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Toute vérité n'est que perception

L’état préoccupant de la presse dressé par deux rapports de référence

L’un est l’oeuvre du Pew Research Center, l’autre de Reuters.

Les principales conclusions du State of the News Media 2016 du Pew Research Center1 se présentent comme suit :

  • l’année 2015 a été la pire depuis 2008 pour le déclin de la presse américaine en termes de revenus : celle-ci a perdu 7% de sa diffusion quotidienne et 8% de ses revenus publicitaires ;
  • cette tendance est d’autant plus grave que d’autres médias traditionnels se portent mieux outre-Atlantique : la télévision par câble/satellite a par exemple vu son chiffre d’affaires croître de 10% (voir le graphe reproduit ci-dessous) ;
  • sur le plan publicitaire, le rapport peut être résumé en une phrase : le numérique dévore les médias traditionnels, le mobile engloutit le numérique et deux entreprises, Facebook et Google, avalent le mobile ;
  • le marché publicitaire numérique américain a ainsi progressé de 20% en volume en 2015 pour atteindre près de 60 milliards de dollars. Cela représente une croissance plus forte qu’en 2013 et 2014 ;
  • mais cinq grandes plates-formes (Facebook, Google, Microsoft, Twitter et Yahoo!) en phagocytent 65% avec Facebook et Google qui se taillent la part du lion ;
  • elles sont cependant dépendantes des médias d’information traditionnels pour leurs contenus. Réciproquement, ceux-là dépendent d’elles pour la diffusion de leur production éditoriale. De plus en plus, le suivi (reportages sur le terrain) et la relation (création de contenus) de l’actualité sont laissés aux médias d’information traditionnels alors que ces missions jouent un rôle clé dans le développement des plates-formes numériques. Or le suivi et la relation de l’actualité ne sont pas aisément monétisables sans la puissance de diffusion et curation desdites plates-formes. De ce fait, les auteurs du rapport s’interrogent, sans apporter de réponse, sur l’évolution de la relation entre les producteurs et diffuseurs de contenus dans ce contexte, alors même que cette relation va déterminer la capacité des citoyens-consommateurs à s’informer de manière idoine dans le futur. C’est une problématique que j’avais abordée dans cet article ;
  • le nombre de journalistes employés à plein temps dans la presse écrite américaine s’élevait à 32 900 à la fin de l’année 2014, soit une baisse de 10% en un an et 40% en dix ans. Les plans sociaux en cours dans ce secteur induisent qu’il comptera bientôt moins de collaborateurs que celui de la télévision locale (27 600), lequel est plus stable à cet égard ;
  • le marché de la publicité sur mobiles a augmenté de 65% en volume en 2015 – alors qu’il connaissait des taux de croissance à trois chiffres les années précédentes – et représente désormais 53% du secteur de la publicité numérique et 17% de l’industrie totale de la publicité outre-Atlantique ;
  • les mobiles constituent désormais la majorité des visites sur les sites Internet de médias (traditionnels et tout-numériques). Mais le temps passé y est plus important depuis les ordinateurs et l’écart avec les mobiles s’accroît dans ce domaine ;
  • les grands sites d’information tout-numériques bénéficient d’investissements de capital-risqueurs mais la plupart ne sont pas rentables opérationnellement ;
  • les podcasts continuent de se développer même si seulement 21% des adultes américains écoutent un épisode de podcast au cours d’un mois donné et que 64% n’en suivent jamais.

Pew Research Center

Les principales conclusions du Digital News Report 2016 de l’Institut pour l’étude du journalisme de Reuters2 sont peut-être plus inquiétantes encore car elles ont notamment trait à la défiance croissante des individus à l’égard des médias d’information :

  • la confiance dans la presse continue de s’éroder et les réseaux sociaux de gagner en influence dans les choix d’information des citoyens-consommateurs sur l’actualité : seulement 45% des personnes interrogées pour Reuters estiment pouvoir faire confiance à la plupart des nouvelles la plupart du temps. Cette proportion est en baisse par rapport à 2015 ;
  • en outre, 41% des participants à ce sondage considèrent que les médias d’information sont fiables la plupart du temps et 34% ont la même opinion des journalistes ;
  • dans presque tous les pays où cette enquête a été menée (à l’exception de l’Allemagne), une majorité des personnes qui s’informent sur les réseaux sociaux n’ont pas conscience des médias qui ont produit les contenus qu’elles y consomment ;
  • plus les internautes sont jeunes, plus grand est le nombre de sources d’information numériques sur lesquelles ils suivent l’actualité : 17% des 18-24 ans en utilisent ainsi cinq ou plus, contre 11% des 55-64 ans et 8% des plus de 65 ans. Or, plus grand est le nombre de sources des internautes, plus faible est leur niveau de confiance dans les médias d’information ;
  • les médias en ligne ont supplanté la télévision dans le suivi de l’actualité chez les individus de moins de 45 ans. Parmi les 18-24 ans, les seuls réseaux sociaux dépassent la télévision comme principale source d’information ;
  • la consommation de vidéos numériques consacrées à l’actualité représente encore un comportement minoritaire à travers le monde : seulement 24% des personnes interrogées pour Reuters en regardent une dans une semaine donnée ;
  • malgré les développements de Snapchat dans ce domaine, les services de messagerie demeurent encore très faiblement utilisés à l’échelle internationale en matière de suivi de l’actualité. Les exceptions notables sont Kakao Talk et WhatsApp en Corée du Sud ;
  • les données de ce rapport probablement les plus alarmantes pour les médias d’information sont celles qui révèlent que plus de citoyens se satisfont de recevoir des informations en fonction de ce qu’ils ont lu auparavant en ligne (36%) que des choix éditoriaux de journalistes (30%). Incidemment, cette approche n’est pas dangereuse que pour les producteurs d’information. Elle l’est aussi pour la démocratie car elle reflète le rôle croissant de la “bulle de filtres” : l’intelligence artificielle qui régit les services qui nous sont proposés sur Internet est programmée pour nous faire plaisir à notre insu en allant, en particulier, dans le sens de nos opinions. Or la sagesse civique résulte du débat plutôt que de l’uniformité de pensée.

1 Ce document couvre les Etats-Unis mais ses conclusions sont pertinentes ou annonciatrices de l’évolution des médias d’information dans beaucoup de pays industrialisés.

2 Il a, lui, une vocation internationale : Reuters a interrogé 50 000 personnes dans 26 pays (Amériques, Asie, Europe…).

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