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Toute vérité n'est que perception

Je suis opposé à la dévalorisation de leur rôle prônée par certains journalistes

Le journaliste doit-il devenir une super secrétaire ?

Une polémique est née aux Etats-Unis au sein du petit monde médiatique qui suit le secteur des hautes technologies. Elle pose une question majeure pour le futur du journalisme.

Chad Whitacre, fondateur de la start-up Gittip spécialisée dans l’échange de cadeaux, a expliqué dans un article publié sur Medium qu’il avait demandé à un journaliste de TechCrunch qui voulait l’interroger que leur entretien soit “ouvert”. Une “interview ouverte” se définit par le fait que l’ensemble de son contenu est accessible sur Internet – dans ce cas précis grâce à un entretien réalisé via Google Hangouts et mis en ligne sur YouTube. Le journaliste de TechCrunch a refusé.

Sur le site paidContent, le journaliste et fin observateur du monde des médias Mathew Ingram estime que la demande de Whitacre n’est pas dénuée de fondement. Il cite à l’appui de son assertion les interviews diffusées depuis la nuit des temps cathodiques en direct à la télévision et le développement sur Internet des sessions d’échange libre avec un acteur de l’actualité – telles que “Ask Me Anything” sur Reddit.

Ingram considère que ces formats permettent aux consommateurs d’avoir connaissance de toute l’interview et de décider quelle partie est la plus importante à leurs yeux. Cela offre également l’avantage à son avis de faire opérer par le grand public la vérification de l’exactitude des déclarations de la personne interviewée. Mathew Ingram a d’ailleurs réalisé avec Whitacre l’interview ouverte que TechCrunch avait refusé de conduire.

Je ne suis pas d’accord avec cette vision car je considère qu’elle dévalorise très gravement le métier de journaliste.

Chad Whitacre - (CC) Neil Kandalgaonkar

Chad Whitacre – (CC) Neil Kandalgaonkar

En effet, développer les interviews ouvertes reviendrait rapidement à retirer aux journalistes leur mission la plus importante : la mise en perspective de l’actualité. Le journaliste serait réduit au rôle d’organisateur d’interviews et, selon les cas, il poserait les questions à la personne interviewée ou laisserait les Internautes le faire à sa place. Il deviendrait rapidement une super secrétaire.

Or la valeur ajoutée d’un journaliste ne se résume pas à l’épaisseur de son carnet d’adresses qui lui permet de mettre en place ces interviews. Elle réside aussi et surtout dans l’analyse du contenu de l’interview pour ses audiences (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, Internautes…).

C’est pourquoi, à l’exception des interviews diffusées en direct, les journalistes ne retiennent généralement qu’une partie de ce qui a été dit par la personne qu’ils ont rencontrée car c’est cette portion de leur échange qui est la plus pertinente par rapport à l’actualité du moment. Ce “pouvoir” de sélection agace passablement beaucoup de dirigeants d’entreprise et de leaders politiques mais il est au coeur du rôle de médiation du journaliste.

En tant que directeur de la communication, je pourrais avoir intérêt à ce que les interviews ouvertes deviennent la norme car elles donnent plus de chances aux acteurs de l’actualité de faire passer leurs messages. En tant que citoyen, je le refuse car elles induiraient un plus grand danger de désinformation ou de mal-information.

En effet, généraliser la pratique des interviews ouvertes induirait que le grand public est assez compétent sur tous les sujets pour opérer lui-même la mise en perspective effectuée jusqu’à présent par les journalistes. C’est absurde. Chacun d’entre nous serait capable de réaliser ce décryptage dans les domaines que nous maîtrisons mais personne n’est à même de le faire pour l’ensemble des sujets d’actualité.

Qu’adviendrait-il alors de notre compréhension du monde sur les sujets que nous ne dominons pas ? Devrions-nous lire deux fois plus de contenus (les interviews ouvertes et leurs commentaires) pour avoir la même qualité d’information sur tous les sujets que nous devons connaître pour être des citoyens adultes ?

Il est donc aberrant à mes yeux que des journalistes puissent promouvoir cette approche car elle représente à terme pour eux une forme de suicide professionnel et pour la démocratie une évolution pernicieuse.

2 commentaires sur “Je suis opposé à la dévalorisation de leur rôle prônée par certains journalistes”

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Le vrai pouvoir est-il détenu par celui qui pose les questions, ou par celui qui donne les réponses (et donc – in fine – l’information) ?

Celui qui est interrogé devrait-il se soumettre à ce que nous, journalistes, estimons être les règles qui devraient s’appliquer à tout le monde ?

Bien d’accord avec vous Xoff. Encore faut-il que le journaliste soit digne de son appelleation et soit capable de faire ce travail de “selection” et d’analyse suite à investigation et pas juste un travail de cut&paste
aujourd’hui, tout le monde se sent journaliste

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