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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

La guerre de succession est terminée chez Apple

Trois leçons de la réorganisation majeure (qui confirme mon analyse d’il y a un mois) annoncée la nuit dernière par la marque à la pomme.

L’annonce principale concerne l’éviction de Scott Forstall, patron des logiciels mobiles et créateur d’iOS, le système d’exploitation des iPod Touch, iPhone et iPad dont 400 millions d’exemplaires ont été vendus dans le monde et qui a fait en partie la fortune d’Apple ces dernières années. Forstall était considéré par beaucoup de collaborateurs d’Apple et d’observateurs externes comme le successeur naturel de Steve Jobs dont il était censé avoir hérité de la capacité visionnaire, du charisme… et des problèmes relationnels.

Mais, ainsi que je l’expliquais il y a un mois (lire ici), ces problèmes relationnels et le double échec subi par Forstall lors des lancements ratés de deux produits inachevés – l’assistant vocal Siri et l’application de cartes Apple Maps – posaient un problème managérial de fond à Tim Cook, le successeur de Steve Jobs à la tête d’Apple. Tim Cook a tranché le nœud gordien que je décrivais dans mon article en écartant Scott Forstall, ce qui met de facto un terme à la guerre de succession plus ou moins patente à la tête de l’Entreprise depuis le décès de Steve Jobs.

Tim Cook – (CC) deerkoski

Je tire trois leçons de cet épisode en matière de management :

  • la première concerne l’influence de la politique interne dans les entreprises. C’est en effet un double déficit de savoir-être et de savoir-faire qui a coûté son poste à Scott Forstall : Tim Cook ne l’a pas mis de côté en raison de sa seule incapacité à travailler avec les autres dirigeants d’Apple. Sinon il aurait pu prendre cette décision bien plus tôt. Certes, ce facteur a joué un rôle déterminant comme en témoigne le texte du communiqué de presse d’Apple qui insiste lourdement sur la mise en place d’une approche plus collaborative, permise, faut-il comprendre, par la disgrâce de Forstall. Mais le seul fait que Scott Forstall ne veut pas collaborer avec les autres membres du comité de direction d’Apple n’aurait pas suffi à Tim Cook pour se séparer de lui. Son poids dans le succès d’Apple ces dernières années et son image dans l’industrie des hautes technologies pesaient trop lourds. Or Forstall a subi un double échec lors des lancements de l’assistant vocal Siri (2011) et de l’application de cartes Apple Maps (2012). Ces deux revers ont significativement diminué son poids politique au sein d’Apple en retirant à son insuffisance de savoir-être le faux-fuyant de la prodigalité de son savoir-faire. Il semble, d’après The New York Times, que Forstall se soit lui-même donné le coup de grâce en refusant d’endosser la lettre d’excuses publiques qu’Apple publia le 28 septembre dernier à propos du fiasco d’Apple Maps – elle fut signée par Tim Cook lui-même. In fine, Scott Forstall, aveuglé par son ego, n’a pas compris qu’on peut se permettre d’être odieux lorsqu’on est le patron d’une entreprise comme Steve Jobs ou lorsqu’on est trop puissant pour être destitué par le patron – incidemment, ces deux cas de figure constituent une dérive éthique et opérationnelle. Forstall a longtemps été intouchable en raison de son poids politique à l’intérieur et à l’extérieur d’Apple. Les deux échecs de Siri et d’Apple Maps ont donné à Tim Cook le courage de prendre la décision qu’il aurait dû prendre plus rapidement pour assurer le succès collectif de l’entreprise qu’il dirige ;
  • la deuxième leçon de l’éviction de Scott Forstall confirme que, jamais, personne n’est indispensable au sein d’une entreprise. Il ne s’agit pas tant d’affirmer que tout le monde est remplaçable. Je ne le crois pas : il existe des talents réellement uniques. Mais je suis convaincu que, dès qu’une personne se considère indispensable, elle perd le sens de l’intérêt général et se pousse toute seule à la faute. Elle devient alors dispensable et même nuisible. C’est ce qui s’est produit avec Scott Forstall, qui s’est cru indispensable à Apple et peut-être même à l’industrie hi-tech toute entière. Aveuglé par sa propre arrogance et indigne du légendaire perfectionnisme de Steve Jobs, Forstall a ridiculisé, avec Apple Maps, l’une des marques les plus respectées au monde. Forstall pensait peut-être qu’il incarnait Apple mieux que quiconque après le décès de Steve Jobs. Il lui reste à démontrer sous d’autres cieux ce qu’il peut réaliser sans le soutien du mentor avec lequel il travailla successivement au sein de NeXT et d’Apple ;
  • la troisième leçon a trait au futur d’Apple. L’Entreprise est aujourd’hui dirigée par des prodiges opérationnels (Tim Cook, Bob Mansfield, Eddy Cue, Craig Federighi et même Phil Schiller) et dénuée de stratèges dans l’un des secteurs industriels où la capacité visionnaire compte le plus. La seule exception pourrait être Jony Ive. Cependant, le génial designer, s’il a une réelle vision en matière de design (qu’il va désormais aussi appliquer aux logiciels de la marque grâce au renforcement de son rôle dans la nouvelle organisation), n’a pas de vision d’ensemble de l’avenir d’Apple. Or c’est d’abord la réinvention par Steve Jobs de trois industries – l’informatique, la musique et la téléphonie mobile – qui a permis à la marque d’atteindre les sommets commerciaux et boursiers. Ainsi que je l’avais supputé sur Superception dès la démission de Jobs de son poste de PDG (lire ici), Tim Cook fait un bon job mais pas un bon Jobs. Il n’est en effet pas un visionnaire. Forstall prétendait à ce rôle et il devra démontrer ses capacités dans ce domaine au sein d’une autre entreprise. La question que j’ai posée plusieurs fois sur Superception reste donc d’actualité : qui imaginera le nouveau produit, le nouvel usage ou le nouveau marché qui permettra à Apple de maintenir son rythme de croissance lorsque l’Entreprise aura fini de surfer sur des évolutions incrémentales de ses best sellers actuels ? A cette question, la réorganisation annoncée la nuit dernière n’apporte aucune réponse.

Cette réorganisation est donc majeure pour Apple en termes managériaux et culturels, représentant à cet égard une nouvelle prise d’autonomie de Tim Cook vis-à-vis de Steve Jobs. Mais elle laisse un goût d’inachevé sur le fond. Tout comme son application Maps, Apple semble bien démuni lorsqu’il s’agit d’indiquer la voie à suivre…

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