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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

A la crise de confiance généralisée doit répondre un engagement altruiste des marques

Après mon bilan de l’année 2018, une prédiction pour 2019.

La dernière livraison en date du baromètre mondial d’Edelman révèle une planète plongée dans la défiance. Ses résultats sont mitigés pour l’univers corporate : les entreprises s’en tirent mieux que les médias et les gouvernements même si le niveau de confiance dont elles bénéficient est à peine positif chez le grand public. Cependant, 64% des 33 000 personnes interrogées dans 28 pays considèrent que les dirigeants d’entreprise devraient assumer le leadership du changement au lieu de se reposer sur les réalisations gouvernementales dans ce domaine.

Pour ce faire et, plus prosaïquement, pour gagner des parts de marché, les entreprises doivent mériter la confiance de leurs parties prenantes. Or, à l’ère de l’éphémérité des perceptions imposée par l’instantanéité de la couverture médiatique, cette confiance est plus difficile que jamais à conquérir et conserver. Seules les “love brands” (Apple, Ben & Jerry’s, Harley-Davidson, Southwest Airlines…) parviennent à s’assurer de la fidélité sans faille de leurs fans. Pour les autres marques, lorsque les émotions du public battent la chamade, les affiliations se font nomades.

C’est pourquoi je crois que l’une des tendances déterminantes de l’année qui s’ouvre, sur les plans de la communication et du marketing, aura trait à l’altruisme authentique des marques. Quel meilleur vecteur, en effet, qu’un acte désintéressé pour montrer qu’on est digne de la confiance d’autrui ? Toute relation de confiance est d’ailleurs en elle-même un acte de générosité.

Cet altruisme authentique se distingue de la promotion superficielle de leurs supposées bonnes actions à laquelle les marques, guidées par l’impératif de briller sur le web social, s’adonnent trop aisément. Il va également au-delà du service client qui, même le plus abouti, est toujours lié à une relation transactionnelle. L’altruisme authentique, lui, est gratuit. Il peut concerner les parties prenantes d’une entreprise ou voir celle-ci s’engager dans une cause sociétale. Dans tous les cas, c’est son absence de justification mercantile qui établit ou entretient la confiance.

Colin Kaepernick – (CC) The Los Angeles Sentinel & Twitter

Trois marques qui se sont illustrées de manière différente à cet égard ces derniers mois permettent de prendre conscience de ce qu’une telle approche exige.

La première, Gillette (filiale de Procter & Gamble), a été largement condamnée pour avoir diffusé un spot publicitaire qui, s’inspirant du mouvement #MeToo, s’attaque à ce qu’elle appelle la “toxicité masculine” et enjoint les hommes à se tenir mutuellement responsables de leurs agissements. Les très nombreuses critiques qui ont visé la marque ont mis en exergue sa généralisation abusive du comportement harceleur des mâles et son hypocrisie alors que ses produits de rasage féminins coûtent plus chers que leurs équivalents masculins (phénomène connu sous le nom de “pink tax1).

La deuxième est Nike qui a enrôlé comme ambassadeur Colin Kaepernick, le joueur de football américain ostracisé par les équipes de la ligue professionnelle pour avoir lancé le mouvement de génuflexion durant la diffusion de l’hymne au début des matches afin de protester symboliquement contre les violences subies par les afro-américains. Toute admirable qu’elle soit, cette campagne reste une initiative marketing visant à promouvoir l’image de la marque à la virgule.

La troisième, enfin, est Amazon qui a conduit des enchères auprès de grandes villes américaines afin de déterminer lesquelles étaient prêtes à lui offrir les plus grands avantages, notamment financiers, en échange de l’installation sur leurs territoires de ses deuxième et troisième sièges sociaux. Cette méthode est l’inverse d’une démarche altruiste. Elle est d’autant plus choquante que les concessions faites par les autorités de New York, Arlington et Nashville2, notamment en matière d’imposition, reviennent à faire financer le développement de l’une des entreprises les plus prospères de la planète par les contribuables. Le champion du commerce électronique se retrouve aujourd’hui confronté à une campagne d’activisme populaire destinée à contrecarrer son opportunisme. Le Groupe a su séduire les élites locales dans des réunions secrètes mais n’a pas convaincu les citoyens sur la place publique, et ce malgré ses engagements à créer des emplois et générer des rentrées fiscales considérables dans les trois bassins d’activité concernés.

Certes, une entreprise est une organisation à but lucratif et la notion d’altruisme n’est évidemment pas la plus naturelle dans ce cadre. Mais certaines marques, à l’instar de REI, dont l’activité est fondée sur des valeurs fortes (lire notamment ici), et Starbucks, dont j’ai évoqué plusieurs initiatives citoyennes sur Superception (lire notamment ici, ici, ici, ici, ici et ici), parviennent à conjuguer cette raison d’être commerciale avec une réelle générosité.

Au-delà de ces initiatives citoyennes, mon intuition est que la prochaine tendance concernera l’altruisme authentique des marques vis-à-vis de leurs parties prenantes les plus directes, au premier rang desquelles leurs collaborateurs et clients. Cet altruisme passera par l’expérience prodiguée à ces deux populations dont la confiance est gage de succès.

Incidemment, l’altruisme authentique des marques peut leur prodiguer des avantages sonnants et trébuchants : une étude menée par Forrester Research pour Braze, un spécialiste des plates-formes marketing mobiles, signale que les entreprises qui démontrent leur humanité3 ont plus de chances d’être recommandées par les consommateurs (+20 points de pourcentage par rapport aux marques moins “humaines”), d’être aimées (+19 points) et de voir leurs produits et/ou services achetés (+17 points).

Valeur humaine et valeur financière ne sont donc pas antinomiques.

1 Laquelle s’élève outre-Atlantique à 3-4 dollars pour un paquet de huit rasoirs.

2 Où le groupe de Jeff Bezos va implanter un grand centre logistique.

3 A travers notamment la nature de leurs relations avec leurs clients et leur engagement (y compris) pour des causes.

Un commentaire sur “A la crise de confiance généralisée doit répondre un engagement altruiste des marques”

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Encore une fois il me semble que votre analyse fait mouche.
Rien n’est possible sans l’autre, c’est ce que je tente de décrire en analogie à l’alpinisme pour un prochain article.
Nous sommes nombreux à pressentir la fin de ce système et que la valeur attendue se dirige enfin vers plus d’humanité.
Merci

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