Yahoo! est-il dirigé par une idéologue ?

Marissa Mayer fait de nouveau des siennes.

Les fidèles de Superception savent que je ne suis pas un grand admirateur de l’ancienne égérie de Google et actuelle directrice générale de Yahoo! que j’ai à plusieurs reprises morigénée sur mon blog (lire ici, ici et ici).

Je ne demande qu’à changer d’avis à son égard mais je dois avouer qu’elle ne m’aide pas beaucoup. Dernier exploit de sa part, le mémo qu’elle a fait envoyer par sa direction des ressources humaines aux collaborateurs de Yahoo! pour leur signifier l’interdiction du télétravail. Ce serait une initiative risible si elle n’était aussi aberrante.

Toutes les études démontrent en effet que les personnes qui font du télétravail sont aussi efficaces, voire souvent plus, que celles qui travaillent au bureau car elles sont moins stressées et plus concentrées sur leur tâche et qu’elles perdent moins de temps dans les transports. Pour avoir managé des collaborateurs qui fonctionnaient en télétravail depuis plusieurs états/provinces des Etats-Unis et du Canada, je peux attester de la pertinence de ces études. Je peux aussi souligner que, si des collaborateurs en télétravail ne sont pas aussi productifs que les autres, la responsabilité en incombe in fine à leur manager. J’irai même plus loin : le télétravail oblige le manager à réellement évaluer ses collaborateurs en fonction de leurs résultats et c’est un vecteur d’équité.

L’instruction de Marissa Mayer va donc à l’encontre du plus élémentaire pragmatisme, une qualité dont elle a toujours aimé se prévaloir. Elle raconte ainsi à l’envi que, chez Google, elle faisait réaliser des tests auprès des Internautes pour opérer des choix aussi triviaux que la teinte du bleu des liens hypertextes. Elle est manifestement devenue beaucoup moins pragmatique et beaucoup plus idéologue en prenant du galon.

Marissa Mayer – (CC) World Economic Forum

En outre, le télétravail est favorisé par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dont Yahoo! est l’une des incarnations. C’est donc la raison d’être de sa propre entreprise que Mayer remet en cause. Son mémo motive cette décision par un double souci de vitesse et de qualité, les deux éléments que, précisément, les NTIC confèrent à des relations de travail distantes.

Cette décision est également absurde de la part de la dirigeante d’une entreprise internationale. Aujourd’hui, en effet, les collaborateurs des multinationales travaillent beaucoup sur des projets en équipes virtuelles réparties dans plusieurs pays. De ce fait, que les membres de ces équipes œuvrent depuis leur domicile ou depuis un immeuble de Yahoo! n’a aucune importance lorsqu’ils coopèrent avec des collègues situés dans d’autres pays. Le mémo de la direction de Yahoo! explique : “Nous devons être un Yahoo! et cela commence par être ensemble physiquement” (sic). Est-ce le signe que Marissa Mayer veut également rapatrier au Siège de Sunnyvale tous les collaborateurs du Groupe qui développent son activité à l’international ?

Enfin, Marissa Mayer, une jeune femme qui a donné naissance à son premier enfant quelques semaines après avoir intégré Yahoo!, porte un nouveau coup – après avoir pris seulement deux semaines de congé maternité – à la cause professionnelle des femmes. Beaucoup d’entre elles ont en effet la faculté de travailler grâce au télétravail qui leur assure un meilleur équilibre de leurs vies professionnelle et personnelle.

Marissa Mayer imite en cela Sheryl Sandberg, son ancienne collègue de Google et aujourd’hui numéro 2 de Facebook. Sandberg a davantage de densité intellectuelle que Mayer mais elle a aussi tendance à se méprendre, dans sa vision rousseauiste du monde du travail, sur la réalité quotidienne du vulgum pecus.