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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Ce que la stratégie de Publicis en matière d’intelligence artificielle signale pour les Directeurs de la Communication et/ou du Marketing

Il y a quelques jours, Publicis a présenté une nouvelle phase de sa stratégie autour de sa plate-forme CoreAI.

Je vous recommande à ce sujet le visionnage de la vidéo reproduite ci-dessous qui inclut notamment cinq démonstrations de cas d’usage très impressionnantes et illustratives des atouts de cette technologie pour les communicants et marketeurs.

L’approche de Publicis me semble plus avant-gardiste que celles récemment mises en oeuvre par J.P.Morgan et Morgan Stanley, deux autres entreprises de premier plan de l’économie de l’immatériel. La première a développé une solution, dénommée DocGraphLM, d’analyse et d’extraction d’informations intégrées dans des documents à partir de leurs contenus bien sûr mais aussi, et c’est l’originalité de ce système, de leur structure visuelle. Dans certains cas, les performances de DocGraphLM sont 15% meilleures, grâce à cette double capacité linguistique et visuelle, que celles de ChatGPT. Quant à Morgan Stanley, elle a conçu en partenariat avec OpenAI un robot conversationnel (chatbot) propriétaire fondé sur ChatGPT pour débloquer ses informations internes contenues dans des centaines de milliers de pages, hébergées sur de nombreux sites internes, principalement sous forme de fichiers PDF, ce qui les rendait très difficilement exploitables. Ledit chatbot va rendre ces informations utilisables grâce à sa triple capacité d’accès, de traitement et de synthèse des contenus.

Ces trois exemples – J.P.Morgan, MorganStanley et Publicis – relèvent partiellement de la triple valeur ajoutée, que je résume en 3 “P”, que l’intelligence artificielle générative confère aux entreprises en améliorant leur :

  • Productivité : efficacité des opérations, sobriété des moyens et, pour les activités dangereuses, sécurité des équipes (SST).
  • Personnalisation : conquête et service des clients, formation des équipes.
  • Prescription : brainstorming, test & learn et aide prédictive à la prise de décision.

Mais, des trois, c’est Publicis qui est la plus en avance car sa plate-forme CoreAI va le plus profond dans les activités opérationnelles du Groupe. Il faut dire que celui-ci est parfaitement positionné pour répondre avec succès aux défis posés par l’intelligence artificielle générative parce que, comme Arthur Sadoun le rappelle dans cette vidéo, il s’est intéressé à l’intelligence artificielle (discriminative à l’époque) bien avant l’irruption de ChatGPT sur la scène mondiale. En cela, il a tenu compte du célèbre avertissement de Jack Welch que j’aime à rappeler : “Si le rythme de changement à l’extérieur [d’une entreprise] dépasse le rythme de changement à l’intérieur, la fin est proche“.

Mon seul regret à l’égard de la présentation d’Arthur Sadoun tient à la trop faible place accordée aux talents de Publicis, alors que leur capacité à utiliser CoreAI sera déterminante pour le succès du Groupe et que, partant, leurs formation et recrutement représentent 50% de l’investissement de celui-ci dans ce programme en 2024, à parité avec sa mise de fonds technologique : les démonstrations ont occulté la valeur ajoutée des équipes une fois qu’elles ont bénéficié des contenus et informations prodiguées par CoreAI et le Chief Talent Officer du Groupe aurait dû figurer parmi les dirigeants qui ont accompagné Arthur Sadoun devant les caméras.

Certes, les fonctions Communication et Marketing des annonceurs ne disposent pas comme Publicis des centaines de milliers d’attributs décrivant 2,3 milliards de profils à travers le monde ni des trillions de données analysant la performance commerciale d’une foultitude de campagnes qui alimentent CoreAI. Mais cela ne leur interdit pas de tirer des leçons de la stratégie du Groupe et de se demander lesquels de ses aspects elles peuvent appliquer en leur sein.

A cet égard, je voudrais mettre deux éléments en exergue, l’un qui rebondit sur la présentation d’Arthur Sadoun et l’autre qui la prolonge avec un pari sur l’avenir. Dans les deux cas, comme le montre l’exemple de Publicis, les enjeux de formation vont être considérables.

