31 octobre 2013 | Blog, Blog 2013, Communication | Par Christophe Lachnitt
Les nouveaux médias rentrent-ils dans le rang ?
Ils semblent ne plus pouvoir se passer des oripeaux des vieux médias.
Plusieurs stars des médias traditionnels ont annoncé ces derniers jours leur départ vers un nouveau média :
- Vivian Schiller, ancienne présidente de la très respectée et innovante NPR (radio américaine privée à but non lucratif) et dernièrement patronne numérique de NBC News, rejoint Twitter pour diriger ses développements dans le domaine de l’information et ses partenariats journalistiques ;
- Jim Roberts, ancien directeur de la publication adjoint du New York Times et dernièrement patron numérique de Reuters, prend la responsabilité des contenus du site Mashable pourtant moyennement respecté ;
- David Pogue, célèbre journaliste et testeur de nouvelles technologies du New York Times, va fonder un site d’information au sein de Yahoo! ;
- Mark Schoofs, ancien pilier du Wall Street Journal et du site d’information à but non lucratif ProPublica et lauréat du Prix Pulitzer, va créer l’unité de journalisme d’investigation de BuzzFeed ;
- Rick Berke, rédacteur en chef politique au New York Times, prend la rédaction en chef du site POLITICO.
Il convient d’ailleurs de noter que The New York Times, qui a aussi perdu Nate Silver (lire ici), subit une fuite de ses cerveaux assez inquiétante en termes de compétences mais aussi, et peut-être surtout, de symbole d’un astre déclinant. Il serait temps pour le plus grand quotidien du monde d’attirer quelques jeunes stars du journalisme numérique.
Au-delà du seul cas du journal new yorkais, cette migration de grandes figures du journalisme américain est très intéressante. Elle montre à la fois la force et la faiblesse des nouveaux médias.
Leur force tient naturellement dans leur capacité à séduire ces références de leur métier. Mais elle concerne également leur compréhension du fait que, même à l’ère des réseaux sociaux, il convient d’embaucher des vrais professionnels du journalisme pour développer des contenus de qualité. C’est un signe à la fois de leur lucidité, de leur intelligence et de leur capacité à se réformer.
Incidemment, je ne puis m’empêcher de relever que cette série de recrutements souligne que le journalisme demeure bien un métier et pas une activité (lire ici et ici) comme beaucoup, y compris nombre de ceux qui ont félicité les impétrants sur Twitter, veulent nous le faire croire.
Paradoxalement, cet exode apporte aussi une démonstration de la (relative) faiblesse des nouveaux médias. L’exemple de BuzzFeed montre ainsi qu’il est plus facile – et moins dispendieux en coûts salariaux – de développer un site fondé sur la curation de gifs animés que de produire des contenus originaux (lire ici). Pour ce faire, l’entreprise basée à New York a d’abord dû embaucher l’une des stars de POLITICO (lire ici), puis constituer une équipe de journalistes et aujourd’hui enrôler Mark Schoofs pour créer son unité d’investigation. Tôt ou tard, le développement des nouveaux médias passe donc par la reprise des codes des anciens médias.
A cet égard, l’enjeu consistant pour les journalistes à maîtriser de nouvelles disciplines afin de réussir dans le contexte de l’Internet social (lire ici) est encore plus important pour les patrons de rédaction. Si les journalistes doivent en effet rédiger leurs articles en pensant sans cesse à leur propagation sur le web, les directeurs de rédaction et/ou de publication doivent conduire cette réflexion à l’échelle de l’ensemble du média dont ils ont la responsabilité éditoriale. C’est pourquoi les deux recrutements à mes yeux les plus révolutionnaires parmi les cinq que j’ai relevés ces derniers jours* sont ceux de Jim Roberts par Mashable et de Rick Berke par POLITICO.
Ironiquement, c’est une forme de reconnaissance de la compétence numérique du New York Times que deux de ses anciens journalistes se voient ainsi attribués les plus grandes responsabilités par deux de ses jeunes concurrents.
* Considérant que le rôle de Vivian Schiller au sein de Twitter sera davantage partenarial qu’éditorial.