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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Cher Uber, la communication doit nourrir l’être, pas le paraître

La réponse du patron d’Uber au dernier scandale qui touche l’Entreprise est un modèle de ce qu’il ne faut pas faire.

Comme je l’évoquais hier, Emil Michael, l’un des principaux dirigeants d’Uber, a expliqué benoîtement lors d’un dîner avec des journalistes que l’Entreprise devrait recruter des enquêteurs pour dénicher des affaires gênantes sur les journalistes les plus critiques à son endroit. Il cibla tout particulièrement Sarah Lacy, directrice de la publication du site PandoDaily et excellente analyste de l’industrie des nouvelles technologies, à la vie personnelle de laquelle il précisa vouloir s’en prendre.

Travis Kalanick, cofondateur et patron d’Uber, a réagi à ce scandale dans un tweetstorm sur son compte Twitter dont je vous livre la traduction intégrale ci-dessous avant de l’analyser.

1/ Les commentaires d’Emil lors d’un dîner récent étaient épouvantables et ne représentent pas notre entreprise.

2/ Ses remarques démontrèrent un manque de leadership, un manque d’humanité et une divergence d’avec nos valeurs et idéaux.

3/ Ses missions au sein d’Uber ne comprennent pas la stratégie et les plans de communication et ne sont représentatives en aucune manière de l’approche de l’Entreprise. (sic)

4/ Au contraire, nous devrions exercer notre leadership en inspirant nos clients, nos chauffeurs et le grand public.

5/ Nous devrions raconter des histoires de progrès et en appeler au coeur et à l’esprit des gens.

6/ Nous devons être assez ouverts et vulnérables pour montrer aux gens les principes positifs qui sont au coeur de la culture d’Uber.

7/ Nous devons raconter les histoires du progrès qu’Uber a apporté aux villes et montré aux à nos (sic) parties prenantes que nous avons des principes et sommes de bonne foi.

8/ Il est de notre responsabilité de le montrer et, jusqu’aux commentaires d’Emil, nous avions le sentiment de progresser dans cette voie.

9/ Mais je promets personnellement à nos clients, nos chauffeurs et au grand public que nous sommes à la hauteur de ce défi.

10/ Nous sommes à la hauteur du défi consistant à montrer qu’Uber est et continuera d’être un membre positif de la communauté.

11/ En outre, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour gagner cette confiance.

12/ Je crois que les gens qui commettent des erreurs peuvent apprendre d’elles – moi y compris.

13/ Et, enfin, je veux m’excuser auprès de @sarahcuda. (i.e. Sarah Lacy)

Entendons-nous bien : j’ai toujours été un fervent supporter – et client occasionnel – d’Uber dont je trouve le business model remarquablement innovant et potentiellement révolutionnaire pour nombre de secteurs. Cependant, la liste des déficiences du tweetstorm de Travis Kalanick est confondante.

Pour la mettre en lumière, je commencerai par rappeler les quelques principes fondamentaux de communication de crise que j’énonce régulièrement sur Superception :

  • Communiquer toutes les mauvaises nouvelles soi-même et le plus rapidement possible pour éviter qu’elles ne le soient par d’autres sans contrôle du message dans un feuilleton de révélations successives. (ce principe ne s’applique pas à l’actuelle crise vécue par Uber)
  • Délivrer des messages clairs et cohérents. C’est le B-A-BA de la communication en période nominale qui se révèle encore plus important en temps de crise où chaque parcelle de message émis est disséquée.
  • Assumer au lieu de chercher à faire le gros dos en attendant que cela passe. Tenter de minimiser une crise est généralement le meilleur moyen de l’amplifier. Il faut au contraire admettre sa part de responsabilité et expliquer ce que l’on va faire pour éviter que la crise ne se reproduise.
  • Ne pas créer l’événement par ses déclarations sur la crise pour ne pas la faire prospérer.
  • Ne pas tenter de camoufler sa faute. Le camouflage est généralement plus grave (surtout aux Etats-Unis où le mensonge est le pêché capital) que la faute elle-même. Faute avouée est à moitié pardonnée comme on dit en France – cela dépend naturellement de l’ampleur de la faute. Mais, quoi qu’il en soit, s’enferrer dans une défense maladroite est, quelle que soit la gravité de ce qui vous est reproché, la pire approche médiatique.

Or que fait Travis Kalanick ?

Il dresse un portrait assassin de son bras droit sans annoncer son éviction. L’incohérence de cette approche est délétère. En effet, elle confirme la perception croissante selon laquelle, pour Uber, la fin justifie les moyens. Dans le cas contraire, un dirigeant de ce niveau “manquant de leadership, d’humanité et ne respectant pas les valeurs et idéaux de l’Entreprise” serait logiquement remercié. En outre, cette incohérence indique au sein d’Uber qu’il existe deux niveaux de traitement pour les fautes lourdes : celui appliqué aux dirigeants qui peuvent tout se permettre et celui subi par les collaborateurs qui prennent la porte lorsqu’ils faillissent.

Le patron d’Uber détaille ensuite les actions de communication que la start-up devrait mener pour corriger son image. Cette série de tweets confirme ce que j’écrivais hier : Kalanick préfère être estimé qu’estimable. Il n’y présente pas ce qu’il va faire pour amender Uber sur le fond mais pour mieux expliquer le bien que l’Entreprise génère intrinsèquement par son activité commerciale. Or ce n’est pas ce que les personnes choquées par les scandales à répétition qui ont touché la start-up attendent d’elle. Cette exposition de son plan de communication donne une idée du niveau de renfermement de Travis Kalanick sur sa propre ambition. D’ailleurs, il ne réalise pas que quelques belles histoires n’effaceront pas une série de scandales : la communication est la plus efficace – et la plus noble – lorsqu’elle nourrit l’être, pas le paraître.

Enfin, Kalanick attend son treizième et dernier tweet pour s’excuser auprès de celle que son adjoint a menacé nommément. Ce sont d’ailleurs des excuses minimales, autant dans leur formulation que dans leur destinataire – il aurait en effet dû s’excuser auprès de toutes les parties prenantes d’Uber qui ont été affectées par ce scandale.

Si Travis Kalanick avait vraiment voulu qu’Uber ne soit pas identifiée comme la start-up pour laquelle la fin justifie tous les moyens, il aurait dû se séparer d’Emil Michael, présenter des excuses sans réserve à un public beaucoup plus large et annoncer le lancement d’une réforme interne d’envergure.

Au même moment, l’éclatement d’une autre affaire – le fait que des managers d’Uber aient utilisé les données de déplacement d’une journaliste sans lui demander la permission – nourrit la perception que les scandales répétés qui touchent l’Entreprise ne sont pas de malheureux dérapages individuels mais expriment sa culture et ses valeurs.

C’est pourquoi les déclarations d’intention telles que celles proférées par Travis Kalanick sur Twitter ne suffiront pas à inverser la tendance. Il faudra que le dirigeant passe aux actes. Or, plus on repousse des décisions incontournables, plus elles sont douloureuses à mettre en oeuvre.

Les problèmes ne disparaissent pas comme par enchantement, même s’ils sont raccompagnés par un chauffeur d’Uber.

3 commentaires sur “Cher Uber, la communication doit nourrir l’être, pas le paraître”

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Cocktail étonnant: Vouloir s’excuser (ça se discute) des propos d’un autre (Emil Michael) au nom de Uber (emploi du “We”) sur son propre profil (Travis Kalania).
Au final on ne comprend pas qui dit quoi, à qui et pourquoi.

Ce qui aurait pu rester pour des paroles propres à Emil Michael se retrouve associées à toute l’entreprise Uber.

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