15 avril 2020 | Blog, Blog 2020, Communication | Par Christophe Lachnitt
Les nouvelles technologies au service du travail de mémoire de la Shoah
Un peu d’espoir en cette période de crise ne fait pas de mal.
Je voudrais vous entretenir aujourd’hui d’une formidable initiative de la Fondation de la Shoah de l’Université de Californie du Sud1 pour que les derniers survivants de l’Holocauste puissent transmettre leur expérience, au-delà de leur décès, aux futures générations. Les nouvelles technologies sont mises à profit pour que cette transmission soit réalisée dans le cadre de conversations informelles comme si les disparus étaient encore vivants.
Les victimes du Troisième Reich qui participent à ce projet sont interviewées durant une semaine par les équipes de la Fondation et répondent à des milliers de questions sur leur vie avant, pendant et après la Seconde guerre mondiale. Les entretiens sont réalisés avec une vingtaine de caméras afin de produire un effet proche de celui d’un hologramme lors de leur projection.
Après leur semaine d’interview, leurs propos sont enregistrés dans une base de données où ils sont associés manuellement à toutes les formulations de question auxquelles ils pourraient répondre. C’est cette base de données qui permettra à des solutions d’intelligence artificielle d’utiliser les dizaines d’heures d’enregistrement vidéo pour générer des échanges conversationnels avec des personnes qui veulent découvrir ce qu’a représenté cette période de l’Histoire. Ces personnes peuvent ainsi questionner les victimes de l’Holocauste le plus naturellement du monde et l’intelligence artificielle retrouve instantanément dans les enregistrements les éléments de réponse à leurs interrogations.
Avant d’être mise à la disposition du public, chaque interview est testée dans des écoles pour s’assurer qu’elle contient toutes les réponses à toutes les questions imaginables. La base de données est ensuite enrichie de nouvelles associations entre les réponses de l’interview et les nouvelles questions identifiées.
Alors que ce projet rencontra à l’origine une certaine résistance de critiques qui craignaient qu’il ne transformât le travail de mémoire de la Shoah en attraction Disney, un grand nombre de survivants furent d’emblée conquis et se mobilisèrent pour enregistrer leurs interviews avant de disparaître. Trois de ceux qui ont participé à ce programme sont d’ailleurs décédés peu après.
Les conversations proposées par la Fondation de la Shoah peuvent se dérouler dans des musées, des écoles ou des événements dédiés (voir la vidéo ci-dessous). Le réalisme et la charge émotionnelle de ces rencontres virtuelles leur confèrent une puissance exceptionnelle pour effectuer un travail de mémoire exemplaire. Celui-ci est plus nécessaire que jamais alors que les réécritures historiques trouvent un écho potentiel sans précédent sur les plates-formes numériques.
Au final, la beauté de ce programme est qu’il met à profit notre humanité, à travers notre nature sociale, pour favoriser une réflexion sur l’expérience la plus déshumanisante de l’Histoire.
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1 Créée par Steven Spielberg après qu’il eut réalisé “La liste de Schindler”.