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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Felix le chat

Comme les chats, Felix Baumgartner, le parachutiste de l’espace, retombe toujours sur ses pattes quelle que soit la hauteur de sa chute. Il en va de même pour Red Bull en matière de marketing.

Fondée en 1987, la marque de boissons énergisantes a toujours innové dans la création de contenus marketing en délaissant les vecteurs traditionnels (publicité…) pour communiquer à travers des événements sportifs créés sur mesure. La marque est aujourd’hui devenue un média : elle propose notamment un site Internet dont ses boissons sont presque absentes, produit des shows de télévision et des films et publie un magazine diffusé à près de 5 millions d’exemplaires dans le monde.

C’est une approche extrêmement originale. De plus en plus en effet, les contenus créés pour le marketing de la marque deviennent le coeur de l’activité de l’Entreprise. Et les opérations et compétitions sportives montées par Red Bull sont si professionnelles qu’elles sont indistinguables de celles organisées par les entités spécialisées (fédérations sportives, NASA…). Avec Red Bull, l’image et le marketing l’emportent donc délibérément sur le produit.

Deux aspects de cette stratégie sont remarquables :

  1. ce marketing sportif raconte, le plus souvent sur la durée (Baumgartner travaille ainsi avec Red Bull depuis 2005) des histoires, ce qui le distingue de toutes les stratégies marketing des autres acteurs du marché des boissons de grande consommation ;
  2. la cohérence des opérations mises en oeuvre par Red Bull avec les valeurs de la marque est exceptionnelle. L’entreprise autrichienne est l’une des très rares dont chaque action de communication et de marketing semble contribuer à la promotion d’un même discours de marque. C’est une performance de plus en plus difficile à réaliser de nos jours avec la multiplication des plates-formes médiatiques et l’appropriation du positionnement des marques par les consommateurs.

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’aventure “Red Bull Stratos” de Felix Baumgartner qui a battu deux records du monde dimanche dernier : le plus haut saut en chute libre (39 045 mètres) et la plus grande vitesse atteinte dans cette discipline (1 343 kilomètres par heure, soit 1,24 Mach), plus rapide que la vitesse du son. Les images de ce saut furent fascinantes de beauté.

Plus de 8 millions de personnes ont suivi l’exploit de Baumgartner en direct sur YouTube, un nouveau record mondial qui efface des tablettes la retransmission de l’investiture de Barack Obama en 2009. Red Bull génère d’ailleurs 3,5 fois plus de vues sur YouTube que Coca-Cola. Selon CMO.com, la seule opération Stratos – de son origine à sa concrétisation – a suscité 366 millions de vues sur le site Internet de partage de vidéos. Sur Twitter, le saut de Baumgartner a créé l’un de ces moments d’émerveillement planétaire dont nous sommes si friands parce qu’ils sont si rares. Dimanche dernier, la moitié des sujets les plus discutés au niveau mondial sur le site de micro-bogging était d’ailleurs liée à l’opération “Red Bull Stratos” à laquelle ont été consacrés plus de 3 millions de tweets. Enfin, c’est l’équivalent de plusieurs dizaines de millions d’euros d’exposition médiatique qui a été généré par ce saut retransmis en direct* par plus de 40 chaînes de télévision dans 50 pays ainsi qu’au moins 130 sites Internet.

De fait, le palier franchi par Red Bull avec Stratos réside dans le public touché. La marque est sortie de la communauté des passionnés de sports extrêmes et a séduit – et ému – un public beaucoup plus important que d’habitude – y compris plus important qu’avec son écurie de Formule 1.

J’apporterai un seul et relatif bémol : j’ai été étonné par le mauvais placement des logos Red Bull aussi bien sur la capsule – sur l’image la plus marquante, où l’on voit Baumgartner debout prêt à sauter dans le vide, le logo de la marque de montres Zenith est beaucoup plus visible que celui de Red Bull -, à l’intérieur de la capsule ainsi que sur la combinaison et le casque du parachutiste autrichien. Cependant, pour être efficace, le marketing de contenus (“content marketing“) doit donner la primauté au contenu sur le marketing. Une opération Stratos dans laquelle Red Bull aurait été outrageusement visible n’aurait pas eu le même attrait auprès du grand public. En marketing, la retenue est souvent une qualité.

In fine, l’opération “Red Bull Stratos” a été exceptionnellement performante pour symboliser le slogan de la marque : “Red Bull vous donne des ailes”.

* Avec un décalage de 20 secondes pour que les diffuseurs puissent interrompre la retransmission si le saut de Baumgartner tournait mal. Trois sportifs de l’extrême sponsorisés par Red Bull sont en effet déjà morts en action.

 

DERNIERE MINUTE (21 OCTOBRE 2012)

De nouvelles données permettent de prendre encore mieux la mesure de l’impact du saut de Felix Baumgartner sur Internet.

Ainsi, selon le cabinet d’analyse Taykey, 1% de toutes les conversations en ligne fut dédié à son exploit lorsqu’il l’accomplit. Une telle exposition est très rare selon Taykey. 54% des mentions du saut apparurent sur Twitter, 26% sur Facebook, 14% sur des sites de vidéo et 6% sur des blogs. La conversation fut interrompue durant le saut proprement dit – comme si les gens retenaient leur souffle – et reprit de plus belle lorsque Baumgartner toucha le sol sain et sauf.

Par ailleurs, la vidéo du saut de l’Autrichien atteignit le cap des 50 millions de vues sur YouTube dans le second laps de temps le plus court de l’histoire – la plus rapide à atteindre ce cap fut celle consacrée au criminel de guerre africain Kony (voir mon article à ce sujet).

5 commentaires sur “Felix le chat”

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L’émotion ! J’ai suivi le saut en direct avec ma femme et mes 2 filles de 5 et 3 ans. Depuis la semaine précédente et le saut ajourné, toute la famille en parlait tous les jours. Entre la belle histoire et les émotions incroyables de la montée et du saut, on était devenu tous accros ! Et pourtant, je ne consomme pas du tout le produit, je suis même contre (ancien sportif et ancien entraineur). Mais la marque a gagné ma considération par l’émotion générée avec cet événement. Comme tu l’as toujours dit …

Très bonne analyse comme d’habitude Christophe.

A propos de ton petit bémol, je trouvais justement la placement du logo extrêmement bien vu. En effet, la combinaison de Felix, est calqué sur celles de la NASA pour les sorties extra-vehicule… Ce n’est clairement pas un hasard… ( J’ai collaboré avec Michel Fournier qui a précédemment tenté de battre ces records et sa combinaison ne ressemblait pas à ça !)
Le logo Red Bull y remplace le drapeau américain. La marque n’a plus besoin de s’exposer en géant… elle rivalise avec les états !

Cher Matthieu,
Merci pour cette remarque très intéressante et instructive.
Cependant, tu conviendras que le placement des logos de la NASA n’est pas une référence très grand public et n’est donc pas compréhensible aussi directement qu’un placement de logos plus visible, y compris sur la capsule.
Amicalement.
Xophe

Bonjour,
Cette stratégie semble bien périlleuse. Pour le moment, les morts accidentelles relatives à ces événements n’ont pas encore entraîné un rejet radical de la part du public, qui veut en voir toujours plus. Jusqu’au jour où cette marque n’aura plus rien à montrer ou aura fait l’erreur de trop. Cette stratégie du risque poussée à l’extrême est bien représentative de notre époque sans limites, mais elle est sans issue positive.

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