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Toute vérité n'est que perception

Le meilleur investisseur du monde acquiert des journaux

Et, pourtant, Warren Buffett n’est pas devenu fou.

Le patron de la société d’investissement Berkshire Hathaway – et deuxième fortune des Etats-Unis – explique sa stratégie médiatique dans la lettre annuelle à ses actionnaires publiée il y a quelques jours. C’est la meilleure analyse de l’état et des perspectives de la presse écrite que vous puissiez lire.

Durant les quinze derniers mois, nous avons acquis 28 quotidiens de presse écrite pour un investissement total de 344 millions de dollars. Cela peut vous surprendre. (…) L’actualité, pour faire simple, est ce que les gens ne savent pas qu’ils veulent savoir. Ils chercheront à s’informer sur ce qui est important à leurs yeux dans n’importe quelle source fournissant la meilleure combinaison d’immédiateté, de facilité d’accès, de fiabilité, de complétude et de bas coût. Le poids relatif de ces facteurs varie en fonction de la nature des informations et des personnes concernées.

Avant la télévision et l’Internet, la presse écrite était la première source d’une incroyable variété d’informations, ce qui la rendait indispensable à un pourcentage très élevé de la population. (…) Votre journal incluait tellement d’informations qu’il était rentable même si seulement une petite partie de son contenu était pertinente vis-à-vis de vos centres d’intérêt. Mieux encore, les annonceurs finançaient presque tous les coûts d’un journal au bénéfice des lecteurs.

En outre, les publicités communiquaient également des contenus d’intérêt vital pour les lecteurs et contribuaient ainsi à la mission d’information de la presse. Les rédacteurs en chef seraient révoltés par cette idée mais, pour beaucoup de lecteurs, les informations sur les emplois ou les appartements disponibles, les promotions du jour au supermarché ou les films à l’affiche avaient plus d’importance que les éditoriaux du journal.

Symétriquement, les journaux étaient indispensables aux annonceurs. Si Sears ou Safeway ouvrait un nouveau grand magasin à Omaha, ils avaient besoin d’un “mégaphone” pour expliquer aux habitants de la ville pourquoi leurs commerces étaient intéressants. (…) En l’absence d’autre mégaphone comparable à celui proposé par les journaux, les espaces publicitaires se vendaient comme des petits pains.

Aussi longtemps qu’un journal était en situation de monopole dans sa communauté, il était certain d’être extraordinairement profitable, qu’il soit bien ou mal managé. (…) Avec le temps, la majorité des villes virent l’émergence d’un seul journal local – ou de deux journaux concurrents qui se réunirent pour opérer comme une seule entité sur le plan économique. (…) Lorsqu’une réelle concurrence s’installait, le journal qui l’emportait en termes de diffusion drainait le plus de publicités. Ainsi, les lecteurs attiraient les publicités et les publicités attiraient les lecteurs. Ce processus prit le nom de “survie du plus gras” (jeu de mots en anglais entre “survival of the fattest” et “survival of the fittest“).

Aujourd’hui, le monde a changé. Les informations sur les marchés financiers et les événements sportifs sont périmées avant même que le quotidien du lendemain n’ait été imprimé. Internet offre des informations détaillées sur les emplois et les appartements disponibles. La télévision bombarde les téléspectateurs avec l’actualité politique nationale et internationale. Dans chaque domaine, la presse écrite a perdu sa primauté. Et la chute de son lectorat a entraîné celle de ses revenus publicitaires. Les revenus générés par certaines catégories de petites annonces ont ainsi dégringolé de 90% sur les douze dernières années.

Warren Buffett – (CC) sirenmedia

Cependant, il est un secteur où la presse écrite continue de régner : l’actualité locale. Si vous voulez savoir ce qui se passe dans votre ville – qu’il s’agisse d’une information sur le maire, sur les impôts locaux ou sur un match de football du lycée -, il n’y a pas d’alternative à la presse locale. (…)

Cela étant dit, même un produit pertinent peut s’autodétruire par une stratégie erronée. C’est ce que nous observons dans presque tous les journaux de taille significative depuis dix ans. Les groupes de presse offrent les informations gratuitement sur leurs sites Internet tout en faisant payer leurs versions papier. Comment cette approche peut-elle mener à une autre issue qu’une chute importante et durable de leurs ventes de journaux ? Mécaniquement, la baisse du lectorat diminue l’intérêt des journaux aux yeux des annonceurs. Le cercle vertueux du passé s’en trouve ainsi inversé. 

The Wall Street Journal a, parmi les premiers, mis en place un modèle payant. Mais le meilleur exemple d’un journal local ayant adopté cette stratégie est The Arkansas Democrat-Gazette. Ce quotidien a maintenu sa diffusion à un meilleur niveau que tous les autres grands journaux locaux du pays. (…) La meilleure stratégie – qui n’est pas encore claire à ce stade – sera largement copiée.

Je crois que les journaux fournissant une information complète et fiable à des communautés locales et ayant une stratégie Internet raisonnable resteront viables pour longtemps. Je ne crois pas que le succès viendra de la réduction des informations proposées ou de la périodicité de publication. Une offre chiche produira toujours un lectorat chiche. (…) Notre objectif est de conserver aux journaux que nous acquérons un contenu informatif digne d’intérêt pour leurs lecteurs et d’être rémunérés de manière appropriée par ceux qui trouvent nos produits utiles, qu’ils l’utilisent au format papier ou numérique. (…)

Les journaux que nous possédons ne sont certainement pas immunisés contre la crise économique de la presse. Pourtant, les six petits quotidiens locaux que nous détenions en 2012 n’ont pas enregistré de baisse de leur chiffre d’affaires, une performance bien supérieure à celle des journaux plus importants. En outre, les deux quotidiens les plus éminents de notre groupe ont vu leurs ventes ne décliner que de 3%, un résultat là aussi bien meilleur que celui de leurs pairs. (…)

Le résultat opérationnel de notre groupe de presse décroîtra presque certainement dans les prochaines années. Même une stratégie Internet pertinente ne pourra pas empêcher une petite érosion. Je suis cependant convaincu que nos journaux seront à la hauteur de nos objectifs économiques en matière d’acquisitions. Les résultats enregistrés à ce jour confirment cette assertion. (…) Et nous fermons à regret les rares quotidiens que nous avons acquis et qui démontrent leur incapacité à survivre“.

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