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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Un communicant ne peut pas être courtisan

Davantage que dans toute autre fonction, il importe de servir son patron plutôt que de lui plaire.

Il y a six ans, je partageais avec vous ma vision de l’un des rôles du directeur de la communication :

Un patron, comme chacun d’entre nous d’ailleurs, ne peut pas ‘sortir de lui-même’ pour apprécier la perception que ses publics internes et externes ont de lui – il ne l’apprécierait peut-être d’ailleurs pas toujours…

Nous nous percevons tous à travers un miroir déformant – la chose sur laquelle il est le plus difficile d’être objectif et lucide est soi-même. Dans le cas de tout patron ou manager (même pour le dircom vis-à-vis de sa propre équipe), cette déformation est accrue par la distance que créent inévitablement le pouvoir et l’autorité.

Lorsqu’il s’agit de conseiller son patron, le dircom doit donc agir comme un ‘miroir reformant’ pour lui dire sans censure la manière dont il est perçu et lui faire des recommandations afin d’adapter son discours et son comportement.

Dans ce rôle, le dircom doit toujours faire preuve d’indiscipline intellectuelle.”

L’an dernier, je complétais ce portrait-robot :

Tous les hommes et femmes de pouvoir commettent des erreurs liées à leur mauvaise évaluation de la perception qu’ils génèrent. C’est même le cas des plus intelligents et des plus empathiques. La raison en est simple : ces erreurs ne sont pas le fruit de leur réflexion rationnelle mais de leur réaction émotionnelle. Leur dircom est leur rempart contre ces vagues émotionnelles et les dégâts qu’elles créent. […]

Certains leaders politiques et économiques ont des gardes du corps. Leur dircom est leur garde du corpus (de messages et de valeurs). Incidemment, leur rôle est encore plus important depuis que beaucoup d’acteurs de l’actualité utilisent Twitter sans filtre et sans recul.

(CC) Victoria Landon

(CC) Victoria Landon

Les crises de communication qui frappent certains leaders politiques des deux côtés de l’Atlantique et, surtout, les réactions différentes de leurs entourages respectifs mettent en lumière une qualité complémentaire dont tout communicant doit faire montre à l’égard de son patron : l’abnégation.

Comme je l’évoquais ci-dessus, c’est en effet au communicant qu’il revient de dire à son patron l’image que ses publics ont de lui. S’il ne le fait pas, pour préserver sa situation de pouvoir, sa cohérence cognitive ou l’amour-propre de son manager, il manque à son devoir. Plus il prend de temps pour dire la vérité à son supérieur, plus il lui porte préjudice, étant coupable de non-assistance à personne en danger perceptif.

Comme le montre le comportement des proches de Donald Trump ces derniers jours1, il y aura toujours des membres de l’entourage d’un leader, politique ou corporate, pour lui dire ce qu’il a envie d’entendre2. Mais il doit pouvoir compter sur la franchise sans filtre de son directeur de la communication pour lui présenter scrupuleusement la perception de ses publics. Les communicants qui n’ont pas cette abnégation ne sont pas mûrs pour être dircoms. En effet, en croyant protéger leurs dirigeants de la vérité, ils les enferment dans le mensonge qu’ils se racontent.

La deuxième condition, à mon sens, de l’exercice loyal du métier de dircom est d’utiliser son influence au service du seul intérêt général. En particulier, le dircom doit être rigoureusement honnête lorsqu’il débriefe son patron sur l’état de l’opinion. Même s’il décide de prendre une décision contraire à celle de son dircom, le dirigeant doit le faire à partir d’informations fiables.

A ce sujet, comme l’a écrit Ben Goldacre,

Le pluriel d’anecdote n’est pas données.

Chercheur en médecine, Goldacre a énoncé cette sentence dans un contexte scientifique. Mais elle vaut également en matière de communication. Ainsi, par exemple, n’est-ce pas parce que quelques amis d’un dirigeant ou de membres de son équipe de direction ont une opinion sur un sujet qu’elle reflète infailliblement celle du public.

De fait, dans les situations de crise, c’est l’influence du dircom auprès de son patron qui, plus encore que sa compétence, fait la différence. Il est en effet souvent plus aisé de définir une stratégie de communication de crise efficace que de la faire accepter par un dirigeant, surtout lorsque la crise en question le concerne directement.

Cette réalité m’amène à ma dernière préconisation sur la relation entre un dircom et son patron. Celui-là ne doit pas se complaire vis-à-vis de celui-ci dans le rôle de porteur de mauvaises nouvelles mais faire preuve d’une loyauté sans faille. Lorsque vous vous noyez, vous n’appelez pas au secours celui qui vous a poussé dans l’eau.

Mais vous ne vous en remettez pas davantage à celui qui vous dit que vous allez vous en sortir alors que vous sentez vos dernières forces vous fuir. Comme je l’ai déjà expliqué sur le blog Superception, le respect se fonde sur une exigence de vérité.

C’est pourquoi, in fine, l’efficacité du duo dircom-patron dépend de la confiance qui les lie. C’est elle qui, dans les situations difficiles, assurera que la compétence du dircom se traduira en influence en dépit de l’impudence des immanquables courtisans.

1 Ils sont engagés dans une compétition ridicule pour lui plaire, allant jusqu’à tenir une conférence de presse dédiée à la répétition de mensonges facilement vérifiables sur le nombre de personnes présentes lors de son investiture (Sean Spicer) et promouvoir les produits commerciaux de sa fille lors d’une intervention télévisée en violation des règles du gouvernement américain (Kellyanne Conway).

2 Etant donnée leur qualité, je suis en revanche convaincu que les conseillers en communication de François Fillon lui ont dit, dès le déclenchement de la crise relative à l’emploi présumé fictif de membres de sa famille, ce qu’il convenait de faire mais qu’il a refusé de suivre leurs conseils, ne prenant pas conscience de la gravité de la situation.

6 commentaires sur “Un communicant ne peut pas être courtisan”

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Bonjour
Merci pour ces réflexions partagées.
Une petite remarque concernant la phrase suivante :
‘Plus il prend de temps pour dire la vérité à son supérieur, plus il lui porte préjudice, étant coupable de non-assistance à personne en danger perceptif’
N’est-ce pas plutôt l’inverse ?

Bonjour,
Merci pour votre message.
La phrase est bien à l’endroit. 🙂 En effet, plus un communicant attend pour dire la vérité à son supérieur, plus il le laisse s’enferrer dans ses problèmes de perception.
Bonne journée.
Xophe

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