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Toute vérité n'est que perception

Sommes-nous abrutis par la pythie ?

Est-il encore utile de voter lorsqu’on peut prévoir très précisément le résultat des élections ? Réflexions sur un exceptionnel phénomène américain.

Ce phénomène s’appelle Nate Silver. Jeune (34 ans) et brillant statisticien, il opère dans l’univers politique après s’être illustré dans le baseball où il prédisait notamment la performance des joueurs avec une rare acuité. Il est l’auteur du blog Five Thirty Eight (538) dont le nom fait référence au nombre d’électeurs du collège électoral présidentiel.

Créé en 2008 et aujourd’hui associé au New York Times, ce site est consacré à la prévision des résultats des élections à partir d’un travail statistique très poussé. Ainsi, Silver prédit-il pertinemment les résultats de l’élection présidentielle de 2008 dans 49 des 50 Etats – il ne se trompa que pour l’Indiana où Barack Obama l’emporta avec seulement 1 point de pourcentage d’écart sur John McCain. Il annonça également les résultats des 35 élections sénatoriales tenues le même jour. Silver fut nommé en 2009 par le magazine TIME parmi ses 100 personnalités les plus influentes au monde.

Lors des élections sénatoriales de mi-mandat en 2010, Silver prédit avec justesse 34 des 36 résultats, ses deux erreurs concernant le Colorado où le scrutin se joua de nouveau à 1 point et le Nevada où l’écart fut de 5,5 points. Au total, il prévit un gain de sept sièges par les Républicains qui en conquirent 6 en réalité. Il pronostiqua également 36 des 37 scrutins concernant les postes de gouverneurs ainsi que la montée en puissance des Républicains à la Chambre des Représentants.

Vous comprenez, avec ce bilan*, que Nate Silver soit devenu tout à la fois un gourou électoral, un sujet de fascination médiatique et une cible pour beaucoup de commentateurs et d’acteurs politiques.

Nate Silver – (CC) JD Lasica

Depuis le 7 juin dernier, Silver publie un pronostic relatif aux élections du 6 novembre qu’il actualise très régulièrement. A ce jour, il accorde 79% de chances de victoire à Barack Obama et 21% à Mitt Romney et prévoit que les Démocrates obtiendront 52 sièges (+1 comparé à aujourd’hui) au Sénat contre 48 (-1) pour les Républicains. La précision de ses prévisions circonscription par circonscription – que vous pouvez voir sur son blog – est fascinante pour tout passionné de politique comme moi.

L’énorme écart entre les chances de succès qu’il accorde respectivement à Obama et Romney génère depuis quelques jours aux Etats-Unis une levée de boucliers conservateurs contre ses méthodes et son influence. Les Républicains, revigorés depuis un mois par la remontée de leur champion dans beaucoup de sondages, voient en effet d’un très mauvais oeil que la pythie électorale la plus performante de ces dernières années ne lui accorde presque aucune probabilité de succès. Et, comme le paysage politico-médiatique américain est déraisonnablement polarisé, les remises en cause de ses méthodes se doublent d’attaques personnelles.

Certaines de ces critiques conservatrices se retrouvent dans un article de Dylan Byers sur son blog de POLITICO consacré aux médias, un blog habituellement de grande qualité. Les reproches adressés à Nate Silver par Byers et les personnes qu’il cite sont dénués d’argumentation digne de ce nom. L’argument le plus inepte affirme que Silver serait le chouchou des Démocrates qui se rassureraient, grâce à ses prévisions, quant à l’avance persistante d’Obama. Peut-être est-il vrai que ses pronostics facilitent le sommeil des supporters du Président en exercice. Mais, pour autant, Silver avait quelque peu surestimé en 2010 la victoire des Républicains au Sénat, ce qui n’avait probablement pas été du goût des Démocrates. En outre, rien ne serait plus stupide de la part de Silver que de politiser ses prévisions car toute sa crédibilité est fondée sur leur pertinence. Enfin, malgré son influence sur les drogués de politique et les médias, on peut douter que l’ascendant de Nate Silver sur les électeurs des Etats les plus indécis soit tel que sa prophétie devienne auto-réalisatrice.

Au fond, le problème est que les médias, après s’être amourachés de Silver, réalisent que la netteté de sa prévision pour la prochaine élection présidentielle (plus de 3 chances sur 4 de succès pour Obama !) retire tout suspens au scrutin. Or le suspens est l’ingrédient le plus indispensable aux médias pour rentabiliser les énormes investissements qu’ils consentent afin de rendre compte de la campagne et de l’élection présidentielles. C’est la raison pour laquelle, par exemple, les médias donnent une importance exagérée à la moindre information leur permettant d’alimenter le cycle d’actualité instantané dans lequel nous vivons, proclamant plus souvent qu’à leur tour que tel ou tel événement pourrait changer l’issue du scrutin.

A cet égard, il ne faut pas perdre de vue que les prévisions de Nate Silver sont fondées sur les résultats des sondages, lesquels relatent les opinons fluctuantes des électeurs à travers le temps. C’est pourquoi il est toujours utile de voter, même lorsque le scrutin semble joué si nettement que l’élection présidentielle du 6 novembre. Car, selon le célèbre aphorisme, le seul sondage qui compte est l’élection.

* Silver explique ses méthodes dans le livre qu’il vient de publier – “The Signal and the Noise: Why So Many Predictions Fail” – dont je vous rendrai compte sur Superception une fois que je l’aurai lu (lire ici).

3 commentaires sur “Sommes-nous abrutis par la pythie ?”

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Bonjour,
Les statistiques restent des éléments mathématiques et ne reflètent pas toujours la tendance des opinions d’une population. Laissons nous le doux rêve que le peuple maitrise encore son avenir !

Frédéric
Blog4cdo.wordpress.com

Je ne vois pas en quoi les résultats chiffrés des sondages enleveraient quoi que ce soit de la ‘maitrise des peuples.’ Ce ne sont que des photographies prises des intentions de vote à un moment donné. Le temps que la photo soit developpée, la situation est déjà différente. L’énorme orage qui a dévasté des vastes sections du pays — avec des répercussions sur le paysage politique nationale — illustre parfaitment ce point.

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