Fermer

Ce formulaire concerne l’abonnement aux articles quotidiens de Superception. Vous pouvez, si vous le préférez, vous abonner à la newsletter hebdo du site. Merci.

Fermer

Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Tentative (extravagante) de synthétiser la révolution numérique en un seul phénomène

C’est mon anniversaire dans quelques jours, je peux donc me permettre cette petite folie.

Il y a deux semaines, je vous invitais dans la Newsletter Superception à lire la dernière édition en date de la toujours passionnante missive adressée chaque année par Jeff Bezos aux actionnaires d’Amazon.

Cette lettre contient un paragraphe qui explique la philosophie du Groupe :

“Un aspect que j’adore à propos des clients est qu’ils sont divinement mécontents. Leurs attentes ne sont jamais figées – elles augmentent toujours. C’est la nature humaine. Nous n’avons pas progressé, depuis que nos ancêtres pratiquaient la chasse et la cueillette, en étant satisfaits. Les gens ont un appétit vorace pour des solutions meilleures et ils perçoivent rapidement comme ordinaire ce qui les impressionnait quelque temps auparavant.

J’observe que ce cycle d’amélioration se produit aujourd’hui à un rythme sans précédent. Il se peut que cette situation s’explique par l’accès plus facile que jamais des clients à une quantité d’informations inédite – en seulement quelques secondes et avec deux clics sur leurs téléphones, ils peuvent lire des revues, comparer les prix de plusieurs commerçants, savoir si un produit est en stock et dans quel délai il pourra leur être livré.

Ces exemples concernent la grande distribution mais je suis convaincu que la prise de pouvoir des clients touche toutes les activités dans lesquelles nous opérons au sein d’Amazon et aussi la plupart des autres secteurs.

Dans ce contexte, vous ne pouvez pas vous reposer sur vos lauriers. Vos clients ne le supporteraient pas”.

Cette jolie expression de “divin mécontentement” composée par Jeff Bezos ne reflète pas seulement le moteur de l’extraordinaire croissance d’Amazon qui, sur ces huit dernières années, est passé de 30 000 à 560 000 collaborateurs.

Elle symbolise aussi, indirectement, les enjeux posés par la révolution numérique. A mon sens, ceux-ci résultent essentiellement de la boucle de rétroaction que, dans tous les domaines, le numérique instaure.

(CC) Pixabay

Dans les activités commerciales (B2C et, de plus en plus, B2B), les clients ont, comme Jeff Bezos le souligne, un ascendant croissant sur les entreprises dont ils acquièrent les produits et/ou services car ils jouent désormais un rôle déterminant dans la circulation des informations à leur sujet. Précédemment verticale, la relation entre les marques et leurs clients est devenue horizontale car ceux-ci bénéficient de moyens d’expression quasi équivalents et d’une crédibilité supérieure à celles-là pour commenter leur expérience avec elles.

Cette boucle de rétroaction est aussi à l’œuvre dans le domaine industriel avec l’essor irrésistible du recours aux senseurs : des estimations prédisent qu’il y aura 100 trillions (ou 100 000 milliards) de senseurs connectés à Internet en 20301. Cette révolution affecte toutes les industries, des plus légères aux plus lourdes. Par exemple, les moteurs d’avion produits par General Electric (G.E.) intègrent actuellement entre 30 et 50 senseurs. G.E. utilise des logiciels qui traitent et analysent les données recueillies par ces senseurs afin d’aider les compagnies aériennes à optimiser leurs opérations de maintenance et leur consommation de carburant pour réduire significativement leurs coûts d’exploitation2.

Au-delà des sphères commerciales et industrielles, il est un domaine où cette boucle de rétroaction numérique obtient son débouché le plus puissant : la vie de la Cité. Les citoyens disposent avec les technologies (smartphones…) et services (réseaux sociaux…) numériques de moyens sans précédent pour donner en temps réel leur avis sur l’activité des hommes et femmes politiques. Ces outils raccourcissent l’horizon de temps de la vie civique et favorisent une communautarisation extrême. Des inventions destinées à favoriser l’expression du peuple peuvent ainsi jouer contre la démocratie. L’élection de Donald Trump et, peut-être plus encore, le cours de sa première année de mandat constituent des pièces à conviction éclairantes à cet égard. Il s’agira d’ailleurs du sujet de mon prochain livre auquel je commence tout juste à réfléchir.

La prégnance inextinguible de la boucle de rétroaction numérique affecte également des activités plus innocentes telles que l’amour et l’amitié. De fait, les sites de rencontre en ligne assoient leur succès sur ce mécanisme de rétroaction en direct qui est censé favoriser un accès plus sûr et rapide à l’âme sœur. Quant aux réseaux sociaux, ils fondent leur attrait sur la relation addictive de leurs membres aux réactions immédiates (likes, partages, commentaires) qu’ils obtiennent (ou pas) après y avoir publié des messages.

Le point commun à toutes ces déclinaisons de la boucle de rétroaction numérique, qui s’exerce également dans nombre d’autres domaines (finance, management, culture, médecine…), est notre quête d’amélioration permanente soulignée par Jeff Bezos. Cette recherche peut être chimérique, notamment en amour et politique. Elle peut aussi donner lieu à des progrès vertigineux comme dans les domaines commerciaux et industriels.

L’heureuse leçon de cette réflexion embryonnaire réside dans le fait, me semble-t-il, que le déclin procède d’un repli sur soi et la progression d’une ouverture sur autrui.

1 Jeremy Rifkin, MarketWatch, 15 mai 2014.

2 Vanity Fair, 3 août 2016.

Ajouter un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

Remonter

Logo créé par HaGE via Crowdspring.com

Crédits photos carrousel : I Timmy, jbuhler, Jacynthroode, ktsimage, lastbeats, nu_andrei, United States Library of Congress.

Crédits icônes : Entypo