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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

En perception, on peut être condamné à mort plusieurs fois

En situation de crise, ne communiquez pas avant d’y être VRAIMENT prêt.

Jonah Lehrer, un brillant journaliste et auteur américain, a été pris l’an dernier dans un scandale de plagiat qui a brisé sa jeune et riche carrière (lire ici). Il a été payé 20 000 dollars cette semaine par la respectée Knight Foundation pour s’expliquer et s’excuser. Cette intervention (voir la vidéo ci-dessous) a provoqué des réactions presque unanimement négatives, à tel point que la fondation a ensuite dû exprimer publiquement ses regrets d’avoir rémunéré Lehrer.

Pourquoi, dans le pays au monde le plus sensible à l’idée de rédemption, l’ancienne star éditoriale n’a-t-elle pas le droit à une nouvelle chance et se voit-elle condamnée à mort professionnellement une deuxième fois après l’avoir déjà été lors de la révélation de ses dérives ?

La réponse à cette question porte un nom : sincérité.

En communication de crise – et encore plus pour les situations individuelles que pour celles qui ont trait à une entreprise ou une organisation collective -, la vérité de la personne qui a “fauté” est essentielle dans sa rédemption. Lorsque le public sent qu’elle n’est pas franche dans ses explications et ses excuses, il se sent doublement trahi et éprouve un rejet encore plus violent à son égard que si elle ne s’était pas excusée.

Il vaut mieux donc ne pas s’excuser tant que l’on n’est pas prêt à le faire loyalement. On ne peut pas demander aux gens de vous redonner une parcelle de confiance en ne leur accordant pas la preuve de confiance qu’ils méritent : la sincérité. Après avoir observé le désastre de l’interview de Lance Armstrong avec Oprah Winfrey (lire ici), Jonah Lehrer aurait dû comprendre la vraie nature de l’exercice auquel il se soumettait en intervenant dans le cadre de la Knight Foundation.

Cet exercice était d’autant plus délicat (i) qu’il choisissait un forum des plus respectables pour faire son mea culpa et (ii) qu’il acceptait (exigeait ?) d’être payé pour ce faire. Ce fut sa première double erreur :

  • s’il ne voulait pas être sincère, il ne fallait pas qu’il salisse la réputation d’une organisation aussi honorable que la Knight Foundation (qui fut elle-même prise dans une communication de crise après son intervention) ;
  • s’il voulait être écouté, il ne devait pas être rémunéré. Cela va en effet à l’encontre de la logique et de la morale les plus évidentes. Avant même que son allocution ne commence, elle était déjà entachée de cette faute morale : on ne se fait pas payer pour demander pardon. Même s’il était sincère dans ses propos, cette transaction leur enleverait toute apparence de vérité.

Le contenu de son discours n’arrangea rien. Au lieu d’expliquer sincèrement ses dérives, Jonah Lehrer les analysa avec le même talent pédagogique qui fit le succès de ses articles et livres jusqu’à l’année dernière. Mais il ne pouvait pas être le commentateur de ses propres manquements à l’éthique. Cette posture lui retirait tout engagement personnel, et ce d’autant plus qu’il utilisa des comparaisons étonnantes pour tenter d’amoindrir la portée de ses actes.

Il consacra par exemple une partie de son discours aux processus et outils qui forcent les individus à éviter de commettre des erreurs. Il cita ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, le bruit que produisent les voitures durant quelques secondes lorsque nous ne mettons pas notre ceinture de sécurité. Il le compara à son engagement de se soumettre désormais, avant toute publication, à l’autorité d’une personne qui vérifierait l’exactitude et l’honnêteté de ses écrits. Mais le mécanisme de rappel sécuritaire des voitures n’a jamais empêché ceux qui ne veulent pas mettre leur ceinture de se comporter de manière dangereuse. De même, Lehrer a-t-il choisi pendant des années de tromper ses lecteurs. Il ne l’a pas fait par inadvertance. Il l’a fait délibérément et a ensuite menti plusieurs fois à ce sujet.

Je ne lui jette pas la pierre sur ses actes – nous commettons tous des erreurs – même si j’étais l’un de ses fidèles lecteurs. Il est en revanche regrettable que son approche mercantile et le contenu de son discours aient aggravé – au lieu de l’améliorer – son image. Il était certainement sincère dans ses efforts pour corriger ses fautes mais il n’a eu ni la lucidité ni le conseil extérieur pour se rendre compte qu’il s’enfonçait. Espérons que son talent journalistique trouvera la voie d’une rédemption publique.

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