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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

iMagine

Le décès de Steve Jobs provoque à travers le monde une émotion comparable à celle qui avait suivi la disparition de John Lennon. Quels sont les ressorts de cette commotion planétaire ?

Jobs est décédé prématurément comme ces étoiles de la musique ou du cinéma qui s’éteignent en pleine lumière et passent du statut de star à celui de légende. Mourir à 56 ans pour un grand patron est en quelque sorte l’équivalent, en termes de précocité, de ce que fut mourir à 40 ans pour John Lennon.

John Lennon a, durant sa vie et lors de sa mort, inspiré bien au-delà du cercle – déjà extrêmement large – des fans des Beatles, de même que Job a marqué les esprits au-delà du cercle des fans d’Apple. L’explication déterminante de cette influence incomparable réside à mon sens dans le fait que ces deux personnalités ont touché émotionnellement – et non seulement aiguillonné rationnellement – les foules à travers le monde.

La musique des Beatles et les produits d’Apple sont certes des langages universels qui peuvent émouvoir les gens. Mais je crois qu’une vision pour un monde meilleur et que des valeurs fortes sont des vecteurs d’émotion encore plus puissants car ils touchent à ce que nous avons de plus profond en nous, à ce qui fait de nous des êtres humains : une raison de vivre. C’est ce que Lennon et Jobs inspiraient chez ceux qu’ils ont influencés. Incidemment, c’est la raison pour laquelle l’émotion suscitée par les décès respectifs de John Lennon et de Michael Jackson ne fut pas comparable. Dans le premier cas, on se situe au niveau de l’ontique, dans le second au niveau du charismatique.

Quant à Steve Jobs, il est impossible de lui trouver une comparaison tant l’émotion suscitée par son décès est inédite pour un dirigeant d’entreprise. Le trépas de Bill Gates provoquera, j’espère, un réel émoi à travers le monde mais il me semble que ce sera alors davantage pour son action philanthropique à la tête de sa fondation – qui a déjà sauvé plusieurs millions de vies – que pour son oeuvre à la barre de Microsoft. Chez Bill Gates, être rationnel s’il en est, c’est en effet l’action humanitaire qui émeut.

Quoi qu’il en soit, John Lennon et Steve Jobs, deux romantiques, ont en commun d’avoir porté un message révolutionnaire. Pour John Lennon, le message était politique – la libération des individus du joug de tous les pouvoirs politiques, émancipation notamment incarnée par son hymne “Power to the People” – alors que, pour Steve Jobs, il était sociétal – la libération des individus du joug de tous les pouvoirs technologiques, émancipation notamment incarnée par la publicité “1984” d’Apple. 

(CC) iwishmynamewasmarsha

Ce message révolutionnaire révèle le vrai génie de Steve Jobs qui est à mon sens souvent – et aujourd’hui plus que jamais – incompris ou caricaturé. On résume en effet couramment le co-fondateur d’Apple à un surdoué du marketing et du design. C’est vrai mais c’est éminemment réducteur. Le vrai génie de Steve Jobs résidait dans sa capacité de visionnaire qui lui a permis de révolutionner quatre industries – l’informatique, la musique, la téléphonie mobile et le cinéma -, ce dont à ma connaissance aucun autre dirigeant ne peut se prévaloir. Il avait ainsi prédit dès 1997 une grande partie de ce qu’Apple a réalisé depuis lors.

Et c’est cette vision, mise en pratique avec un talent sans égal pour le marketing et le design, qui a touché les gens. C’est la vision de Steve Jobs qui a donné naissance aux produits d’Apple. C’est la vision de Steve Jobs qui a changé le quotidien de centaines de millions de personnes. C’est la vision de Steve Jobs qui a permis de faire d’Apple – qui n’était qu’à 90 jours de la faillite lorsque Jobs revint à sa tête en 1997 – la première ou la deuxième plus importante valorisation boursière au monde aujourd’hui. Et, tout aussi crucial dans son succès, c’est la capacité de Steve Jobs à prendre des risques parfois insensés – comme la mort de la disquette et de la batterie amovible ou l’auto-cannibalisation du très profitable iPod avec l’iPhone – qui lui a permis de mettre sa vision en oeuvre.

Jobs a inventé l’ordinateur personnel grand public (l’Apple II) et le premier ordinateur individuel avec une interface graphique et une souris (le Macintosh). Il a révolutionné l’industrie du cinéma en acquérant et développant Pixar alors que personne ne croyait dans le modèle de cette société en perdition. Il a révolutionné l’industrie de la musique avec l’iPod et, surtout, avec iTunes. Il a ensuite révolutionné l’industrie de la téléphonie mobile avec l’iPhone en retirant leur pouvoir discrétionnaire aux opérateurs de télécommunications. Enfin, il aura initié une seconde révolution de l’informatique avec l’iPad qui sera peut-être perçue dans quelques années comme la plus importante des transformations qu’il a introduites. Au final, il a changé notre vie quotidienne, inspiré une culture et incarné le changement d’époque de l’analogique au numérique. Il pensait vraiment différemment. C’est pourquoi son influence perdurera bien après que ses produits ont été mis au rebut. (Voir certains de mes autres articles sur Steve Jobs iciiciici, et ici.)

Un hommage brillant à Steve Jobs, lui aussi à San Francisco – (CC) Traci Dauphin

Un visionnaire tel que Steve Jobs est un optimiste invétéré qui croit dans sa capacité à changer le monde pour le meilleur. Alors que nous venons de perdre un immense génie, le meilleur hommage que nous puissions lui rendre est de faire preuve, nous aussi, de ce même optimisme.

A cet égard, rappelons ce qu’avait écrit Mark Twain : “Tout le monde savait que c’était impossible. Vint un homme qui ne le savait pas. Et ce fut fait”.

C’est drôle, je ne savais pas que Mark Twain avait connu Steve Jobs.

 

You may say that I’m a dreamer
But I’m not the only one
I hope someday you’ll join us
And the world will be as one 

5 commentaires sur “iMagine”

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Super bien ecrit – peux tu poster la version Anglaise afin que les depraves de culture en asie puissent suivre….!

Vivement le débat télévisé Lachnitt vs Stallman 🙂

Je ne suis pas sur que les drm et les conditions d’éligibilité à l’app store libèrent vraiment les individus du joug de tout[e]s les pouvoirs technologiques

Cher Laurent,
Excellente idée mais je ne suis pas convaincu que Richard Stallman soit intéressé par un débat avec un obscur blogueur. Pourtant, j’aurais beaucoup de choses à lui dire et pas seulement sur sa déclaration indigne relative au décès de S. Jobs.
Quant à la “libération de tous les pouvoirs technologiques” visée par Steve Jobs, je ne fais pas référence à une supposée mission libertaire. Incidemment, même la Free Software Foundation de Richard Stallman est liberticide en obligeant les utilisateurs à partager tous les logiciels créés ou modifiés sous licence GNU – mais c’est un autre débat.
Ce que j’évoquais était l’objectif de Steve Jobs de rendre l’informatique (au sens très large du terme) accessible à tous et non seulement aux spécialistes des technologies associées. Le vrai pouvoir technologique, en effet, n’est pas tant celui des industriels (encore une fois l’exemple de la GNU montre que tous les acteurs édictent des règles) mais celui détenu par les ingénieurs et développeurs. La mission première d’Apple a toujours été de démocratiser les technologies et c’est ce que je voulais souligner dans ce passage de mon article.
Merci pour votre remarque qui m’a permis de clarifier ce point. 🙂
Xophe

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