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Toute vérité n'est que perception

Les draps noirs de la vertu

Une polémique d’une rare violence fait rage aux Etats-Unis entre la chaîne continue d’information CNN et le Ministère des Affaires étrangères.

Trois jours après la mort de l’ambassadeur américain en Libye (Christopher Stevens), un journaliste de CNN trouva son journal personnel sur le sol du consulat de Benghazi où il avait été tué. Dans ce journal, Stevens partageait notamment son inquiétude face à la montée locale de l’extrémisme islamiste et sa conviction que son nom figurait sur une liste de cibles d’Al Qaeda.

CNN rendit compte par l’intermédiaire de l’excellentissime Anderson Cooper des dramatiques informations que ce document contenait. Le Ministère des Affaires étrangères fustigea alors le comportement de la chaîne dans des termes d’une extraordinaire acrimonie : “Comment qualifier un individu qui se permet de retirer d’une scène de crime le journal personnel d’un homme tué aux côtés de trois autres Américains qui servaient notre pays, de lire ce journal, de le transcrire, de l’envoyer par email à sa salle de rédaction pour que d’autres puissent le lire à leur tour et, seulement une fois leur curiosité satisfaite, de penser à appeler la famille de cet homme et à prévenir les autorités ?“.

Le problème est qu’on ne peut s’empêcher de se demander si l’indignation du Ministère n’est pas l’expression d’une double gêne quant aux révélations de ce journal : (i) le témoignage de l’ambassadeur sur les risques croissants qu’il percevait à Benghazi contredit les affirmations du Ministère selon lesquelles aucune menace particulière n’y avait été perçue avant l’attaque du consulat américain et (ii) il amplifie les interrogations sur l’incapacité du Ministère à protéger ses collaborateurs dans leur propre consulat.

Anderson Cooper – (CC) mroach

Pour sa part, CNN a été pour le moins maladroite dans son rapport avec la famille de l’ambassadeur décédé : la chaîne aurait dû être plus transparente à son égard plutôt que de lui donner l’impression qu’elle accédait à sa demande de ne pas utiliser le contenu de son journal ni même de révéler l’existence de celui-ci. C’est d’autant plus regrettable qu’on peut estimer que CNN n’avait pas besoin de l’autorisation de la famille de Stevens étant donné que ce dont la chaîne a rendu compte n’était pas de nature personnelle mais professionnelle.

La mission même de CNN, celle qui légitime son existence et sa contribution à la société démocratique, est précisément de relater le contenu d’un tel document lorsqu’il le trouve grâce à un remarquable travail journalistique. Incidemment, ce travail témoigne de l’investissement de la chaîne pour couvrir l’actualité internationale, ce qui est une tendance de plus en plus rare outre-Atlantique comme dans beaucoup de rédactions à travers le monde. En effet, le carnet de Christopher Stevens n’a été récupéré par le reporter de CNN Arwa Damon que parce que les personnels du Ministère des affaires étrangères avaient déserté le consulat de Benghazi devant la violence des attaques que celui-ci subissait, laissant de fait la “scène de crime” abandonnée. Sans Damon, la famille de l’ambassadeur n’aurait probablement jamais obtenu le journal du disparu.

CNN a donc accompli un remarquable travail journalistique malgré sa maladresse à l’égard de la famille de l’ambassadeur. Un travail journalistique qui lève une partie du voile sur les raisons et les circonstances du premier assassinat d’un ambassadeur américain depuis 1979.

Le Ministère des Affaires étrangères américain, pour sa part, a oublié une règle cardinale : lorsqu’on se drape dans sa vertu, encore faut-il que ses draps soient immaculés.

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