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Toute vérité n'est que perception

6 milliards de dollars. Et Obama, et Obama…

Revue fragmentaire des vainqueurs et vaincus de l’élection américaine dans la foulée de mon article prédictif d’hier.

Des échos que j’en ai, l’ambiance aux Etats-Unis est très différente aujourd’hui de ce qu’elle était il y a quatre ans lors de l’accession de Barack Obama à la Maison-Blanche. C’est à mon sens Salman Rushdie qui a le mieux restitué la différence dans un message sur son compte Twitter : “Il y a quatre ans, c’était un sentiment de joie. Cette fois, le sentiment dominant est le soulagement de ne pas se réveiller demain matin dans une Amérique dirigée par Mitt Romney“. Incidemment, ce constat en dit autant sur l’inquiétude du peuple face à Romney que sur son dessillement face à Obama.

Au-delà de cette atmosphère générale, jouons au jeu des sept familles des gagnants et perdants de cette soirée électorale :

  • la première famille ne compte qu’un membre : Barack Obama. Il a été réélu hier soir au terme d’un cycle électoral qui a coûté 6 milliards de dollars. Malheureusement, la profondeur des poches des bailleurs de fonds des campagnes a souvent remplacé la grandeur des idées des candidats. Les deux phénomènes semblent d’ailleurs liés : plus les contributeurs financiers sont riches et peu nombreux, plus le champ de vision des candidats se réduit. Obama a cependant accompli hier un double exploit : il est seulement le deuxième Président démocrate depuis Harry Truman a avoir conquis un second mandat et il est le seul leader occidental à avoir été réélu durant la crise économique qui frappe la planète depuis cinq ans ;
  • le deuxième grand vainqueur de l’élection est l’analyste de sondages Nate Silver (lire son portrait ici) qui, si la victoire d’Obama est confirmée en Floride*, aura pronostiqué correctement les résultats du scrutin présidentiel dans les 50 Etats – un sans faute – et aussi été extrêmement perspicace pour les autres votes. La veille du scrutin, 20% du trafic du site web du New York Times passait d’ailleurs par le blog de Nate Silver, une statistique proprement phénomènale lorsqu’on considère que le site du quotidien new yorkais est le sixième site Internet d’actualité le plus visité aux Etats-Unis. La révolution suscitée par Nate Silver que j’annonçais hier est donc en marche : elle affectera au premier chef les univers des sondages et du commentaire politique ;
  • les grands perdants de la nuit dernière sont en effet tous les commentateurs politiques qui ont fait des prévisions beaucoup moins pertinentes que celles de Nate Silver. Malheureusement pour eux, la multiplication des blogs et des médias sociaux rend plus facile la conservation de leurs déclarations et l’évaluation de leur compétence après le scrutin. The Atlantic Wire s’est ainsi amusé à classer les commentateurs selon la justesse de leurs pronostics (lire ici). C’est un exercice dévastateur qui confirme que, de plus en plus, les commentateurs politiques américains sont davantage des agents partisans que des analystes encyclopédistes. Certains ont déjà eu l’honnêteté intellectuelle de reconnaître et même d’expliquer leur erreur (voir les déclarations de Newt Gingrich sur CBS et lire par exemple ceci), alors que d’autres ne l’envisagent même pas. L’exemple le plus caricatural de dérive idéologique fut donné hier soir par Karl Rove, l’architecte des victoires de George W. Bush en 2000 et 2004, qui, en direct sur Fox News, s’évertua à nier l’évidence (voir la synthèse de cette séquence vidéo ci-dessous). Rove est tout sauf un imbécile. Mais sa préférence politique prend le pas sur sa capacité d’analyse, ses émotions l’emportent sur sa raison ;
  • un autre gagnant de l’élection est Twitter qui a dominé tous les autres réseaux sociaux durant la campagne et où, chose inconcevable il y a seulement quatre ans, Obama a annoncé en avant-première sa réélection dans un tweet qui fut l’un des plus repris de tous les temps (plus de 400 000 retweets). Le scrutin d’hier soir a d’ailleurs été, avec 31 millions de tweets, l’événement politique le plus tweeté de l’Histoire ;
  • Romney a donné hier soir l’un des discours de candidat présidentiel perdant les plus bienveillants et les plus émouvants de ces dernières décennies, conquérant tardivement l’estime de beaucoup et confirmant que son personnage public erratique a occulté durant la campagne un personnage privé beaucoup plus intéressant ;
  • mais le Parti républicain aurait-il choisi comme candidat un Romney en harmonie avec sa vraie personnalité, c’est-à-dire celle du Gouverneur du Massachusetts qu’il fut entre 2003 et 2007 ? C’est l’une des questions auxquelles les conservateurs devront répondre au cours de l’introspection que j’annonçais hier soir et que certains analystes – en particulier Steve Schmidt, l’ancien directeur de campagne de John McCain en 2008 – qualifiaient cette nuit de future guerre civile. Introspection ou guerre civile, les prochains mois verront s’affronter une minorité idéologique et une majorité pragmatique au sein du Parti républicain. L’attrait futur de celui-ci auprès des minorités – de moins en moins minoritaires – ethniques, des femmes et des jeunes se jouera dans ce débat interne ;
  • l’un des meilleurs tests des éventuelles nouvelles résolutions des conservateurs résidera dans leur attitude face à la main tendue par Barack Obama dans son discours de cette nuit. Oscillant entre recyclage de ses meilleures envolées lyriques de 2008 et 2004 et appels au dialogue avec les Républicains, Obama semblait écartelé dans cette adresse entre sa prétention messianique et la nécessité réaliste de réussir son second mandat. De fait, en mettant les Républicains au pied du mur, il s’y est mis lui aussi.

S’il sait tirer le meilleur des 100 jours chers à Milton Friedman, Barack Obama a l’opportunité de laisser une trace dans l’Histoire au-delà du symbole magnifique de son élection et de sa réforme du système d’assurance-maladie.

J’aimerais pour ma part qu’il mette en place trois régulations aujourd’hui indispensables aux Etats-Unis et, pour les deux premières d’entre elles, au monde : la régulation financière, la régulation énergétique et la régulation de l’achat des armes. S’il ne devait instaurer qu’une seule des trois, mais en profondeur, il serait déjà un grand Président.

 

* DERNIERE MINUTE (10 NOVEMBRE 2012)

La victoire de Barack Obama vient d’être confirmée en Floride, ce qui signifie que Nate Silver a donné une prévision pertinente de l’issue de l’élection présidentielle dans les 50 Etats !

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