25 juillet 2015 | Blog, Blog 2015, Communication | Par Christophe Lachnitt
Faut-il pouvoir corriger ses tweets une fois qu’ils sont en ligne ?
Ce principe, proposé par Kim Kardashian, soulève un débat beaucoup plus profond qu’elle ne l’a entrevu.
Dans un tweet (voir ci-dessous), la callipyge starlette proposa que l’on puisse corriger un tweet au lieu de le supprimer et le réécrire. Sa proposition fut rapidement approuvée par Jack Dorsey, créateur et directeur général par intérim du réseau de micro-blogging.
I just emailed Twitter to see if they can add an edit feature so that when u misspell something u don’t have to delete & repost Let’s see…
— Kim Kardashian West (@KimKardashian) July 25, 2015
Elle touche cependant à mon sens au coeur même de la mission de Twitter. La différence entre le service de micro-blogging et les autres réseaux sociaux, au premier rang desquels Facebook, est qu’il est devenu ce que j’appelle “l’agence d’information du 21ème siècle” : non seulement l’actualité y est relatée en direct par des témoins et journalistes mais elle s’y déroule en temps réel à travers les déclarations de ses principaux acteurs. C’est pourquoi la correction des tweets ne revêt pas la même vocation que la faculté qui nous est accordée par Facebook d’amender nos messages.
On ne compte d’ailleurs plus le nombre de tweets de personnalités des mondes de la politique, de l’économie, des arts ou du sport qui ont fait la Une des médias – pour le meilleur ou pour le pire. Si ces individus pouvaient réviser leurs messages une fois mis en ligne, ils pourraient certes corriger une faute d’orthographe mais ils pourraient aussi remanier une déclaration gênante. Cela reviendrait à ce que les interviews données par des acteurs de l’actualité à la radio ou la télévision puissent être réenregistrées si elles ne leur convenaient pas après réflexion.
De fait, l’expression publique sur Twitter correspond à une forme de prise de parole orale : Internet provoque le retour à une communication définie par les mêmes caractéristiques (flux et éphémérité) que l’oralité qui régna avant l’invention de l’imprimerie, à la seule différence que cette oralité s’exprime à travers un clavier numérique. Le Professeur danois de sciences culturelles Thomas Pettitt a ainsi posé que l’ère Gutenberg, caractérisée par la suprématie du texte, n’aura été qu’une parenthèse de six siècles et demi dans l’histoire de la communication humaine*.
C’est pourquoi je considère que, si Twitter devait nous accorder la possibilité de corriger nos tweets, cette fonctionnalité devrait aller de pair avec le maintien, tout aussi visible, dans notre compte du tweet original.
Même sur Twitter, l’histoire s’écrit ; elle ne se réécrit pas.
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* “The Gutenberg Parenthesis: Oral Tradition And Digital Technologies“, Thomas Pettitt, MIT, avril 2010.