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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Clinton vs. Trump : l’élection qui inverse un principe de communication fondamental (+ mon pronostic sur le résultat du scrutin)

Les derniers jours de la campagne présidentielle américaine ont démontré l’absurdité de l’un des credo les plus chers à Donald Trump.

Mes incursions dans la politique internationale procèdent de ma passion pour ces sujets qui, pour reprendre une formule célèbre, ne me sont pas totalement étrangers, ayant conseillé il y a quelques décennies un futur Président de la République française pendant plusieurs années à leur propos. Loin de constituer un argument d’autorité, cette expérience motive simplement les digressions sur la géopolitique que je me permets dans ce blog, bien qu’il ne lui soit pas consacré.Christophe Lachnitt

Depuis toujours, le développeur immobilier a construit sa stratégie de communication sur la conviction que “toute publicité est une bonne publicité”.

Il n’est pas le premier à appliquer cette règle qui a notamment été posée avant lui par l’entrepreneur de cirque P.T. Barnum (“je me moque de ce que les gens disent à mon sujet tant qu’ils parlent de moi1) et les deux auteurs irlandais Oscar Wilde (“s‘il est au monde quelque chose de plus fâcheux que d’être quelqu’un dont on parle, c’est assurément d’être quelqu’un dont on ne parle pas2) et Brendan Behan (“il n’y pas de mauvaise publicité à l’exception des notices nécrologiques“).

C’est pour beaucoup de professionnels un principe de communication fondamental. Pour ma part, je n’y souscris pas et ai expliqué pourquoi sur Superception de manière générale et, déjà, à propos de Donald Trump. En faisant des recherches à ce sujet, j’ai d’ailleurs trouvé une étude qui confirme scientifiquement ce que j’expliquais intuitivement dans l’un de ces deux articles :

La maxime selon laquelle ‘toute publicité est une bonne publicité’ répétée de génération en génération de communicants stipule que, peu importe la nature de la communication (positive ou négative), l’essentiel est d’être visible afin de se faire connaître. Elle est souvent appliquée sans réserve.

Or, si elle vaut peut-être pour les personnes et les organisations inconnues (et encore est-ce souvent discutable), elle n’est pas pertinente pour celles qui sont déjà célèbres. Une fois la notoriété acquise, il faut en effet s’attacher à la qualité de l’image des intéressées“.

Cette étude, menée par une équipe de l’Université de Stanford, démontre que la mauvaise publicité ne peut augmenter les ventres d’un produit que s’il est mal connu. Cela vaut aussi pour une entreprise.

Or l’élection présidentielle américaine inverse à mon sens le principe selon lequel toute publicité est une bonne publicité. En effet, depuis que Hillary Clinton et Donald Trump ont remporté leurs primaires respectives, il s’avère que, pour eux, toute publicité est une mauvaise publicité.

Le fait qu’ils soient probablement les deux candidats à la Maison-Blanche les plus impopulaires de l’histoire américaine explique en grande partie ce phénomène. J’ai d’ailleurs déjà souligné sur Superception que cette élection présente le malheureux paradoxe de mettre aux prises deux candidats qui n’auraient aucune chance d’être élus s’ils faisaient face à n’importe quel autre concurrent.

(CC) Bill B

(CC) Bill B

Chaque fois que l’un d’eux fait la Une de l’actualité, il assure la montée de son rival dans les sondages. Or les derniers jours de la campagne ont vu le retour au premier plan du scandale relatif à l’utilisation par Hillary Clinton d’un serveur informatique privé pour effectuer sa correspondance électronique en tant que Secrétaire d’Etat (ministre des Affaires étrangères)3. Ce nouvel accès de fièvre sur cette affaire résulte d’une décision discutable de James Comey, le directeur du FBI, qui serait notamment le fruit du mécontentement d’agents du FBI en raison de la clémence supposée dont Hillary Clinton aurait bénéficié dans ce dossier et dans celui de la Fondation Clinton.

Incidemment, la latitude d’action du patron du FBI que beaucoup, dans le camp de la candidate démocrate, lui reprochent découle d’une faute non provoquée du couple Clinton dont je vous avais entretenu cet été : Bill Clinton avait en effet rencontré Loretta Lynch, ministre de la Justice et tutelle du FBI, ce qui avait immanquablement été interprété comme une démarche liée à la fameuse affaire des emails, et une fuite dans la presse provenant de la campagne de Hillary Clinton avait parallèlement laissé entendre que cette dernière pourrait conserver Lynch à son poste si elle était élue présidente. En conséquence, Loretta Lynch, sans se récuser complètement, avait dû donner une très large autonomie à James Comey dans la gestion de l’affaire Clinton.

Cette semaine, ce qui devait arriver arriva : Hillary Clinton revenant au premier plan de l’actualité, après plusieurs semaines marquées par les scandales de Donald Trump, perdit du terrain dans les intentions de vote. L’absolution de Clinton par James Comey, hier dans une deuxième lettre adressée au Congrès, ne compensera pas le mal que lui a fait, pendant dix jours de couverture médiatique intense, sa première missive.

C’est d’ailleurs là une deuxième incongruité de cette campagne à (heureusement) nulle autre pareille : le plus souvent, en politique, il faut donner de nouvelles informations ou de nouveaux arguments aux électeurs pour faire évoluer leur position à l’endroit d’un candidat (Newt Gingrich, dont les turpitudes sont connues depuis longtemps, a tiré parti de ce phénomène outre-Atlantique).

