Pour être un leader, il faut être cohérent sur ses principes

Contre-exemple avec Kylian Mbappé.

La star du Paris Saint-Germain déclarait cet été dans une interview sur BFMTV :

“J’essaie vraiment d’agir en fonction de mes valeurs et mes principes. […] Les gens, souvent, m’interpellent sur mes prises de position, sur les dernières que j’ai prises sur ce qui s’est passé dans notre pays, les violences policières et le racisme. Les gens sont contents. […] Je suis un peu la voix des gens qu’on n’entend pas, tout en respectant le monde qui m’entoure“.

Souvent, il a exprimé la volonté d’être un modèle, un exemple pour la jeunesse de notre pays, ce qui est louable. Cependant, pour jouer ce rôle, une personnalité doit faire preuve de constance dans l’application de ses valeurs. Or Kylian Mbappé est loin de se comporter ainsi.

Alors que l’équipe de France est atteinte par plusieurs scandales et autant de blessures de joueurs importants à quelques semaines de la Coupe du monde, sa vedette n’a rien trouvé de mieux, il y a quelques jours, que de créer un esclandre en menaçant de ne pas participer aux opérations commerciales organisées pour les joueurs avec leurs sponsors si la convention sur leurs droits à l’image n’était pas revue. L’affaire remonta jusqu’à la ministre des Sports qui intima l’ordre au Président de la Fédération française de football de céder. Alors que l’on sait que certains de ses coéquipiers regardent amèrement sa prééminence au sein de l’équipe, cette initiative de Kylian Mbappé ne constitue certainement pas le meilleur moyen de garantir la sérénité des Bleus à quelques encablures de la plus importante compétition du football mondial.

Si on l’en croit, le grief de la star concernerait la nature des sponsors avec lesquels les contrats de l’équipe de France l’obligent à collaborer. Partisan d’une éducation des jeunes générations sur leur alimentation, il serait choqué que Coca-Cola et KFC figurent parmi les marques dont il doit porter l’image au nom des Bleus. Encore une fois, rien que de très louable… sauf que le Paris Saint-Germain compte parmi ses sponsors Coca-Cola et McDonald’s. Est-ce parce que le club paie Kylian Mbappé environ 250 millions d’euros sur trois ans dans le cadre de son nouveau contrat que la coexistence avec ces marques ne le gêne pas, alors que, en équipe de France, elle le rebute au point de créer une affaire d’une certaine envergure ?

En outre, un autre élément indique que l’argent ne serait décidément pas étranger aux agissements censément éthiques du joueur : des sponsors qui avaient démarché Kylian Mbappé et lui avaient offert des contrats de cinq à six millions d’euros par an ont, face à son refus, sponsorisé l’équipe de France pour un million et demi d’euros et peuvent ainsi utiliser l’image du joueur. En menaçant de ne pas participer aux opérations collectives de l’équipe de France, Kylian Mbappé ne refuse-t-il en fait pas d’être bradé ? Ne serait-ce pas la vraie raison de la différence de ses indignations au sein des Bleus et du Paris Saint-Germain ?

Il est également impossible de ne pas considérer que ses récriminations en équipe de France, loin d’incarner une position morale, représentent aussi, voire surtout, un enjeu de pouvoir. Après avoir conquis une toute-puissance au sein du Paris Saint-Germain, Kylian Mbappé veut mettre l’équipe de France et la Fédération française de football à ses pieds. Il y parvient avec la complicité de la ministre des Sports et des médias qui ne l’interrogent jamais sur ses incohérences à ce sujet.

On pourrait d’ailleurs poser la question de l’hypocrisie de Kylian Mbappé encore plus globalement : s’il veut être le porte-parole des citoyens pour défendre des causes sociétales (l’anti-racisme, la lutte contre certaines dérives policières, l’alimentation saine…), ce qui, une fois encore, est louable, pourquoi travaille-t-il au service d’un Etat, le Qatar, qui persécute les homosexuels, traite les femmes comme des citoyens de deuxième zone et fait peu de cas de la vie des ouvriers qui construisent ses infrastructures ? Ici encore, le montant du chèque qu’il touche suffit-il à faire taire ses objections sur les abjections de son employeur ?

Sans même remonter dans le temps à Muhammad Ali, qui perdit quatre ans de sa carrière de boxeur, alors qu’il était au sommet de sa puissance physique, pour lutter politiquement contre la guerre du Vietnam, Tiger Woods refusa très récemment entre 700 et 800 millions de dollars pour jouer sur le circuit professionnel de golf alternatif monté par l’Arabie saoudite.

Ces champions ont une crédibilité en tant que leaders parce qu’ils mettent leurs actes en conformité avec leurs paroles. Il en va de même dans le monde de l’entreprise, où les managers les plus crédibles sont ceux qui s’appliquent les valeurs qu’ils prétendent prescrire aux autres.

Kylian Mbappé, lui, discourt sur son rôle d’exemple et sur ses principes mais met ces derniers en pratique au gré de ses intérêts financiers et au service de son appétit de pouvoir.

Bill Bernbach, cofondateur de l’agence de publicité DDB, expliquait qu’“un principe n’est un principe que s’il vous coûte quelque chose”. Il serait temps que Kylian Mbappé fasse preuve de la cohérence qui nous ferait davantage croire au credo qu’il professe.