19 novembre 2015 | Blog, Blog 2015, Management | Par Christophe Lachnitt
Nous avons tendance à nous surestimer
René Descartes avait raison.
Dans son Discours de la méthode, il écrivit en effet que :
“Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont“.
Même si telle n’est pas l’induction du philosophe, on peut en déduire que nous sommes enclins à nous satisfaire de notre niveau d’intelligence et, partant, à surestimer celui-ci.
Une passionnante recherche menée par une équipe de psychologues de l’Université de Cornell (New York) confirme cette hypothèse. Ce travail, que je viens de découvrir au hasard de mes lectures, a été publié en 1999 mais fait toujours référence.
Cette recherche fut fondée sur plusieurs expérimentations au cours desquelles des volontaires furent soumis à des exercices pour tester leur humour, leur raisonnement logique et leur maîtrise de la grammaire anglaise. A chaque fois, il leur fut demandé d’évaluer leur compétence dans le domaine concerné et leur performance lors de l’examen.
Les principales conclusions de cette recherche se présentent comme suit :
- en moyenne, les participants surestimèrent leur niveau de performance dans l’absolu et relativement à celui de leurs pairs ;
- plus les participants obtinrent des résultats médiocres dans les tests qu’ils passèrent, plus ils surestimèrent leur niveau de compétence (voir le graphe reproduit ci-dessous) ;
- les participants les moins compétents furent également les moins capables de reconnaître la valeur de leurs pairs ;
- même lorsqu’ils furent exposés aux meilleurs résultats de leurs pairs, ces participants ne remirent pas en cause leur propre niveau de compétence ;
- à l’inverse, les participants les plus compétents sous-estimèrent leur niveau relatif de savoir (mais pas leur niveau absolu) car ils assumèrent que leurs pairs étaient aussi qualifiés qu’eux ;
- ils corrigèrent leur opinion et l’évaluation de leur performance lorsqu’ils virent les résultats de leurs pairs ;
- ainsi l’erreur d’appréciation des participants incompétents a-t-elle trait à leur estime de soi alors que celle des participants compétents concerne leur perception d’autrui ;
- la capacité d’appréciation – de leur niveau et de celui de leurs pairs – des participants les moins compétents augmente significativement une fois que leur qualification dans le domaine concerné par un examen a été développée, ce qui confirme que l’on est d’autant plus conscient de ses limites que l’on accroît son érudition sur un sujet donné. La compétence aide à reconnaître sa propre incompétence ;
- l’incapacité des individus les moins compétents à admettre leur faiblesse peut s’expliquer par deux phénomènes principaux : la rareté des feedbacks négatifs que nous recevons et la difficulté à discerner les causes réelles des échecs que nous subissons, laquelle s’explique par le fait que la multiplicité des causes potentielles d’un revers nous permet d’y attribuer d’autres raisons que notre propre insuffisance.
Les conclusions de cette recherche ne peuvent que me conforter dans ma philosophie de la vie selon laquelle l’existence est un apprentissage sans fin et, partant, une remise en question sans limite.