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Toute vérité n'est que perception

Face aux médias numériques, la presse est invulnérable quand elle est elle-même

C’est ce que signalent deux événements récents qui me fournissent l’occasion de réfléchir à ce qui différencie les grands médias d’information de leurs nouveaux concurrents.

Dans le premier, la presse a fait face avec détermination à l’agression de The Walt Disney Company consistant à interdire au Los Angeles Times de visionner en avant-première “The Last Jedi“, le nouvel épisode de la Guerre des étoiles, afin d’en publier une revue. Disney voulait ainsi punir le quotidien de la Cité des anges pour deux articles tançant ses pratiques économiques et politiques dans la ville californienne d’Anaheim où est établi le parc Disneyland, articles que l’entreprise dirigée par Bob Iger jugeait injustes.

En réaction à cette interdiction, plusieurs médias (The Boston Globe, The New York Times, The Washington Post…) et associations de critiques (The Boston Society of Film Critics, The Los Angeles Film Critics Association, The National Society of Film Critics et The New York Film Critics Circle) de premier plan annoncèrent qu’ils boycotteraient la projection du “Last Jedi” ou qu’ils ne le considéreraient pas pour leurs prix de fin d’année. Cette riposte groupée conduisit Disney à renoncer à ses représailles contre The Los Angeles Times.

Disney perdit donc sa bataille avec la presse alors qu’il bénéficiait de deux atouts :

  • The Last Jedi“, qui doit sortir en décembre, est le film le plus attendu de l’année et va représenter un générateur d’audiences majeur pour les médias qui vont l’évoquer ;
  • les critiques cinématographiques ont beaucoup moins de poids dans le destin commercial des films qu’il y a quelques années lorsque les sites de revues de longs métrages par le grand public (e.g. Cinesift, Metacritic, Rotten Tomatoes) n’existaient pas et que leurs avis n’étaient pas noyés dans l’océan des opinions mises en ligne par les consommateurs sur les réseaux sociaux dans le cadre d’un gigantesque bouche-à-oreille virtuel.

(CC) The Walt Disney Company

Le deuxième épisode concerne Forbes et son célèbre classement des plus grandes fortunes américaines. Dans un article, le magazine vient de révéler que Wilbur Ross Jr., l’actuel ministre du Commerce de l’Administration Trump, avait surestimé sa fortune personnelle de plusieurs milliards de dollars dans ses affirmations publiques par rapport aux informations inscrites dans les documents officiels remplis lors de sa nomination au sein du gouvernement américain.

Cette enquête remet en cause non seulement la réalité de la fortune de M. Ross mais aussi la crédulité des journalistes de Forbes qui l’ont prise pour argent comptant – sans jeu de mots – lors de son intégration dans leur classement.

Dans l’affaire Disney, la presse a montré sa puissance en affirmant sa force collective – ce que, comme je l’ai déjà souligné, elle n’a jamais su faire face à Donald Trump lorsque celui-ci remet en cause ses droits élémentaires. Dans le dossier Ross, sa puissance résulte de son acceptation de sa faiblesse.

Dans les deux cas, la puissance de la presse procède des qualités intrinsèques qui la distinguent des médias tout numérique face auxquels elle joue sa survie.

Comme le montre la réaction du groupe de Mickey, la multiplication sans fin du nombre de médias ne détruit pas la position particulière dont bénéficient les grands médias traditionnels en termes de crédibilité et donc d’influence. Cette influence s’exerce autant vis-à-vis du grand public que des autres médias auprès desquels ils jouent un rôle de prescripteur en dictant leur couverture de l’actualité1. Celle-ci est plus indirecte que celle-là mais elle n’est pas moins importante pour autant.

Or cette crédibilité repose en bonne partie sur la capacité de ces grands médias à dire le vrai et le faux, y compris lorsqu’eux-mêmes sont fautifs. L’attitude exemplaire de Forbes à cet égard garantit le crédit dont disposera la prochaine édition de son classement des grandes fortunes – l’une des grandes “marques” éditoriales du magazine – chez ses lecteurs.

Dans un épisode de son podcast, Katie Couric, la Christine Ockrent américaine, racontait récemment que Walter Conkrite, le plus grand présentateur de journal télévisé américain de l’Histoire, lui avait donné le conseil suivant avant qu’elle ne devienne la première femme à présenter une édition du soir sur une grande chaîne (CBS) :

Katie, aussi longtemps que tout le monde te détestera, cela signifiera que tu fais bien ton travail“.

Cette exhortation signale ce qui doit distinguer les grands médias d’information de leurs concurrents (médias tout numérique, réseaux sociaux…) : les premiers savent se faire détester alors que les seconds cherchent à se faire aimer.

Dans le premier cas, la monétisation des médias provient de la confiance que leurs audiences leur portent. Dans le second, elle dépend de la confidence dans laquelle ils mettent leurs audiences.

1 Les sites web gratuits qui ne font que de l’agrégation ou du commentaire sont évidemment dépendants des médias qui les abreuvent en informations primaires.

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