24 novembre 2012 | Blog, Blog 2012, Communication | Par Christophe Lachnitt
Respect pour les intervieweurs !
En France, on sacralise les éditorialistes. Pourtant, les intervieweurs sont au moins aussi utiles.
Dans ses mémoires d’animateur de débats présidentiels (“Tension City: Inside the Presidential Debates”, lire ma critique ici), le grand journaliste américain Jim Lehrer fait référence à un dessin de William Haefeli paru le 10 août 2009 dans The New Yorker.
Ce dessin – que je ne veux pas publier sur mon blog par respect des droits de propriété intellectuelle mais que pouvez voir ici – montre un témoin déclarer devant une commission d’enquête du Congrès américain : “Je suis prêt à répondre à votre question dès que vous arrêterez de la poser“. Haefeli se moque des sénateurs qui, au cours du processus de confirmation de sa nomination à la Cour suprême, venaient d’interroger Sonia Sotomayor en prononçant de longs exposés plutôt qu’en lui posant des questions. Sotomayor devint malgré tout le premier membre de la Cour suprême d’origine hispanique.

Jim Lehrer – (CC) wfuv
Cette propension des sénateurs américains à faire de longs discours lorsqu’ils devraient poser des questions se retrouve aussi chez nombre d’intervieweurs, aux Etats-Unis comme en France.
De plus en plus, l’intervieweur se prend pour un éditorialiste. Il se passionne moins pour l’opinion de son interlocuteur que pour la sienne. Or, si l’éditorialiste nous intéresse pour sa capacité à déchiffrer la vérité de l’actualité, l’intervieweur nous est utile pour sa capacité à accoucher les acteurs de l’actualité de leur vérité.
C’est pourquoi j’ai personnellement un immense respect pour les grands intervieweurs. Un journaliste, pour exceller dans l’interview, doit en effet conjuguer plusieurs qualités rarement associées : une parfaite maîtrise des sujets relatifs à la personne qu’il interroge (maîtrise beaucoup plus précise que celle nécessaire à n’importe quel éditorialiste), un art consommé de la psychologie pour comprendre les ressorts émotionnels de son interlocuteur et une grande agilité intellectuelle pour réagir rapidement à ses affirmations.
Or les vrais intervieweurs se font de plus en plus rares car ils semblent souffrir d’un complexe vis-à-vis des éditorialistes. Ils ont ce besoin irrépressible d’éditorialiser l’actualité plutôt que de l’investiguer. Ce faisant, ils croient monter dans la chaîne de valeur journalistique alors qu’ils renoncent en fait à leur réelle valeur ajoutée.
Ainsi donc, pour que nous puissions continuer à respecter les intervieweurs, faut-il qu’ils commencent par se respecter davantage eux-mêmes.
Et justement, que pensez-vous de Christophe Barbier, sur I – Télé, le matin à 8h10?
Désolé, je ne l’ai pas vu mais le principal métier de Christophe Barbier est éditorialiste…
Xophe
Il est éditorialiste, mais il fait aussi des interviews, chaque matin à 8h10!
Ce que je voulais dire est que son style d’intervieweur est peut-être influencé par son expérience d’éditorialiste…
Xophe