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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Contre le blocage des publicités numériques

On* a d’abord expliqué aux producteurs et diffuseurs de contenus qu’ils devaient offrir leurs produits gratuitement sur le web, leur laissant la publicité comme seul vecteur de monétisation. Désormais, on voudrait également leur retirer ce moyen de subsistance. C’est absurde économiquement et moralement.

Sur le plan économique, le développement** des systèmes en ligne de blocage des publicités – qui seraient régulièrement utilisés par plus de 200 millions d’internautes à travers le monde (voir le graphe ci-dessous) – constitue une réelle menace pour les médias, laquelle est plus alarmante, à court terme, que le risque encouru par des géants de la publicité numérique tels que Google.

ProSiebenSat.1, un groupe allemand, est l’un des rares médias à communiquer des données sur l’impact économique de cette pratique. En 2014, elle lui aurait coûté un cinquième de ses revenus numériques. C’est évidemment une taxe exorbitante alors que les médias luttent déjà pour leur survie dans un environnement numérique qui met à mal leur fonctionnement ancestral.

(CC) The Economist

(CC) The Economist

Sur le plan moral, le blocage des publicités n’est rien d’autre qu’une version présentable – car hypocrite – du piratage. Je ne comprends pas pourquoi il est illégal de télécharger le fichier d’un film mais qu’il serait légal – et même en vogue – d’utiliser des systèmes de blocage de publicités. Ces dernières sont en effet aux sites web et applications mobiles ce que l’achat de billets de cinéma ou de DVD est au film : la rémunération de la production et de la diffusion de contenus.

Autoriser l’activité des entreprises qui conçoivent les systèmes de blocage des publicités revient donc à encourager le piratage… à moins de poser que les acteurs du numérique sont les seuls médias qui ne peuvent pas monétiser leur activité.

En outre, la publicité fait partie de l’offre globale d’un média (sa qualité varie d’ailleurs généralement avec celle des contenus auxquels elle est associée) et participe donc du choix que les internautes opèrent dans les sites web et applications qu’ils utilisent. Personne ne nous oblige à consommer les médias dont les publicités nous gênent.

A cet égard, je soutiens les groupes qui prennent les mesures les plus drastiques pour lutter contre le blocage de leurs publicités. Les médias, qui ont échoué à s’adapter à la première révolution numérique de la gratuité, doivent absolument éviter de commettre une nouvelle fois l’erreur d’aborder ce phénomène comme un challenge technologique et non comme une menace sur leur business model.

Et ils doivent réagir très rapidement car la génération des milléniaux est en pointe dans l’adoption des systèmes de blocage de publicités. Le développement des publicités natives – réalisées comme les contenus qu’elles supportent, elles ne peuvent (pour l’instant) pas être bloquées – ne sera pas suffisant.

Plutôt que de tenter d’éduquer ses audiences numériques, comme le fait par exemple l’excellent journal britannique The Guardian***, la meilleure approche me semble donc être celle adoptée par des médias tels qu’Hulu qui bloquent les internautes qui bloquent leurs publicités. On peut aussi envisager une dégradation drastique de leur expérience utilisateur.

La voie juridique, quant à elle, ne semble pas porteuse d’avenir.  En Allemagne, plusieurs médias ont ainsi intenté un procès à Eyeo, le numéro un des systèmes de blocage de publicités. Etonnamment, le tribunal a jugé ses pratiques légales alors qu’elles consistent à sciemment empêcher une industrie de se rémunérer légalement.

Or un danger plus grand encore guette les médias : Shine, une entreprise israélienne, offre aux opérateurs de télécommunications mobiles une solution, qui viole d’ailleurs le principe de neutralité du Net****, pour bloquer toutes les publicités dans leurs centres de données, c’est-à-dire avant qu’elles n’atteignent les smartphones de leurs abonnés.

Le pays dans lequel les médias ne peuvent pas rémunérer les contenus qu’ils produisent existe : il s’agit de la Corée du Nord. Je ne suis pas convaincu que ce soit le modèle que nous désirons adopter.

* Il est bien connu de tout rédacteur que “on est un con”. En l’occurrence, le pronom fait ici référence aux consommateurs ainsi qu’aux acteurs et observateurs de l’industrie numérique.

** Les logiciels de blocage de publicités, au premier rang desquels Eyeo, sont désormais faciles à installer sur les smartphones comme sur les ordinateurs, ce qui accélère leur adoption par les internautes.

*** Les visiteurs du site qui bloquent ses publicités sont accueillis par une page leur présentant le message suivant : “Nous constatons que vous avez activé un système de blocage des publicités. Peut-être voudriez-vous soutenir le développement du Guardian d’une autre manière ?“.

**** Il pose que les opérateurs Internet doivent traiter de manière identique tous les types de trafic.

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