Or, avec Hillary Clinton, le simple retour à l’avant-scène du scandale qui gangrène sa campagne depuis l’origine suffit à l’affaiblir. Conscient de la chance inespérée qui lui est ainsi offerte, Donald Trump s’astreint depuis la résurgence de cette affaire à une (relative) discipline de campagne inédite, aidé par la prise de contrôle de son équipe de campagne sur son compte Twitter. Trump corrige ainsi au dernier moment l’erreur stratégique qu’il commettait à mon sens depuis l’origine : focaliser la course à la Maison-Blanche sur sa personne en faisant sans cesse la Une de l’actualité par ses provocations, transformant ainsi la campagne en référendum pour ou contre Trump et non pour ou contre Clinton.

En clair, c’est au candidat qui laissera le mieux les scandales de son rival faire campagne à sa place. Les événements de ces derniers jours ont ainsi eu pour conséquence qu’une majorité d’Américains considèrent que Donald Trump, le plus grand menteur de l’histoire politique américaine, est plus honnête que Hillary Clinton.

(CC) FiveThirtyEight.com

(CC) FiveThirtyEight.com

A la veille de cette élection que j’analyse sur Superception depuis un an et demi, il est temps pour moi de vous livrer mon pronostic, un exercice beaucoup plus difficile dans une élection présidentielle outre-Atlantique qu’en France. En effet, la présidentielle américaine est un scrutin indirect pratiqué dans 50 Etats et le District de Washington. Chacun de ces territoires élit de grands électeurs qui, ensuite, élisent le Président. Le nombre de paramètres est donc beaucoup plus grand que dans un vote direct avec une circonscription unique comme c’est le cas chez nous.

Lorsque j’analyse une situation électorale, je distingue toujours les éléments constants et les variables. Les premiers donnent un cadre structurel au scrutin que les deuxièmes peuvent (ou pas) désagencer. Au final, c’est le rapport de forces entre les constantes et les variables qui fait pencher la balance d’un côté ou de l’autre : si le prétendant qui était défavorisé par le cadre structurel de départ n’a pas réussi à créer ou exploiter des variables assez fortes pour inverser la tendance, il finit par perdre (et vice-versa).

En l’occurrence, j’ai détaillé sur Superception les trois raisons structurelles, relevant d’un triple déficit idéologique, démographique et logistique, pour lesquelles Donald Trump devait à mon sens perdre cette élection. J’avais aussi souligné l’erreur stratégique qu’il commettait, erreur que, comme je l’ai relevé plus haut, il a corrigée (seulement) depuis quelques jours.

Malgré tout le buzz qui entoure la montée en puissance finale de Trump et les pronostics afférents, parfois difficiles à ignorer étant donnée la compétence de certains de leurs énonciateurs, je considère que les éléments constants qui ont régi cette élection en faveur de Clinton depuis le début seront in fine plus forts que les variables en sa défaveur qui ont caractérisé sa dernière ligne droite.

C’est pourquoi il ne fait pas de doute dans mon esprit que, sauf action ou prise de parole terroriste d’ici demain soir4, Hillary Clinton va remporter l’élection. Bien que ce ne soit pas le pronostic le plus répandu aujourd’hui, je prédis même qu’elle tangentera ou, plus probablement, dépassera le seuil symbolique des 300 votes au collège électoral.

Quoi qu’il en soit, le sort du votre dépendra de 15 Etats : Arizona, Caroline du Nord, Colorado, Floride, Géorgie, Iowa, Michigan, Nevada, New Hampshire, Nouveau Mexique, Ohio, Pennsylvanie, Utah, Virginie et Wisconsin.

Mais, au lendemain de ce scrutin qui, aux yeux de beaucoup d’Américains, aura opposé une délinquante et un dément, il est à craindre que l’enseignement principal soit que Clinton a gagné l’élection mais qu’elle n’a pas remporté de mandat pour mettre en oeuvre son programme.

Les défauts de la nouvelle Présidente auront aussi contribué à effacer deux faits historiques :

  • la première élection d’une femme à la Maison-Blanche,
  • la troisième victoire démocrate de suite dans l’élection présidentielle pour la première fois depuis Franklin D. Roosevelt et Harry Truman.

Dans ses “Mémoires d’outre-tombe“, François-René de Chateaubriand a écrit que

En général, on parvient aux affaires par ce que l’on a de médiocre et l’on y reste par ce que l’on a de supérieur“.

Rarement élection lui aura autant donné raison sur la première partie de sa sentence. Il serait en revanche étonnant qu’elle en valide la seconde partie.

Le lendemain de cet article, j’ai analysé mon erreur de pronostic et les ressorts du scrutin : Pourquoi je me suis trompé sur la présidentielle américaine : l’avènement de la kakistocratie

1 Une citation possiblement apocryphe.

2 “The Picture of Dorian Gray” (1910).

3 Concomitamment, il fut également révélé par les emails rendus publics par WikiLeaks que Hillary Clinton avait été informée à l’avance par Donna Brazile, stratège démocrate et commentatrice sur CNN, d’une question qui lui avait été posée lors de l’un des débats de la primaire démocrate.

4 A l’exemple de celle d’Oussama Ben Laden en 2004.

2 commentaires sur “Clinton vs. Trump : l’élection qui inverse un principe de communication fondamental (+ mon pronostic sur le résultat du scrutin)”

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Merci pour ton éclairage sur l’élection. Je ne sais pourquoi il me semble que Trump conserve ses chances. En tout cas, rarement élection aura été aussi clivante.

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