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Toute vérité n'est que perception

Chef d’oeuvre en péril ?

La presse écrite est-elle vraiment condamnée ? Et, surtout, peut-elle rester indépendante ?

Eric Jackson, gérant du fonds d’investissement IronFire Capital, a mis en ligne sur le site de partage de présentations SlideShare un document dans lequel il explique que The New York Times aura disparu en 2015*.

Je suis réservé par principe quant aux prévisions d’extinction de telle entreprise ou telle industrie qui sont faites régulièrement. Je considère qu’elles constituent surtout un moyen pour leurs auteurs d’attirer l’attention sur leur point de vue et qu’elles ne sont pas très engageantes (même si Internet n’oublie rien) car elles auront le plus souvent été perdues de vue à leur échéance.

(CC) Niall Kennedy

Mais ce n’est pas une raison pour ne pas étudier les arguments de Jackson, et ce d’autant plus qu’ils sont aussi pertinents qu’inquiétants.

Jugez-en :

  • les revenus publicitaires du New York Times ont considérablement diminué depuis 5 ans (de 1,15 milliard à 750 millions de dollars) et le journal semble avoir atteint un plancher en matière de réduction de ses coûts et de ses effectifs pour compenser cette chute de son chiffre d’affaires ;
  • ces revenus publicitaires paraissent destinés à une baisse continue sans contribution d’un système payant sur Internet (“paywall”), tendance certainement encore aggravée par la généralisation de l’iPad ;
  • à ce rythme, le journal ne sera plus viable en 2015 : sa trésorerie devrait être négative sur l’année 2012, ses dettes s’élèvent à plusieurs centaines de millions de dollars et le coût des pensions et de l’assurance-maladie de ses collaborateurs ne va cesser d’augmenter dans les prochaines années ;
  • seulement cinq modèles sont viables pour la presse d’information à l’avenir :
    1. l’abonnement à des services financiers (Bloomberg, ThomsonReuters…),
    2. l’abonnement à la télévision câblée (Comcast…),
    3. la distribution des coûts d’une rédaction au sein d’une plate-forme Internet beaucoup plus large (Yahoo!),
    4. l’agrégation financée par la publicité en ligne (The Huffington Post),
    5. le financement d’un journal par un mécène (individu, entreprise ou fondation).

Il est difficile de contredire le raisonnement et les faits présentés par Eric Jackson. Cependant, je pense qu’il y aura, dans un avenir prévisible (c’est-à-dire avant qu’une révolution rebatte éventuellement les cartes), seulement trois modèles envisageables pour la presse écrite :

  1. les premiers résultats prometteurs de certains “paywalls” en termes de fréquentation mais pas (encore) de revenus publicitaires ne sont certes pas définitivement concluants. Mais ces systèmes incarnent peut-être la seule vraie “sortie par le haut” pour la presse car ils représentent la seule solution lui assurant indépendance financière et donc autonomie éditoriale ;
  2. l’intégration au sein de nouveaux groupes médiatiques constitués autour de géants Internet. C’est en quelque sorte le modèle adopté par The Huffington Post au sein d’AOL à deux réserves près : The Huffington Post est un site Internet d’actualité qui a réussi et non un journal en perdition et on a l’impression que c’est lui qui vient sauver AOL et non l’inverse. Cependant, des groupes comme Apple, Facebook, Google et Microsoft auraient les moyens (et une certaine logique stratégique) à racheter des grands noms de la presse écrite pour les intégrer à leur offre éditoriale. Le récent rachat à titre personnel par Chris Hughes, co-fondateur de Facebook, du magazine américain The New Republic est à cet égard un signe encourageant ;
  3. le soutien par un mécène (comme c’est aujourd’hui le cas du milliardaire mexicain Carlos Slim avec The New York Times).

Quant aux autres modèles présentés par Jackson – abonnement à des services financiers, abonnement à la télévision câblée, agrégation financée par la publicité en ligne -, ils ne me semblent pas pouvoir favoriser la survie d’organes de presse pluridisciplinaires et de qualité.

Mais, au-delà de la pérennité des grands noms de la presse écrite, la vraie question qui se pose est celle de leur utilité et, partant, de leur indépendance. J’ai à plusieurs reprises exprimé sur Superception – lire par exemple cet article – que je ne croyais pas du tout au subventionnement par l’Etat de la presse car cela revient pour moi à adopter le modèle en vigueur en Corée du Nord.

Ainsi, si l’on considère que la presse est utile, il nous revient à nous citoyens d’en payer le prix, qui est aussi le prix de la démocratie. C’est pourquoi, in fine, la survie de la presse ne sera pas seulement le test de sa compétitivité mais aussi et, peut-être surtout, de notre maturité.

 

* Merci à @sYsIphe de m’avoir signalé ce document.

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