20 février 2012 | Blog, Blog 2012, Communication | Par Christophe Lachnitt
La leçon de perception de Steve Largent
Mais qui est donc Steve Largent ? C’est l’ancien joueur de football américain et député qui fit tomber, grâce à une magistrale leçon de perception, Newt Gingrich de son piédestal en 1997 lorsqu’il présidait la Chambre des Représentants.
Joe Scarborough – présentateur de l’émission “Morning Joe” sur MSNBC et ancien député (“représentant” dans la Constitution américaine) lui-même – raconte cette anecdote dans l’un de ses premiers éditoriaux pour POLITICO.
En 1997, trois ans après avoir mené les Républicains à un raz-de-marée électoral qui leur permit de prendre le contrôle de la Chambre des Représentants (l’équivalent de notre Assemblée nationale) pour la première fois depuis 1954, Gingrich était en train de trahir un à un les engagements qu’il avait pris dans le “Contrat avec l’Amérique”, le document fondateur de la campagne conservatrice.
La chute de son taux de popularité à seulement 27% – résultant notamment de son rôle dans la fermeture du gouvernement fédéral – le conduisit en effet à davantage de compromis, au risque de consentir à des compromissions à l’égard de ses propres promesses, en particulier sur la politique fiscale – comme d’habitude l’un des chapitres les plus importants du catéchisme républicain. Gingrich attaqua avec sa finesse habituelle les jeunes élus auxquels ils devaient son élection au poste de Président de la Chambre des Représentants et qui s’opposaient désormais à ce qu’ils considéraient comme un reniement.
C’est ainsi qu’un groupe de onze représentants – dont Scarborough – fomentèrent un coup contre Gingrich. Ce dernier réunit alors l’ensemble du groupe républicain afin de confronter publiquement les séditieux, lesquels firent manquer à leurs collègues le début du week-end de Pâques. Après avoir violemment attaqué ses opposants, Gingrich commit une grave erreur, probablement aveuglé par sa légendaire confiance en lui-même : il tendit le micro aux insoumis, attendant probablement qu’ils opèrent un repli tactique face à une telle mise en scène.
Malheureusement pour Gingrich, l’insurgé qui prit la parole ne fut autre que Steve Largent, ancienne légende du football américain (membre du Hall of Fame) et élu par le magazine People comme l’un des plus beaux hommes vivants. En clair, un élu qui n’avait rien à apprendre de la part de Gingrich en termes de charisme. Quand Largent prit la parole, la foule des représentants républicains criaient encore des insultes contre ses camarades et lui-même. Plus pour longtemps.

Steve Largent – (CC) Staci Kramer
Largent parla calmement de son comportement au sein de l’équipe de football des Seattle Seahawks, rappelant la signature de son contrat et la poignée de main échangée avec le propriétaire de l’équipe. Il expliqua ensuite que, à deux reprises lorsque les joueurs de la ligue professionnelle firent grève dans les années suivantes, il franchit les piquets de grève de ses coéquipiers pour aller jouer car il voulait respecter le contrat qu’il avait signé et au sujet duquel il avait donné sa parole. Pour lui, affirma-t-il, c’était une question de principe.
Alors que le silence s’était fait depuis longtemps déjà dans la salle de réunion, Largent acheva son discours en achevant Gingrich. Se tournant vers lui, Largent asséna : “Newt, vous avez écrit le ‘Contrat avec l’Amérique’ et vous nous avez demandé de le signer. Désormais, vous nous demandez de le renier. Mais, Newt, si je n’étais pas intimidé par les défenseurs de 120 kilos de l’équipe adverse qui voulaient me tuer à chaque fois que j’entrais sur le terrain, pourquoi serais-je intimidé par vous ?” Ce fut le début de la fin pour Gingrich – jusqu’à ce qu’il resurgisse dans la primaire républicaine depuis quelques mois.
En communication, celui qui incarne les valeurs qu’il professe est plus puissant que tous les pouvoirs établis. Une voix peut alors changer le monde.