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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Faire un exemple, c’est s’exempter

Illustration avec le PSG.

Le club a décidé de faire un exemple en sanctionnant durement Leo Messi (deux semaines de suspension de matches et d’entraînements) afin d’incarner sa supposée résolution à faire régner la discipline en son sein.

L’Argentin est coupable d’avoir séché un entraînement pour accomplir un voyage-éclair de promotion en Arabie saoudite, dont il est ambassadeur du tourisme. Il avait annulé ce déplacement à deux reprises pour respecter le calendrier d’entraînement de l’équipe mais n’a pas pu se dédire une troisième fois. Les joueurs du PSG bénéficient d’un jour de congé lorsqu’ils gagnent un match mais cette faveur est annulée en cas de défaite, ce qui rend l’organisation de ce genre d’opérations publicitaires quelque peu hasardeuse. En l’espèce, Leo Messi avait certainement tablé sur une victoire des siens contre Lorient.

On conviendra que le crime commis par l’ancien Barcelonais n’est pas des plus graves, surtout si on le compare aux autres dérapages de leurs joueurs que les dirigeants qataris ont accepté ces dernières années et même ces dernières semaines :

  • Serge Aurié traita publiquement son entraîneur de “fiotte”, fut mis à pied seulement six jours et bénéficia du soutien de Nasser Al-Khelaifi, le Président du PSG, qui alla l’encourager lorsqu’il reprit en équipe réserve, ce qui sapa à jamais l’autorité de Laurent Blanc.
  • Plusieurs joueurs sud-américains, au premier rang desquels Edinson Cavani, Ezequiel Lavezzi et Javier Pastore, rentrèrent à diverses reprises en retard de vacances, manquant des séances d’entraînement et ne subirent pas les mêmes sanctions que Leo Messi.
  • Les horaires desdites séances furent décalés durant une longue période à la demande de Neymar afin qu’il ne soit pas obligé de se lever trop tôt après ses soirées festives.
  • Le même Neymar et Marco Verratti arrivèrent plusieurs fois à l’entraînement éméchés et/ou sentant fortement le tabac, épisodes qui symbolisent leur hygiène de vie et, partant, leur conscience professionnelle depuis qu’ils ont rejoint le club parisien.
  • Mauro Icardi quitta le club pendant une semaine (manquant plusieurs entraînements et un match de Ligue des Champions) pour mettre de l’ordre dans sa vie privée entre sa maîtresse et son épouse. Il ne fut pas sanctionné.
  • Lorsque Kylian Mbappé manqua la causerie de Thomas Tuchel avant un match OM-PSG, fut juste mis sur le banc au début du match et rentra en cours de rencontre.
  • Il y a quelques semaines encore, le même Mbappé se permit de vertement critiquer publiquement une vidéo officielle du PSG qui ne lui avait pas plu : la direction du club s’excusa et la retira de la circulation.

Cette liste est remarquablement pudique eu égard aux innombrables autres dérapages que le club a toléré de ses joueurs depuis la prise de pouvoir du Qatar. Dès lors, entendre ses dirigeants parler de discipline revient à écouter des Amish vanter les mérites de Las Vegas.

En réalité, lorsqu’un dirigeant ou un organe judiciaire fait un exemple, c’est qu’il veut s’exempter de ses responsabilités passées dans la définition ou l’application de ses propres règles. Faire un exemple, c’est ajouter une injustice aux injustices passées qu’il s’agit de compenser ou camoufler : ceux qui s’y livrent attrapent des coupables plus ou moins pertinents pour se rattraper. Souvent, ces coupables sont moins condamnables et puissants que ceux à l’égard desquels il a été fait preuve d’une clémence injustifiable.

Nasser Al-Khelaifi et Leo Messi lors de la signature de l’Argentin au PSG – (CC) AFP

En l’occurrence, le PSG s’est attaqué à Leo Messi parce que le plus grand joueur de tous les temps est aujourd’hui affaibli par la haine que les supporters de l’équipe lui vouent, probablement pas personnellement mais parce qu’il incarne la politique sportive du club faite d’empilement de stars sans la moindre stratégie de construction collective. Le génie le plus absolu de l’histoire du jeu est donc réduit au rang de bouc-émissaire.

Nasser Al-Khelaifi a fait venir Leo Messi pour son potentiel en matière de marketing et non pour faire la différence sur le terrain : au contraire des dirigeants du football argentin, il n’a pas bâti une équipe autour de lui pour le mettre dans les meilleures conditions de valoriser son prodigieux talent. Or Messi a permis au PSG de largement rentabiliser son investissement, ce qui est rare, voire unique, pour les stars recrutées par ce club : sur la saison 2021-2022 (les données de l’exercice en cours ne sont pas encore connues), les gains de sponsoring du club ont augmenté de 13%, il a vendu un million de maillots supplémentaires (dont 60% avec le flocage Messi) et il a engrangé des revenus record de billetterie.

Quant aux performances du virtuose sur le terrain, elles sont comparables à ce qu’elles étaient le plus récemment à Barcelone : durant la saison en cours, il a été décisif, à travers les buts qu’il a inscrits et les passes qu’il a délivrées, toutes les 84 minutes contre toutes les 81 minutes lors de sa dernière saison en Catalogne. Certes, il n’a pas empêché l’élimination du PSG contre le Bayern Munich en Ligue des Champions mais Kylian Mbappé non plus.

En définitive, il est plus que probable que le PSG ait maltraité ainsi l’emblème suprême de ce sport, un joueur qui a toujours refusé l’arrogance, n’a jamais posé le moindre problème et est unanimement respecté, y compris par ceux qu’il défait (au contraire de Kylian Mbappé et Neymar par exemple), parce qu’il avait décidé de ne pas prolonger son bail parisien. Dès lors, il fallait que le club et son propriétaire qatari eussent le dernier mot. Au lieu de lui infliger en coulisses la sanction proportionnée qu’il méritait, Nasser Al-Khelaifi et ses spadassins lui assénèrent un procès mondial conclu par un châtiment excessif. Jamais le PSG n’aurait traité ainsi Messi s’il avait manifesté son désir de prolonger son séjour à Paris, de même qu’il ne se comportera pas de la sorte avec Kylian Mbappé. En fait, la mesquinerie des dirigeants du PSG n’a d’égale que la bassesse de ses supporters qui sifflent Messi et insultent sa famille dans leurs chants depuis l’an dernier. Ceux-là, jamais avares d’occasions de se ridiculiser, décidèrent finalement d’annuler la sanction prise contre Leo Messi quatre jours après l’avoir annoncée. On peut pourtant douter que ceux-ci fassent montre de beaucoup d’amour à son endroit.

En quelques années, les brillants cerveaux du PSG auront donc réussi à dégoûter successivement l’un des tout meilleurs entraîneurs1 et le meilleur joueur de l’Histoire.

Ce n’est pas en faisant des exemples qu’on peut prétendre à faire figure d’exemple.

1 Carlo Ancelotti est l’entraîneur le plus titré en Ligue des Champions avec quatre trophées. Il est aussi le seul coach à avoir remporté les cinq grands championnats européens. Ecoeuré par la manière dont il était traité par les patrons du PSG, il les quitta en 2013 pour aller gagner une nouvelle Ligue des Champions avec le Real Madrid.

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