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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Conflit avec Hachette : Amazon fait tout pour perdre la bataille de l’image

Le groupe de Jeff Bezos réalise l’exploit de rendre populaire l’entreprise qui veut augmenter les prix.

Amazon et Hachette conduisent des négociations apparemment difficiles pour définir la politique de prix et le partage de leurs revenus respectifs sur la vente de livres électroniques.

Hachette a porté ce conflit sur le terrain médiatique en se plaignant notamment des mesures de rétorsion prises par Amazon à son encontre : allongement des délais de livraison et suppression des rabais de ses livres, impossibilité de pré-commander ses futures parutions… La maison d’édition a enrôlé ses auteurs-vedettes pour critiquer publiquement son adversaire. James Patterson a ainsi accusé Amazon sur Facebook de mettre en danger la qualité de la littérature américaine. Rien de moins.

Face à cet incendie médiatique, Amazon est resté étonnamment coi. Appliquant sa stratégie de relations presse habituelle, le Groupe n’a pas fait de commentaires pendant plusieurs longues journées alors que la maison d’édition ne cessait de marquer des points.

C’est une erreur de communication d’autant plus flagrante qu’il était évident (i) qu’Amazon serait vilipendé dans les médias car les critiques de Hachette confirment le récit négatif associé à Jeff Bezos et son entreprise depuis les révélations sur les conditions de travail de ses collaborateurs et (ii) que Hachette bénéficierait au sein de la presse d’alliés naturels, beaucoup d’éditorialistes étant des auteurs de livres ou aspirant à l’être. En outre, les journalistes sont culturellement plus proches d’une maison d’édition que d’un commerçant en ligne.

La tablette électronique Kindle Fire d’Amazon - (CC) Zhao !

La tablette électronique Kindle Fire d’Amazon – (CC) Zhao !

Après avoir été dénigré durant plus de deux semaines dans les médias à travers la planète, Amazon réagit finalement en publiant un communiqué officiel sur son site Internet. Toujours aussi étonnamment, ce texte ne reprend aucun des arguments les plus importants qu’il devrait faire valoir.

Amazon se comporte comme si, trop sûr de sa puissance, il ne voulait pas entrer dans l’arène pour se défendre à l’égard des attaques de Hachette. Ce faisant, le Groupe court même le risque de mettre en cause l’attribut d’image qui est le plus cher à Jeff Bezos : la priorité absolue à la satisfaction client, laquelle est bien peu incarnée par les répercussions sur les internautes des mesures de rétorsion prises contre Hachette.

Sans prendre position sur le fond du dossier, voici les éléments de langage qu’Amazon devrait utiliser en “on” (s’ils étaient validés par ses avocats) ou, à défaut, en “off” auprès des journalistes :

  • le différend actuel d’Amazon avec Hachette est l’une des conséquences du comportement illégal de la maison d’édition il y a quelques années. En 2010, Amazon dominait outrageusement le marché du livre électronique qu’il avait créé de toutes pièces. Apple lança alors sa solution iBooks avec le soutien de cinq des six plus grandes maisons d’édition mondiales : Hachette, HarperCollins, Macmillan, Penguin et Simon & Schuster (la sixième était Random House). Ces cinq sociétés et Apple ont depuis lors été condamnées par un tribunal fédéral américain pour s’être entendues afin de fixer le prix des livres électroniques à travers l’ensemble des revendeurs. Elles durent payer des amendes et renégocier leurs contrats avec leurs revendeurs en ayant l’interdiction d’avoir recours aux termes de leurs anciens accords leur permettant de fixer leurs prix. Cela permit à Amazon de reprendre le contrôle sur le prix des livres électroniques qu’il vend et de les faire baisser au bénéfice de ses clients. Aujourd’hui, Hachette est la première des cinq grandes maisons d’édition (Penguin et Random House ont fusionné l’an dernier) à négocier avec Amazon dans un cadre juridique lui permettant de nouveau de déterminer le prix des livres électroniques commercialisés par ses revendeurs. C’est ce qu’Amazon veut éviter à tout prix – sans jeu de mots – afin de proposer les meilleures conditions à ses clients ;
  • Amazon utilise donc le pouvoir que lui confère sa position dominante sur le marché du livre électronique pour tenter de faire baisser les prix au service de ses clients. Cette stratégie est diamétralement opposée à ce que condamnent les lois antitrust… et à l’approche de Hachette ;
  • les conflits entre des sociétés de distribution et leurs fournisseurs sont tout sauf rares et ne sont pas limités, comme cela semble être relaté actuellement dans les médias, au désaccord entre Amazon et Hachette. La grande distribution emploie d’ailleurs des méthodes autrement plus radicales que celles d’Amazon. Pour rester dans le monde de l’édition, Barnes & Nobles et Borders étaient perçus par les maisons d’édition comme des prédateurs à l’époque du livre physique. Pas plus tard que l’an dernier encore, Barnes & Nobles a eu des démêlés avec Simon & Schuster et la chaîne de magasins a eu recours à des rétorsions comparables à celles employées par Amazon vis-à-vis de Hachette ;
  • Amazon a eu une contribution sociétale et économique très positive pour l’univers du livre, par exemple (i) en développant l’accès à la lecture grâce à la facilité d’achat de livres sur son site Internet et à l’essor réussi du livre électronique suite au lancement de sa liseuse électronique Kindle en 2007, (ii) en donnant du pouvoir aux auteurs auto-édités (souvent rejetés par les maisons d’édition traditionnelles) auxquels le Groupe accorde 70% de royalties (contre 25% pour les grandes maisons d’édition), (iii) en abaissant la barrière d’entrée sur le marché du livre pour les petites maisons d’édition confrontées à la concurrence précédemment inexpugnable de leurs plus grands concurrents et (iv) en payant les auteurs à 30 jours, ce qu’aucun autre acteur ne fait dans cette industrie.

Ces arguments, Amazon ne les met pas en avant.

Sa stratégie de communication aberrante conduit ainsi le Groupe à s’enfermer dans un silence qui donne la part belle à l’entreprise dont les actions sont préjudiciables aux consommateurs et vont à l’encontre de sa valeur la plus fondamentale. Le héraut de la satisfaction client est pris à son propre piège.

Et, aux dernières nouvelles, Amazon semble avoir engagé le même processus avec Warner Bros.

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Dialogue, Furet du Nord, Mollat, Decitre, Chapitre … j’en passe ! Il existe beaucoup d’autres boutiques en ligne, qui payent des taxes en france, et qui distribuent les ouvrages de chez Hachette.

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