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Toute vérité n'est que perception

Ne tirez pas sur le cowboy !

En défense de Clint Eastwood.

Le grand acteur et réalisateur américain a été morigéné par l’immense majorité des observateurs et des Internautes – même parmi les Républicains – pour sa prestation avant-hier soir en prime-time à la Convention républicaine durant laquelle il conversa avec un Barack Obama fictivement installé sur un tabouret vide :

Clint Eastwood fut invité par Mitt Romney lui-même à intervenir lors de la Convention et le contenu général de son “discours” fut coordonné avec l’équipe de communication du candidat républicain. En revanche, la conversation avec le tabouret vide – qu’Eastwood requit auprès des organisateurs au dernier moment sans expliquer la raison de son besoin – fut une idée de l’acteur auquel l’équipe de Romney fit tellement confiance qu’elle ne le fit ni soumettre un discours écrit pour validation ni répéter son intervention. Sur scène, Eastwood improvisa, ne respecta pas le temps qui lui avait été imparti – il parla plus de 11 minutes au lieu des 5 prévues – et ignora les signaux lumineux lui indiquant que le moment était venu de conclure.

Les critiques qui ont plu sur Eastwood ont été tour à tour agressives, partisanes, méprisantes, affectueuses et humoristiques. Au rang de ces dernières, rangeons la création sur Twitter d’un compte “Invisible Obama” (cf. ci-dessous) qui bénéficie déjà de plus de 60 000 abonnés et l’invention d’une nouvelle pratique, l’Eastwooding, consistant à parler à une chaise vide. La campagne d’Obama ne fut pas en reste, mettant en ligne sur Twitter un message pour indiquer que le fauteuil du Président était déjà pris (cf. ci-dessous).

Au rang des commentaires les plus acérés de la performance d’Eastwood, citons Lis Smith, l’une des porte-parole de la campagne de Barack Obama : “L’intervention de Clint Eastwood ce soir a donné une nouvelle signification au bon, la brute et le truand… mais surtout à la brute et au truand“.

Je voudrais, de manière totalement subjective, prendre la défense de Clint Eastwood en deux points :

  1. Eastwood est un artiste, pas un homme politique. Les artistes prennent des risques. La prise de risques est même ce qui définit les plus grands artistes. Un artiste qui ne prend aucun risque est réduit à la médiocrité. Le meilleur exemple qui me vient à l’esprit est celui de Zach Galifianakis que j’ai beaucoup apprécié dans “Very Bad Trip” mais qui semble aujourd’hui se complaire à jouer toujours le même rôle – dans différents personnages – comme l’illustre sa dernière prestation dans “Moi, député”. Il est capable de faire beaucoup mieux mais il prend de moins en moins de risques artistiques. Avec son improvisation, Eastwood a pris un risque gigantesque : celui de ternir son image au cours d’une intervention devant plusieurs dizaines de millions de téléspectateurs qui resterait sur son curriculum vitæ – et dans sa nécrologie – s’il manquait le coche. Certes, il aurait été plus aisé et moins risqué pour lui de lire un discours écrit par un autre, rempli de platitudes sans intérêt et de plaisanteries pas drôles, l’un de ces discours que l’on voit tant d’acteurs prononcer avec plus ou moins de conviction lorsqu’ils remettent des prix dans les cérémonies du septième art (Oscar, César, Festival de Cannes…). Mais cela n’aurait eu aucun intérêt. Au moins, Clint Eastwood a-t-il tenté de sortir des sentiers battus et, malgré son âge (82 ans), réussi une performance que je trouve personnellement drôle même si elle est critiquable sur la forme (manque de fluidité, irrespect vis-à-vis de la fonction présidentielle) et sur le fond (erreurs factuelles, arguments contradictoires avec le parcours personnel et les positions politiques de Romney…).
  2. Ce dernier point sur le contenu des discours politiques me fournit la transition vers mon second argument : comparons quelques instants l’intervention de Clint Eastwood aux autres discours de la Convention républicaine. A de rares exceptions près (Condoleezza Rice et Mia Love en particulier), les allocutions des dirigeants républicains lors de la fête de Tampa se sont caractérisés par une vide programmatique abyssal et/ou par ce qu’il convient bien d’appeler des mensonges éhontés. A cet égard, le discours de Condoleezza Rice est vraiment sorti de l’ordinaire, à la fois sur le fond – ce fut à mon humble avis le discours le plus présidentiel de toute la convention – et sur la forme – il était écrit “à l’ancienne” avec des phrases structurées et un vocabulaire élaboré. Quant à la jeune Mia Love, elle possède, outre un nom prédestiné, une passion et un talent qui augurent d’un bel avenir pour elle et pour le Parti républicain s’il sait lui faire une place de choix. Cependant, si l’on considère le seul ticket républicain pour la présidentielle, on peut classer Mitt Romney dans la catégorie des discours (presque) vides de sens politique – mais son objectif était surtout de corriger la perception des Américains à son égard en tant qu’individu et son imprécision politique est donc logique – et Paul Ryan dans celle des interventions mensongères – sa réinvention des faits a dépassé toutes les bornes, en particulier sur la réduction des déficits, la réforme de l’assurance sociale des personnes âgées, la dégradation de la note souveraine des Etats-Unis et la fermeture d’une usine automobile dans la ville où il habite. Or tous ces discoureurs sont des dirigeants politiques de premier plan et cette pratique croissante de la malhonnêteté n’est pas limitée, loin s’en faut, aux Républicains. Le supposé angélique Obama s’y adonne aussi plus souvent qu’à son tour. Les deux camps font en effet le pari que les médias sont à la fois si décrédibilisés et si radicalisés que le mensonge politique est devenue une tactique dont aucun contre-pouvoir n’a la puissance suffisante pour dénoncer la malfaisance. C’est donc à ces supposés hommes d’Etat que l’on devrait reprocher le plus vertement la faiblesse de leur prestation plutôt que de s’acharner sur un artiste qui s’est juste trompé de public : il a ravi les militants réunis dans l’arène de Tampa, oubliant que ce sont les “faiseurs d’opinion” qui, devant leurs écrans, dicteraient la postérité de son intervention.

In fine, la conséquence la plus négative de l’improvisation de Clint Eastwood en termes de communication réside dans le fait qu’elle a détourné significativement l’attention du discours le plus important de la vie de Mitt Romney prononcé moins d’une heure après la spectaculaire prestation de l’acteur.

Le prochain film de Clint Eastwood sort le 21 septembre aux Etats-Unis. Il reste à Mitt Romney à trouver un moyen de polluer son lancement. 🙂

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