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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Présentation d’Apple Watch et lancement gratuit de l’album de U2 : trop de fausses notes

Bilan quelque peu dépité de la conférence d’Apple, pour la présentation de l’Apple Watch comme pour la distribution forcée de “Songs Of Innocence”.

Commençons par débriefer la conférence d’Apple en lien avec certains enjeux que j’avais identifiés pour la marque à la pomme et Tim Cook à la veille de leur grand show :

  • l’échec absolu de la retransmission en flux (streaming) de la conférence du fait, semble-t-il, d’une erreur assez évitable a donné un coup à l’image de perfection d’Apple et confirmé dans l’inconscient collectif son absence totale de maîtrise du cloud ;
  • tout a été conçu pour faire monter les enchères en termes de perception autour de la présentation de l’Apple Watch : ressuscitation du gimmick préféré de Steve Jobs* (“One more thing”) pour introduire la séquence dédiée, vidéo de révélation alludant à une révolution planétaire, posture (bizarre d’ailleurs) de Tim Cook levant les bras au ciel comme s’il avait gagné le Super Bowl… Jamais Apple n’avait semblé aussi perméable à son propre battage marketing ;
(CC) Apple

(CC) Apple

  • on peut douter que l’Apple Watch constitue la révolution de son segment de marché qu’avaient représenté dans le passé l’iPod, l’iPhone et l’iPad, les trois produits auxquels elle doit être comparée en matière de potentiel de croissance pour Apple et d’impact sur les consommateurs. Son design, remarquablement élégant et soigné comme d’habitude, fait cependant plus penser à une version améliorée de la Samsung Galaxy Gear qu’à la classique rébellion créative d’Apple contre les designs établis. Par ailleurs, Tim Cook a expliqué que l’interface utilisateur “révolutionnaire” de l’Apple Watch passait par sa couronne et non son écran pour ne pas cacher les contenus présentés sur celui-ci. Mais le cadre dirigeant qui a effectué la démonstration de la montre sur scène a, dans la foulée, quasi exclusivement utilisé l’écran pour la faire fonctionner. En outre, l’Apple Watch n’a pas, à ce stade, résolu deux autres difficultés inhérentes à cette catégorie de produits : la durée de vie de la batterie et l’association avec un smartphone pour être opérationnelle. Elle n’est pas étanche, ce qui est étonnant pour une montre si fortement dédiée au suivi des activités de fitness. Et elle empile (sans jeu de mots) les fonctionnalités dans une approche diamétralement opposée à la simplification absolue recherchée par Apple depuis sa fondation. Enfin, elle ne sera pas disponible pour Noël, un ratage majeur en termes de positionnement sur le marché et de perte de revenus potentiels ;
  • je me demandais lundi quel dirigeant présenterait l’Apple Watch en suggérant les conséquences de ce choix en termes de positionnement de l’objet et de dynamiques de pouvoir internes au Groupe. C’est en quelque sorte un non-choix qu’Apple a effectué. C’est en effet Tim Cook qui a présidé à la présentation de la montre mais celle-ci, comme l’iPhone 6, a été révélée dans une vidéo. C’est une solution qui préserve la position dominante de Tim Cook et convient à son manque de charisme. En revanche, elle prive la marque d’un moment mémorable tel que Steve Jobs savait les mettre en scène pour le dévoilement de nouveaux produits (les plus marquants concernant à mon goût le MacBook Air et l’iPod Nano) et dont les observateurs et fans de la marque se souviennent durant plusieurs années ;
  • enfin, Apple a abandonné le préfixe “i” pour les deux nouvelles solutions (Apple Pay et Apple Watch) qu’il a présentées : c’est une décision qui semble étonnante en termes de cohérence de marque et pour laquelle aucune motivation n’a été donnée. Il faudra certainement attendre quelque temps pour entrevoir sa logique. Incidemment, “Apple Pay” fait immanquablement penser à “apple pie”, la fameuse tarte à la pomme qui est au coeur de la culture culinaire américaine.

Au terme de cette conférence, on ne pouvait manquer de se poser deux questions : Steve Jobs aurait-il accepté que ce modèle de montre soit lancé et laissé la conférence se dérouler ainsi ? L’Apple Watch va-t-elle connaître un aussi grand succès que ses célèbres prédécesseurs ?

La réponse à la première question ne sera jamais connue et est donc laissée à la libre interprétation de chacun. Le simple fait qu’elle puisse être posée de manière crédible apporte cependant un début de réponse.

Quant à l’Apple Watch, on peut penser qu’elle va connaître encore certaines améliorations (notamment sur la batterie) avant d’être commercialisée et que c’est la raison pour laquelle elle ne sera pas disponible avant “début 2015”. On peut également considérer que, comme toutes les solutions d’Apple, elle enregistrera des progrès significatifs entre ses première et deuxième versions. Il serait donc prématuré de parier sur son échec, même si elle impressionne moins de prime abord que ses illustres devanciers.

U2 à Denver (Colorado) lors de son 360 Tour en 2011 - (CC) Christophe Lachnitt

U2 à Denver (Colorado) lors de son 360 Tour en 2011 – (CC) Christophe Lachnitt

Venons-en aux quatre Irlandais.

