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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

L’iPhone 5 sur 5 ?

Le lancement de l’iPhone 5 hier soir révèle cinq incongruités dans la communication d’Apple.

Ne vous inquiétez pas pour Apple.

Selon la société d’études Topsy, sa conférence de presse d’hier soir a généré jusqu’à plus de 16 000 tweets par minute sur Twitter. Et, selon Horace Dediu, le meilleur blogueur sur le marché des smartphones, la marque pourrait vendre 6 millions d’iPhone 5 dès son premier week-end de mise en vente.

Et pourtant.

Pourtant, le lancement une nouvelle fois triomphal du nouvel iPhone n’a pu complètement occulter cinq évolutions dissonantes dans la communication de la marque :

  • Apple utilise toujours autant de superlatifs mais l’iPhone que l’Entreprise a présenté hier soir n’a rien de renversant. Certes, il est plus léger, plus grand, plus rapide avec un meilleur écran, une meilleure batterie et un meilleur appareil photo. Mais il ne représente qu’une sage évolution, remarquablement réalisée comme d’habitude, de l’iPhone 4S. Il n’y a aucune révolution en matière de design, de technologie ou de fonctionnalité. Pour ne prendre qu’un seul exemple, on espérait l’intégration de la NFC (Near-Field Communication) qui permet l’échange sans-fil de données entre deux appareils placés à proximité l’un de l’autre. Cette technologie, qui équipe certains smartphones Android depuis plus d’un an, jouera certainement un rôle majeur dans le développement du paiement par smartphones dans le futur. Il eut donc été logique qu’Apple soit à l’avant-garde de sa démocratisation. Ce ne sera pas pour cette fois. Et quand la marque innove avec l’iPhone 5, c’est au détriment presque méprisant de ses clients. Je fais ici référence au fait qu’elle a décidé de changer la connectique de son smartphone vedette afin d’accélérer la vitesse de transmission des données. Mais la nouvelle connectique ne fonctionnera pas avec les accessoires que les heureux détenteurs d’iPhone utilisent. Apple a donc conçu un adaptateur qu’il va vendre 30 euros, un quasi racket ! L’annonce d’Apple hier soir peut donc être considérée comme décevante sur le fond par rapport au standard de la marque. Le plus symptomatique à cet égard est que l’information la plus impressionnante délivrée hier soir ne concernait pas les nouveaux produits mais le fait que, au second trimestre, Apple a vendu plus d’iPad (17 millions) que chaque vendeur d’ordinateurs a vendu de PC ;
  • sur la forme, la conférence de presse d’hier fut encore plus banale que l’iPhone dont elle fut l’écrin. Certes, les intervenants d’Apple sont toujours les meilleurs (plus maîtres de leurs discours et de leurs émotions, plus fluides, plus sûrs de leurs effets…) de l’industrie. Certes, les vidéos de la marque sont toujours les plus émouvantes. Certes, la structure de la conférence (montée en puissance de la dramaturgie, zapping entre discours, vidéos et démonstrations produit…) est toujours la mieux pensée. Mais ces événements paraissent désormais très répétitifs car toujours calqués sur le même modèle depuis des années. Aussi, lorsque le produit-vedette n’est pas à la hauteur, la magie opère moins. En outre, Tim Cook n’est pas Steve Jobs et cela se voit davantage lorsque le produit qu’il doit “vendre” ne se suffit pas à lui-même. Incidemment, ce n’est d’ailleurs pas Tim Cook qui présente l’iPhone 5 (pas plus qu’il n’avait présenté l’iPad 3 il y a quelques mois) mais Phil Schiller, le patron du marketing, qui, lui non plus, n’est pas Steve Jobs. Le seul qui a du charisme est Scott Forstall, le patron des logiciels mobiles, mais sa fatuité limite son efficacité (du moins à mes yeux). Il me semble donc qu’Apple va devoir innover dans le domaine événementiel pour sortir de la routine dans laquelle il est entré imperceptiblement ;

