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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

The Decision 2.0 : LeBron James choisit la route de la rédemption

Le meilleur joueur de basketball actuel est un cas passionnant en matière de perception.

J’explique souvent que, en communication comme en tennis, il faut éviter les fautes non provoquées, celles qui ternissent une réputation alors qu’aucune crise n’empoisonne l’image de la personne ou l’entité concernée.

Le 8 juillet 2010, LeBron James, alors âgé de 25 ans, commit la plus grande faute de communication non provoquée de l’histoire du sport. Il fut la star de “The Decision”, une émission spéciale diffusée durant une heure et quart sur ESPN (la chaîne américaine consacrée au sport). Le point d’orgue de ce show fut une interview de onze minutes durant laquelle James annonça qu’il quittait l’équipe des Cleveland Cavaliers pour rejoindre les Miami Heat (voir ci-dessous).

Tout dans cette annonce était désastreux : le fait, en lui consacrant un tel programme, d’avoir l’air de lui donner une importance grandiloquente, l’émission elle-même articulée autour d’un suspense artificiel et d’un LeBron James mal à l’aise et, last but not least, la phrase par laquelle le joueur communiqua sa décision : “I’m going to take my talents to South Beach”. Bouffie de prétention et de frime, c’est probablement la formule préparée à l’avance la plus calamiteuse de l’histoire mondiale de la communication.

Alors qu’il poursuivait un objectif professionnel logique (contribuer avec Dwyane Wade et Chris Bosh à la construction d’une équipe capable de gagner le championnat) et qu’il est un individu éminemment respectable sur un plan personnel, cette émission transforma l’un des chouchous de l’Amérique en traître quittant ses racines ouvrières pour le strass et l’argent du bijou de la Floride du Sud. Le débat public à propos de LeBron James ne serait plus jamais rationnel.

Le principal intéressé mit plus d’un an à s’en remettre, s’effondrant notamment dans la finale NBA 2011 contre les Dallas Mavericks. Les doutes exprimés par l’ensemble du pays à son égard avaient colonisé son cerveau. Sa piètre performance dans la série de matches où il devait précisément faire la différence pour obtenir le graal qu’il était venu chercher à Miami ne fit que renforcer la véhémence des critiques à son endroit.

La perception de LeBron James était alors à son plus bas. En plus d’être un traître, il était une poule mouillée. Tout l’inverse de la référence ultime du basketball – et du sport – américain, Michael Jordan qui, lui, eut la patience de bâtir huit années durant une équipe gagnante à Chicago, où il avait pourtant rejoint une franchise moribonde, et qui éleva toujours la qualité de son jeu dans les moments décisifs.

En fait, l’image ainsi accolée à LeBon James était très injuste, son bilan sportif à Miami étant par ailleurs remarquable. Mais tous les matches dans lesquels l’excellence de James s’exprima furent effacés par une terrible émission de télévision dont le message retenu par le grand public semblait conforté par la finale contre Dallas. Le joueur le plus doué depuis Michael Jordan était en permanence ramené à sa faute de communication originelle.

LeBron James et les Heat en action dans leur salle de Miami - (CC) Christophe Lachnitt

LeBron James et les Heat en action dans leur salle de Miami – (CC) Christophe Lachnitt

Quatre ans après cette funeste émission, LeBron James est la star incontestée de la NBA avec deux titres de champion (2012 et 2013), quatre couronnes de meilleur joueur de la saison régulière (2009, 2010, 2012 et 2013) et deux prix de meilleur joueur de la finale (2012 et 2013). Plus encore, il est unanimement reconnu comme l’un des plus grands joueurs de l’histoire (même si son palmarès est moins fourni que celui d‘autres géants du jeu). Ainsi Bill Simmons, probablement le plus grand éditorialiste de sport outre-Atlantique, estime-t-il que “King James” agrège les qualités de Magic Johnson, Larry Bird, Karl Malone et Charles Barkley. Excusez du peu !

Malgré cette reconnaissance, la perception associée à LeBron James est toujours souillée par sa communication de juillet 2010 et ce qu’elle a censément révélé au public sur sa personnalité.

Fort heureusement, il a cette fois su être lui-même dans la gestion de l’annonce de son retour à Cleveland. En perception aussi, la vengeance est un plat qui peut se manger froid. Hier soir, LeBron James a choisi la route de la rédemption.

(CC) Sports Illustrated

(CC) Sports Illustrated

Toute bonne communication conjuguant fond et forme, il convient d’abord de relever que la décision de retourner à Cleveland constitue en soi un élément majeur de sa rédemption. Il retrouve ses racines et une communauté où il peut avoir une action citoyenne bien plus importante qu’à Miami, ce qui lui tient à coeur. En outre, après avoir constaté le déclin des Heat qui reposaient trop sur lui cette saison, il relève le défi sportif qu’il avait fui en 2010 : faire gagner un grand championnat à une équipe de Cleveland pour la première fois depuis 50 ans.

Il ouvre donc un nouveau chapitre qui pourrait lui permettre de changer le récit de sa vie en écrivant le retour à la maison en héros du fils prodigue. En 2010, il fut perçu comme une jeune star égoïste attirée par les mirements du paradis de l’épate. Cette fois, il veut revenir chez lui en leader au service des autres sur le terrain et hors du stade.

Dans la forme, il a choisi la sobriété et la sincérité. C’est par une confession publiée en exclusivité sur le site de Sports Illustrated qu’il annonce et explique son choix. Incidemment, il a cette fois délaissé son brillant conseiller en communication pour collaborer avec un journaliste du célèbre magazine. Le fruit de cette coopération est un article remarquablement écrit et intelligent. Mais, surtout, il est touchant parce que profondément humain, y compris dans la reconnaissance de ses erreurs. Autant de qualités absentes de son annonce de 2010.

(CC) Cleveland Cavaliers

(CC) Cleveland Cavaliers

Last but not least, son retour à Cleveland passe par une réconciliation avec le propriétaire du club, le milliardaire Dan Gilbert, qui l’avait éviscéré dans une lettre publique après l’annonce de son départ pour Miami. Fidèle à ce qu’il veut désormais être, “King James” a pardonné Gilbert au sujet duquel il écrit dans son article de Sports Illustrated : “tout le monde commet des erreurs. Moi aussi. Qui suis-je pour lui en tenir rigueur ?”.

En libérant ainsi Gilbert, il se libère aussi symboliquement de l’événement à l’origine de cette lettre, l’annonce de son départ pour Miami. La boucle est en passe d’être bouclée.

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