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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Le magazine Vogue est en pâmoison devant Marissa Mayer au point d’oublier toute exigence journalistique

Le magazine publie un portrait de la dirigeante de Yahoo! qui en révèle au moins autant sur lui que sur son sujet.

Ce portrait illustre deux évolutions regrettables d’une partie de la presse.

La première a trait à la starification des acteurs de l’actualité. Dans la compétition effrénée à laquelle elle est soumise, la presse aborde de plus en plus des sujets sérieux en utilisant les codes du monde du divertissement, au premier rang desquels la starification.

Certes, Vogue n’est pas un magazine économique et il ne fallait pas s’attendre à ce que le portrait de Marissa Mayer y soit traité sous le même angle que dans Bloomberg Businessweek. Mais on atteint cependant ici un nouveau sommet en matière de peopolisation d’un dirigeant d’entreprise, une approche à laquelle Marissa Mayer s’est toujours livrée sans compter et qui est en (grande) partie à l’origine de sa notoriété et, partant, de sa nomination à la tête de Yahoo! (lire ici).

Le plus étonnant dans la starification de Mayer réalisée par Vogue est la photo qui illustre l’article (voir ci-dessous), un magnifique cliché qui présente la patronne de Yahoo! comme un mannequin dans une pause aussi travaillée – vous noterez que je ne vais pas jusqu’à écrire “retravaillée” – que lascive. Marissa Mayer affirme qu’elle n’est pas féministe et on veut bien la croire après avoir vu cette image qui l’objectifie sans retenue malgré la timidité dont elle proclame, dans le même article, souffrir depuis toujours.

Elle confirme en tout cas que, à défaut d’être féministe, elle est égotiste. Mais ce n’est pas un scoop dont pourra se gratifier Vogue, tant l’autolâtrie de notre dirigeante-mannequin était déjà connue. On peut d’ailleurs penser que Marissa Mayer est plus flattée personnellement d’être ainsi mise en vedette dans Vogue qu’elle ne serait satisfaite professionnellement de l’être dans WIRED, Fast Company, FORTUNE ou The Harvard Business Review. Il faut dire que ces magazines seraient peut-être plus regardants sur sa substance que sur sa seule apparence, ce qui m’amène à mon second point.

Marissa Mayer - (CC) Vogue

Marissa Mayer – (CC) Vogue

La seconde évolution d’une partie de la presse illustrée par cet article concerne la perte de recul. Comme la première évolution soulignée plus haut, elle est destinée à faire vendre. Dans le cas du portrait de celle qui est qualifiée de “PDG du moment“, la perte de recul est complémentaire de la starification : il est en effet plus facile de starifier la patronne de Yahoo! en regardant son action à travers un filtre positif. La nuance est la plus sûre ennemie du culte de la personnalité.

On est ainsi gratifié dans cet article d’affirmations telles que “en acquérant Tumblr, le plus branché des réseaux sociaux, Mayer a résolu le double problème de la démographie et de l’image vieillissantes de Yahoo! avec un seul coup à un milliard de dollars“. Plus encore que le fait que Tumblr soit le plus branché des réseaux sociaux, il est éminemment discutable que l’acquisition de ce site ait résolu les deux problèmes de Yahoo! évoqués par Vogue. C’est certes ce que Marissa Mayer veut faire croire mais il est beaucoup trop tôt pour le dire (lire ici à ce sujet).

Il en va ainsi de l’ensemble de l’article : chaque début de remise en question de Marissa Mayer est rapidement effacé par la reprise des éléments de langage de l’intéressée. On est loin de l’éthique journalistique qui veut qu’un article présente plusieurs points de vue afin que le lecteur se fasse sa propre opinion. D’ailleurs, ne cherchez pas dans ce portrait la moindre citation d’un acteur du secteur des hautes technologies (journaliste, analyste, industriel…) porteur d’un avis négatif sur Marissa Mayer. Cet article, comme la dirigeante de Yahoo!, baigne dans la félicité la plus totale.

In fine, ce portrait ne sera pas aussi favorable, auprès du grand public, aux réputations de Vogue ou de Yahoo! qu’à la marque dont Marissa Mayer cultive l’image avec le plus d’attention : elle-même.

2 commentaires sur “Le magazine Vogue est en pâmoison devant Marissa Mayer au point d’oublier toute exigence journalistique”

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Votre article est intéressant. Mais je ne vois pas en quoi le fait d’être une féministe pourrait entrer en contradiction avec le fait de poser dans une pause glamour. Etre féminine n’est pas compatible avec la gestion d’une grande entreprise ?
Je trouve cette petite remarque très machiste.
Par ailleurs, la starification d’un pdg n’a rien de nouveau et Meyer est encore loin de certains.

Bonjour,
Il ne s’agit pas d’opposer féminisme et féminité mais de ne pas réduire une femme à sa féminité, de ne pas en faire une femme-objet ainsi que je l’explique dans mon article.
La dialectique, au sein des mouvements féministes, entre femme-sujet et femme-objet, est assez ancienne et il me semble qu’elle s’applique parfaitement à l’image que la patronne de Yahoo! a choisi de donner d’elle-même dans le portrait que lui consacre Vogue.
En outre, je ne dis nullement dans mon article que Marissa Mayer est le seul ou le plus narcissique dirigeant d’entreprise. J’ai d’ailleurs traité d’autres cas de PDG Narcisse sur Superception.
Bien à vous.
Xophe

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