15 mars 2013 | Blog, Blog 2013, Communication | Par Christophe Lachnitt
La presse écrite évolue à l’envers des autres industries
Time Magazine incarne sa puissance déclinante.
Il y a quelques jours, mon éditorialiste du New York Times préférée, Maureen Dowd, revenait dans l’un de ses articles sur ses débuts au sein de Time Magazine. Elle commentait l’annonce par le groupe Time Warner, propriétaire de l’hebdomadaire, de sa volonté de s’en délester pour se concentrer sur ses activités télévisées et cinématographiques bien plus rentables.
Elle racontait ainsi qu’elle intégra le bureau de Washington de Time en 1981, du temps de la splendeur éditoriale et financière du magazine. Lors de sa première conférence de rédaction, Maureen crut sa dernière heure déjà arrivée. Son patron fit un tour de table pour recueillir les avis sur l’idée de consacrer la couverture du magazine au “salt” (sel en anglais). Première interrogée, Maureen répondit que sa maman mettait du sel sur toute sa nourriture et n’était pas préoccupée par les risques associés à cet assaisonnement.
Elle fut alors reprise par une journaliste expérimentée qui lui expliqua avec mépris que leur patron faisait en fait allusion au traité sur les armes nucléaires entre les Etats-Unis et l’Union soviétique (SALT ou Strategic Arms Limitation Treaty). A son grand soulagement, ledit patron confirma qu’il parlait bien du sel.

(CC) Time Magazine
Cette anecdote définit parfaitement ce qu’était la presse à l’époque : un fournisseur d’informations de toute nature couvrant l’ensemble de l’actualité, de la politique internationale à la vie quotidienne. Cette approche, qui conférait sa puissance à la presse en lui permettant de toucher le public le plus large, est aujourd’hui en voie de disparition sous l’effet de la spécialisation et de la communautarisation générées par Internet. Les médias papier généralistes laissent progressivement la place à des médias numériques de niche.
A l’âge d’Internet, la presse semble évoluer à l’inverse des autres industries : alors que la majorité des secteurs s’orientent vers des acteurs globaux pour la diffusion des biens commerciaux, les médias privilégient des spécialistes – thématiques et/ou géographiques – pour la distribution des contenus.