est indispensable.

La seconde leçon que nous enseigne Mike Wallace concerne le rôle du journaliste. J’entends parfois des personnes réagir à des questions de journaliste en demandant de quel droit un journaliste qui ne réalise rien se permet de poser d’interroger et de remettre en cause des acteurs de l’actualité. Cela me choque toujours car, précisément, ce que réalise un journaliste, sa production, sa valeur ajoutée, est de questionner l’ordre des choses.

Un journaliste de qualité n’est pas complaisant mais vigilant. Cela requiert au moins trois qualités que Mike Wallace réunissait : le travail pour étudier jusqu’au moindre détail les dossiers sur lesquels il questionne son interlocuteur, le courage pour ne pas avoir peur de soumettre les puissants au même traitement que les quidams de l’actualité et l’indépendance d’esprit pour ne pas être influencé par les pressions de toute nature qu’il subit. Mike Wallace y ajoutait un charisme certain, notamment favorisé par une voix marquante.

In fine, le legs de Mike Wallace – qui, comme chacun d’entre nous, avait naturellement aussi ses défauts – est une leçon d’exigence.

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