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La leçon de management de Rafael Nadal : notre attitude détermine nos aptitudes

Rafael Nadal a remporté hier son vingt-et-unième titre du Grand Chelem.

Il devance désormais Novak Djokovic et Roger Federer, qui comptent chacun vingt levées à leur palmarès, dans ce domaine. Djokovic et Nadal sont aussi les deux seuls joueurs de l’ère Open à avoir gagné au moins deux fois chaque tournoi du Grand Chelem, Roy Emerson et Rod Laver ayant accompli cette prouesse à l’époque précédente. Enfin, dix-sept années séparent le premier titre du Grand Chelem de l’Espagnol (à Roland Garros en 2005) de celui conquis hier, un autre record de l’ère Open.

Hier, contre Daniil Medvedev, Rafael Nadal réalisa ce que Mats Wilander qualifia de plus beau comeback de l’ère Open. Mené deux sets à rien, 2-3 et 0-40 sur son service dans le troisième set, il sauva ces trois balles de break et remporta les trois dernières manches du match pour s’adjuger celui-ci en 5h24, après moult rebondissements, sur le score de 2-6, 6-7 [5], 6-4, 6-4, 7-5.

Nadal ne donna jamais le moindre signe de fatigue ou de lassitude hier, au contraire de son rival qui agonit une nouvelle fois l’arbitre – cette fois pour se plaindre non pas de son adversaire mais du public – et fit intervenir le kiné plusieurs fois pour se faire masser les cuisses dans le cinquième set.

C’est pourtant Rafael Nadal qui aurait dû céder physiquement hier si l’on considère son âge (35 ans, dix ans de plus que son rival) et les derniers mois qu’il a vécus avant d’arriver en Australie. Il avait disputé son dernier match en tournoi en août 2021, à Washington, où il avait perdu au troisième tour sur une jambe en raison de sa blessure chronique au pied gauche. Il y souffre depuis 2005 du syndrome de Muller-Weiss, une maladie rare qui provoque une nécrose de l’os naviculaire. Auparavant, il n’avait pu s’aligner ni à Wimbledon ni aux Jeux Olympiques ni à l’US Open.

En septembre, il avait été opéré du pied dans une clinique de Barcelone. Malgré ce, en novembre, il n’était pas sûr de pouvoir poursuivre sa carrière. En décembre, alors que son pied faisait des progrès, il avait été atteint du Covid, ce qui l’avait affaibli et empêché de s’entraîner normalement. Ce fut un parcours semé de tant d’embuches que Nadal avait failli ne pas s’envoler vers l’Australie, tant ses chances d’y bien figurer étaient minces.

C’est d’ailleurs lui, et non Daniil Medvedev, qui dut s’asseoir pendant les longs discours des officiels avant la remise de la coupe. C’est aussi lui qui avoua ensuite en conférence de presse qu’il n’aurait même pas la force de célébrer son titre.

Rafael Nadal hier à Melbourne – (CC) AFP/Getty Images/TNS-Martin Keep

D’où vient cette capacité de Rafael Nadal, plusieurs fois démontrée au cours de son illustre carrière, de réaliser des exploits inaccessibles au commun des mortels ?

Toni Nadal, son oncle et coach durant l’essentiel de son parcours, donna la réponse à cette question avant la finale :

Je me souviens très bien quand, en 2005, on nous dit que sa carrière était quasiment terminée à cause de ce syndrome de Muller-Weiss, un problème insoluble. Vous vous rendez compte : cela fait dix-sept ans qu’il a cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. On a toujours su que ce risque resterait avec nous et il y a eu tellement de saisons au cours desquelles il a souffert à cet endroit. A chaque fois, il a dû récupérer. A chaque fois, il a dû tenir le coup.

Rafael l’a dit cette semaine : ‘J’ai pris l’habitude de ne pas me plaindre de ce qui porte préjudice à mon jeu’. Qu’est-ce qui fait qu’à un moment précis quelqu’un réussira à donner son maximum ? Simplement en faisant en sorte de ne pas accorder plus d’importance que nécessaire aux problèmes qui se posent à vous. […] Rafael a cette capacité en lui depuis qu’il a 5-6 ans.

Il y a quelques années, je faisais une intervention à Madrid devant des managers d’entreprise. On aborde les blessures qu’a dû gérer Rafael. Je leur parle du pied, bien sûr. A la fin, en aparté, ma femme me glisse : ‘Je crois que tu t’es trompé, tu as évoqué le pied droit mais c’est le pied gauche, non ?’ J’ai appelé Rafael pour vérifier, elle avait raison. Cela montre que, à partir du moment où on sait qu’on ne peut pas régler ce problème, pourquoi y penser tout le temps ? Les rares fois où mon neveu me parlait de ce syndrome, je lui répondais que, de toute manière, il fallait vivre avec. Et que, plus on l’évoquait, plus cela lui donnait de la place. Il a su s’adapter. […]

Rafael ne s’est jamais fâché contre ce qu’il a enduré et encaissé ces derniers mois. Le problème principal de la majorité des personnes, et je le constate chaque jour sur les courts de l’académie, c’est la frustration. Les gens se frustrent trop vite quand les choses ne se passent pas bien. N’oubliez pas : votre attitude modifie vos aptitudes”.

Je fus ému en lisant cette interview car l’approche de Rafael Nadal rejoint celle que j’applique, infiniment plus modestement, depuis mes quatre rencontres avec la mort. Elle m’a notamment permis de traverser les revers médicaux et le défi professionnel auxquels j’ai été confronté ces dernières années. J’expliquais ma vision l’an dernier sur Superception en ces termes :

Le dernier enseignement de mes vicissitudes est le refus de donner aux contrariétés la moindre influence sur mon état d’esprit : j’exclus donc de les évoquer au quotidien pour qu’elles ne gangrènent pas mon cerveau. Je sais, après mon flirt répété avec la mort, combien chaque minute de vie est précieuse et il est hors de question d’en gâcher la moindre en laissant mes tourments avoir prise sur moi. Ressasser sans cesse ses problèmes revient à les magnifier. Ne pas en parler n’empêche pas, bien au contraire, de se battre pour les résoudre. Comme l’a écrit Aldous Huxley, ‘l’expérience n’est pas tant ce qui vous arrive que ce que vous en faites“.

Des petits tourments de la vie quotidienne à l’un des plus grands exploits de l’histoire du sport, le refus de la frustration est un ressort de résilience qui déçoit rarement celui qui s’y adonne.

7 commentaires sur “La leçon de management de Rafael Nadal : notre attitude détermine nos aptitudes”

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Merci Christophe, une fois de plus pour cette analyse, cette mise en perspective et la leçon apprise !

Si tu me donnes ton accord, je lirai ce texte en te citant, lors d’une de mes prochaines interventions avec un groupe de Directeurs.trices qui a besoin d’être inspiré et reboosté 😉 cela tombe à point nommé.
Bon weekend

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