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Toute vérité n'est que perception

Pourquoi le best-seller de Thomas Piketty n’aura finalement servi à rien

L’économie n’est pas une discipline assez scientifique pour surpasser la puissance émotionnelle de la politique.

La publication du “Capital au 21ème siècle” (“Capital in the Twenty-First Century”) aux Etats-Unis, un an après sa sortie en France, a fait de l’économiste français Thomas Piketty une star. “Le Capital“, austère ouvrage de 686 pages, a même passé trois semaines en tête du classement des meilleures ventes de livres du New York Times. Surtout, il a déclenché un débat intellectuel quasi planétaire.

Ainsi que le résumait Neil Irwin dans The New York Times, le livre vise à démontrer que le capitalisme a une tendance naturelle à générer de grandes inégalités, la valeur de certains capitaux détenus de manière disproportionnée par les plus riches – tels que l’immobilier et les actions boursières – augmentant plus rapidement que l’économie.

Selon Piketty, cette évolution a été temporairement gelée par les deux guerres mondiales de la première moitié du vingtième siècle mais les inégalités aux Etats-Unis et en Europe retrouvent désormais les niveaux atteints avant ces conflits. L’auteur préconise qu’elles soient combattues par une forte hausse de la fiscalité sur les plus riches.

La thèse inverse proclame que les inégalités ne sont pas nuisibles car elles favorisent la concurrence, l’innovation, le progrès économique et, partant, la production de valeur et de richesses. Ce débat démontre une nouvelle fois qu’il n’y a jamais de macro-économie sans politique.

C’est peut-être pourquoi le livre de Thomas Piketty a connu un si grand succès et suscité une si importante polémique. Celle-ci s’est cristallisée autour d’erreurs factuelles qu’aurait commises l’auteur dans la constitution de sa base de données, erreurs signalées par un éditorialiste économique du Financial Times dans un long article. Plus globalement, les fondements théoriques et analytiques de la théorie du “Capital au 21ème siècle” ont également fait l’objet de nombreuses critiques outre-Atlantique (lire ici et ici les deux meilleures à mon sens).

Thomas Piketty starisé en Justin Bieber à la Une du sérieux Bloomberg Businessweek - (CC) Bloomberg Businessweek

Thomas Piketty starisé en Justin Bieber à la Une du sérieux Bloomberg Businessweek – (CC) Bloomberg Businessweek

Thomas Piketty a répondu de manière détaillée et mesurée aux attaques du Financial Times en expliquant que les erreurs qui lui étaient attribuées étaient en fait des choix délibérés de sa part pour optimiser la pertinence de ses statistiques et que ces choix n’avaient pas eu d’effet sur les conclusions de sa démonstration.

On peut penser que le désaccord entre les deux parties relève d’une interprétation différente de données incomplètes mais le mal est fait. Le livre de Thomas Piketty est désormais considéré comme un évangile moderne par certains et un brûlot par d’autres. Il a quitté la sphère économique pour entrer dans l’espace politique. Il n’en ressortira plus.

Ainsi la perception du “Capital au 21ème siècle” oppose-t-elle ceux qui estiment que Piketty a manipulé les statistiques pour faire prévaloir son idéologie et ceux qui pensent qu’il est la victime d’un complot conservateur destiné à décrédibiliser sa thèse progressiste. L’ouvrage de Thomas Piketty ne fera donc pas bouger les lignes du débat intellectuel et n’aura servi à rien. Il contribuera simplement à ancrer les convictions de chaque camp.

Cette issue a plusieurs explications dont trois sont imputables à mon sens à Piketty :

  • étant lui-même engagé politiquement, il lui est difficile d’être perçu comme complètement neutre lorsqu’il présente une théorie macro-économique ;
  • il a commis le pêché d’orgueil de promouvoir son livre, y compris dans son titre, comme la suite du “Capital” de Karl Marx ce qui n’a fait qu’exacerber la nature politique du débat qu’il a suscité et l’enjeu constitué par sa parution : si Piketty visait à donner une vision aussi globale du monde, la réfutation de ses arguments par ses adversaires devenait une question de quasi survie ;
  • ainsi qu’il l’a en partie reconnu dans sa réponse au Financial Times, il n’a pas été assez clair dans les explications qu’il a publiées sur les statistiques qu’il a utilisées et a ainsi ouvert la porte à un procès en manipulation.

Cependant, la principale explication du sort connu par “Le capital au 21ème siècle” tient à un facteur indépendant de son auteur : l’inextinguible puissance émotionnelle de notre subjectivité et de notre besoin de cohérence cognitive (lire notamment iciici et ici).

Or, en l’espèce, l’économie n’est pas une discipline assez scientifique pour surpasser la puissance émotionnelle de la politique.

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