Des avertissements sans frais… pour l’instant

Apple semble aujourd’hui immunisé contre les risques d’image. Cela ne durera pas éternellement.

FORTUNE rapporte qu’Apple a vu son image gagner quelques points après la parution de l’article du New York Times détaillant l’ingéniosité de sa politique fiscale qui lui permet de payer nettement moins d’impôts qu’il ne le devrait en théorie. Cette conclusion résulte de l’enquête d’opinion réalisée quotidiennement par l’index de réputation des marques “BrandIndex Reputation” de YouGov.

Le même index révèle a contrario que General Electric (GE) avait significativement et durablement souffert en termes d’image lorsque le même New York Times avait relaté l’an dernier que le Groupe ne payait aucun impôt fédéral aux Etats-Unis sur des profits mondiaux de 14,2 milliards de dollars.

YouGov en déduit que la réputation d’Apple auprès du grand public est en Téflon. Je ne le crois pas.

(CC) Stuart Caie

Essayons d’abord de comprendre pourquoi Apple réagit ainsi aux articles de presse qui devraient affecter négativement son image – rappelons à cet égard que l’article sur sa stratégie fiscale faisait suite à la série de reportages sur les piètres conditions de travail des collaborateurs de son principal sous-traitant chinois Foxconn.

Deux facteurs expliquent à mon sens ce phénomène :

1. Apple a développé avec ses clients depuis plusieurs décennies – et encore plus vigoureusement depuis quelques années – une relation émotionnelle très forte qui l’immunise contre certaines des variations d’image que subiraient d’autres entreprises confrontées à des problèmes comparables. C’est par exemple ce qui fait défaut, dans la comparaison prise par YouGov, à GE.
2. Les deux crises relatives traversées par Apple n’ont pas concerné ses produits. Or la crise la plus dangereuse pour une entreprise qui opère dans le secteur grand public est précisément celle qui affecte son produit car celui-ci constitue le premier contact régulier du client avec sa marque. Demandez à Mercedes (équilibre de la classe A) ou à Perrier (découverte de benzène dans quelques bouteilles), pour prendre deux industries très différentes, ce qu’ils en pensent. Dans le secteur grand public, toute crise qui touche un produit est nucléaire. Apple avait connu une telle mésaventure il y a quelque temps avec les problèmes de réception de l’iPhone 4 (“antenna gate“) et s’en était déjà sorti étonnamment indemne. Cela s’explique certainement par les relations particulières qu’il entretient avec ses clients (cf. mon point 1) mais aussi avec les médias qui avaient fait preuve d’une indulgence inhabituelle à son endroit.

Ces deux explications, loin de confirmer le fait que l’image d’Apple soit en Téflon, m’incitent plutôt à penser qu’elle ne serait pas insensible à une multiplication de crises dont certaines seraient concentrées sur ses produits. La valeur de l’image d’Apple ne résulte en effet pas d’une qualité surnaturelle qui l’immuniserait à tout jamais mais de facteurs réversibles. La marque à la pomme vit un état de grâce résultant de la conjonction improbable d’un nombre important de facteurs positifs. Comme tous les états de grâce, il ne durera pas éternellement.

On sait que le pire arrive généralement – dans tous les domaines – lorsque la vigilance se relâche. Ce serait un pêché d’orgueil très dangereux pour Apple que de se croire réellement protégé contre toute crise d’image. Même le Téflon se raie.