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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

L’erreur d’un journaliste peut avoir valeur d’information…

… s’il la reconnaît et en tire les conséquences.

Il y a deux mois, Theranos, l’une des startups à la fois les plus secrètes et les plus en vue de la Silicon Valley, subit une crise médiatique majeure.

Theranos a été fondée par Elizabeth Holmes qui, à 31 ans, “pèse” déjà 4,5 milliards de dollars. Elle vise à permettre la réalisation d’analyses de sang sans seringue. Elle serait en passe de révolutionner un marché de 75 millards de dollars aux seuls Etats-Unis et pourrait le porter à 200 milliards de dollars en incitant les consommateurs à commander des tests sanguins de leur propre chef afin, par exemple, de surveiller leur diabète.

Plus important encore, elle ambitionne de sauver des vies en éliminant un facteur – les fameuses seringues – qui dissuade entre 30 et 50% des patients qui se voient prescrire une prise de sang de la faire réaliser. Des maladies graves pourraient être détectées beaucoup plus tôt si ces patients bénéficiaient d’un moyen de contourner leur peur.

Mais, le 16 octobre dernier, le ciel tomba sur la tête d’Elizabeth Holmes lorsqu’une enquête journalistique du Wall Street Journal affirma que le secret qui caractérise la culture et l’activité de Theranos cache des difficultés technologiques et opérationnelles considérables.

Elizabeth Holmes - (CC) FORTUNE Global Forum

Elizabeth Holmes – (CC) FORTUNE Global Forum

Il se trouve que, seize mois plus tôt, Robert Parloff, le rédacteur en chef qui supervise les sujets juridiques au sein du magazine FORTUNE, avait consacré un article de couverture à Elizabeth Holmes.

Il vient de publier une nouvelle enquête dédiée à Theranos au titre éloquent : “Comment Theranos m’a trompé“. Il y explique que l’une des principales assertions qu’il faisait dans son article – le fait que les 200 tests sanguins proposés par Theranos pouvaient être réalisés sans seringue – était “terriblement fausse“.

Il raconte qu’il commença à le réaliser lors de la publication de l’article du Wall Street Journal. Il reprit son enquête et comprit qu’il avait été délibérément trompé par les dirigeants de Theranos lors de son reportage initial sans que ceux-ci, pourtant, ne lui aient menti frontalement. Mais ils avaient utilisé la grande complexité du sujet pour l’amener à écrire un mensonge dans son premier article.

A cet égard, Robert Parloff admet dans son deuxième article :

Je crois avoir été trompé intentionnellement mais j’ai aussi été coupable d’avoir échoué à examiner certaines réponses désespérément nébuleuses que je ne cessais de recevoir“.

Autant le dire tout de suite, il est absolument exceptionnel qu’un journaliste – et plus encore un rédacteur en chef – reconnaisse ainsi ouvertement et honnêtement l’erreur qu’il a commise dans un article – et plus encore un article de couverture.

Je tire de cet épisode deux leçons :

  • l’erreur d’un journaliste peut avoir valeur d’information s’il la reconnaît et en tire les conséquences à l’instar de Robert Parloff. En l’occurrence, son admission permet de comprendre que Theranos dupe certainement ses interlocuteurs à dessein et que cette tactique n’est ni nouvelle ni accidentelle ;
  • alors que les moyens économiques (et donc éditoriaux) des médias d’actualité déclinent, il est plus important que jamais que ces derniers ne fonctionnent pas en silos mais s’enrichissent de leurs enquêtes respectives. Cela ne signifie pas qu’ils mènent des recherches conjointes, ce qui serait délicat en termes de concurrence. En revanche, l’approche de Robert Parloff montre la voie à suivre entre collision et collusion : étudier le travail de ses confrères et accepter d’en dégager des enseignements pour ses propres investigations. Pour ce faire, il ne faut pas hésiter, comme FORTUNE, à citer l’article d’un concurrent et à préciser comment il a fait progresser le travail de ses propres journalistes.

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