Yerba Buena Center for the Arts à San Francisco avant la conférence de presse d’Apple – (CC) Bruno Natal

  • l’une des raisons expliquant la banalité de l’événement d’hier soir est qu’Apple ne sait plus garder le secret sur ses futures annonces. A l’apogée de Steve Jobs, il était impossible de savoir à l’avance ce qu’Apple allait présenter (sauf lorsqu’un collaborateur d’Apple oubliait un prototype du nouvel iPhone dans un bar !), ce qui créait une attente d’autant plus grande avant son show et une excitation d’autant plus forte pendant. Hier, tout ce que Tim Cook et son équipe ont présenté avait déjà été révélé par la presse et (surtout) les blogs spécialisés. Apple semble aujourd’hui incapable d’imposer le silence à ses fournisseurs et sous-traitants. C’est évidemment une tâche surhumaine lorsqu’on est l’entreprise la plus valorisée – et donc la plus scrutée – au monde et que Foxconn, son premier sous-traitant, emploie 1,2 million de personnes. C’est naturellement plus difficile encore lorsque le produit présenté ne comprend aucune innovation majeure (cf. supra). Mais le plus étonnant est que Tim Cook avait affirmé au mois de mai que l’Entreprise accorderait plus d’importance que jamais au secret. Or, lorsque les rumeurs les plus récurrentes deviennent des pré-annonces (ce qui ne veut pas dire pour autant que les dizaines de rumeurs qui ont précédé cette annonce aient toutes été pertinentes), la marque à la pomme y perd une partie de sa magie. Peut-être que, dans le futur, Apple devra organiser la fuite de fausses informations pour recréer une excitation digne du passé lors de ses lancements de produit ;
  • la quatrième incongruité de la communication d’Apple mise en lumière par le lancement de l’iPhone 5 n’est pas liée directement à ce lancement. Mais elle devient à mon sens de plus en plus criante même si elle concerne le silence de la marque : Apple, en effet, communique à sens unique. L’Entreprise ne répond pas aux questions lors de ses conférences de presse (sauf quelques confidences distillées par ses dirigeants dans l’espace de démonstration des produits après la présentation), accorde extrêmement peu d’interviews, traite le plus souvent la presse par le mépris (hormis quelques journalistes et blogueurs favoris) et n’est pas présente sur les réseaux sociaux. C’est une approche qui est en rupture complète avec notre époque et qui n’est autorisée que par la puissance de la marque, laquelle passe d’abord par l’attrait de ses produits. Ralph Waldo Emerson avait écrit “ce que tu fais parles si fort que je ne peux pas entendre ce que tu dis“. Il en va de même pour Apple : l’image de ses produits est si positive que la marque n’a (presque) pas besoin de communiquer. C’est un cas extrêmement rare ;
  • d’autant plus rare que cette image annihile même les reportages médiatiques les plus scabreux. Ainsi, l’absence de reprise des dernières révélations du New York Times (lire ici) à propos des conditions de travail des collaborateurs de Foxconn montre combien la ferveur médiatique à l’égard de la marque à la pomme est vive. Alors que le quotidien new-yorkais relate que des étudiants sont forcés de travailler sur les chaînes de production du sous-traitant pour répondre aux exigences de volume d’Apple, les médias ont été étrangement silencieux sur ces divulgations qui auraient créé un scandale si elles avaient concerné n’importe quelle autre marque. Apple a la chance de bénéficier d’un culte au sein des médias aussi puissant que celui qu’il entretient au sein de ses fans. Cela ne durera pas indéfiniment – cela ne dure jamais indéfiniment – et le retour à la réalité sera d’autant plus difficile qu’il aura été mal préparé.

Au demeurant, il n’y a pas encore péril en la demeure Apple. Mais il ne me surprendrait pas que la plus grande innovation de l’Entreprise à l’avenir concerne sa communication.

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