Entendons-nous bien pour commencer : je suis un fan inconditionnel – enfin presque, comme cet article va le montrer – de U2 et l’analyse qui suit ne constitue donc pas la diatribe pavlovienne d’un de leurs détracteurs congénitaux. Je trouve même que l’album qu’ils ont lancé cette semaine est bon** ; je ne suis d’ailleurs pas le seul. C’est l’opération de lancement conjointe avec Apple qui me pose problème. Elle me semble en effet négative aussi bien pour la marque à la pomme que pour le groupe de rock.

Pour Apple, la logique semble être de faire un cadeau aux plus de 500 millions de membres d’iTunes tout en célébrant sa longue collaboration avec U2. Le premier problème, cependant, est que Tim Cook, dans son échange plus qu’incongru sur scène – dont la paroxysme fut la séquence “E.T.” – avec un Bono très vieilli (voir la vidéo ci-dessous), ne fit pas bien valoir ce message, incitant davantage sur “le plus grand lancement musical de l’histoire”, une forme de supercherie étant donnée sa configuration forcée.

Surtout, cette opération met en lumière, le jour même de l’annonce de la solution de paiement numérique “Apple Pay”, que la marque a la main sur nos actifs numériques. Les trois adjectifs utilisés par Apple pour promouvoir Apple Pay sont “simple”, “sécurisé” et “privé”.

L’opération U2 contredit chacun d’entre eux :

  • la suppression de l’album de U2 (qui occupe 72 MB sur les iPhone des membres d’iTunes) est tout sauf simple, comme le montrent les nombreuses plaintes exprimées sur le web à ce sujet ;

  • le fait d’imposer la possession d’un album à plus de 500 millions de personnes leur signale que leurs contenus numériques sont tout sauf sécurisés. C’est pourquoi, indépendamment des goûts musicaux de certains internautes, l’album de U2 se retrouve comparé à un virus. Cette imposition va d’ailleurs à l’encontre des idées perçues de cadeau et de gratuité ;

  • l’intrusion manifeste que constitue ce téléchargement forcé foule aux pieds toute notion de respect de la vie privée. C’est la différence notable avec l’opération montée par Jay Z pour son album “Magna Carter Holy Grail” avec Samsung : le téléchargement gratuit avait alors été proposé comme une option aux propriétaires de Galaxy et non imposé.

Enfin, ce lancement montre l’incompréhension d’Apple à l’égard de la principale tendance caractérisant actuellement la consommation de musique : la transition de la possession de fichiers numériques à l’écoute en flux (streaming) sur des services tels que Rdio, Rhapsdoy, Spotify… Une évolution à laquelle Apple et Beats, sa nouvelle filiale, ont du mal à s’adapter.

Pour U2, l’effet boomerang est tout aussi puissant : comment comprendre que l’un des groupes de rock les plus légendaires en soit réduit à se faire payer par Apple pour distribuer gratuitement son nouvel album ?

Le message induit par cette transaction est que les quatre Irlandais ont si peu confiance dans l’attrait de leur dernière oeuvre qu’ils préfèrent engranger les mannes de la marque à la pomme plutôt que de laisser le public voter avec son porte-feuille pour décider de sa qualité. Ce faisant, U2 s’interdit également la possibilité de mesurer son succès, les téléchargements gratuits de l’album n’étant logiquement pas comptabilisés dans les classements des meilleures ventes.

Je me souviens d’une opération qu’un autre de mes musiciens préférés, Prince, avait conduite avec The Daily Mail en Grande-Bretagne en 2007 : des CD de son nouvel album de l’époque (“Planet Earth”) avaient été ajoutés à l’édition dominicale du journal. Celui-ci bénéficia d’une hausse de ses ventes au numéro de 20% ce jour-là et Prince d’une promotion payante (il perdit sciemment de l’argent dans l’opération, ne faisant pas payer au Daily Mail ses droits à plein tarif) avant ses 21 shows à l’O2 Arena de Londres, lesquels furent joués à guichets fermés.

L’opération de Prince, comme celle de Jay Z, avait sa logique et préservait l’image de l’artiste. Celle de U2 ressemble à un chant du cygne raté.

Cela ne m’empêchera pas d’aller voir le groupe irlandais en concert parce que, justement, l’art doit l’emporter sur le marketing.

* Qui renforce la tendance que j’avais évoquée lundi soir d’une comparaison avec son mentor délibérément recherchée par Tim Cook alors qu’il l’avait fuite jusqu’à présent.

** Je vous recommande particulièrement “Every Breaking Wave”, “California (There Is No End To Love)”, “Sleep Like A Baby Tonight” et “The Troubles”. Les critiques musicaux plus qualifiés que moi semblent aussi favoriser “Iris (Hold Me Close)” et “Volcano”.

Un commentaire sur “Présentation d’Apple Watch et lancement gratuit de l’album de U2 : trop de fausses notes”

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Bonne analyse.
Est-ce que Jobs patati patata ? OSEF. Jobs est mort. Il était le coeur (aimé ou détesté) d’Apple donc Apple change (plus de préfixe “i”).
Et peu de gens ont son charisme.
A la limite Ballmer ou Gates. Mais pas de second couteau.
Apple n’aurait pas dû, je pense, présenter l’iMontre aussi tôt.

Et sinon, musicalement, il est bon le dernier U2 quand même ?

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