Le premier concerne les données, la condition sine qua non de la valorisation de l’intelligence artificielle générative au-delà de l’accélération de la production de contenus à grande échelle. Sans données, cette productivité accrue est vaine car elle ne sert pas d’objectif précis, c’est-à-dire qu’elle ne permet pas de toucher un public identifié avec, lorsque c’est possible médiatiquement, un contenu personnalisé. De fait, selon Accenture, 80% du succès des intelligences artificielles est attribuable à la qualité et la quantité de leurs données de formation. La qualité des ensembles de données accessibles procède notamment de l’absence d’erreurs mais aussi de biais en leur sein, ainsi que de leur cohérence. Leur quantité favorise notamment leur diversité.

Ce sont les données à sa disposition, couplées aux capacités créatives de l’intelligence artificielle générative, qui ont permis à Publicis de diffuser 100 000 vidéos de voeux personnalisées à ses collaborateurs. De même, sans données sur les modèles achetés par ses clients, ainsi que le lieu et la date de chacun de ces achats, la marque américaine de vente de voitures d’occasion Carvana n’aurait-elle pas pu produire 1,3 million de vidéos personnalisées en quatre heures pour célébrer avec eux ses dix ans. Sans données, la créativité de l’intelligence artificielle générative reste largement théorique.

C’est pourquoi j’écrivais dans l’article que je consacrais en début d’année aux répercussions stratégiques des intelligences artificielles génératives sur nos métiers :

En matière de production, leur portée révolutionnaire tient au fait que l’augmentation de la productivité créative qu’elles engendrent va permettre aux marques non seulement d’optimiser leurs activités opérationnelles, comme dans le cas de tout gain d’efficacité, mais aussi de déployer de nouvelles stratégies qui ne leur étaient pas accessibles jusqu’à présent. La différence de degré d’ordre productif crée donc pour la communication une différence de nature sur le plan stratégique“.

Ces facteurs de succès doivent naturellement être assurés sur la durée, ce qui nécessite une vérification, un nettoyage et une mise à jour réguliers des donnés de formation et de fonctionnement des intelligences artificielles génératives. Selon Infosys, 60% des organisations pâtissent, après trois ans, d’une dégradation de leurs données de 25% ou plus.

Or la culture d’une organisation se reflète dans sa structure de données, ce qui influence la constitution de son intelligence artificielle propriétaire : une entreprise fragmentée aura une IA fragmentée et donc sous-performante. C’est pourquoi la gestion unifiée des données (Unified Data Management) doit devenir un enjeu de première importance au sein de chaque Direction de la Communication et/ou du Marketing, de même qu’entre celle-ci et ses business partners.

Arthur Sadoun lors de la présentation de cette stratégie – (CC) Publicis

La seconde réflexion que m’inspire la présentation de Publicis résulte de sa volonté affirmée de permettre à tous ses salariés de “devenir experts des données et de coder comme des ingénieurs“. Il me semble, si j’en crois les démonstrations présentées lors de l’annonce afférente, que cette double compétence proviendra des capacités offertes par CoreAI et non des nouveaux savoir-faire acquis par les collaborateurs du Groupe.

Cependant, cette ambition pose la question des pratiques en matière de code zéro, faible code et codage assisté par l’intelligence artificielle qui permettent de démocratiser la programmation informatique : les plates-formes de développement code zéro (no-code) et faible code (low-code) sont des outils de développement de logiciel qui permettent à leurs utilisateurs de créer des applications web ou mobiles dans le cadre d’une interface utilisateur visuelle et intuitive en faisant glisser et en déposant des composants d’application configurables qui représentent des capacités particulières et en les connectant entre eux. Cela permet auxdits utilisateurs de créer rapidement des applications, comme s’ils dessinaient un organigramme. Les plates-formes faible code minimisent l’écriture de code et celles code zéro l’éliminent complètement. Quant au codage assisté par l’intelligence artificielle, il consiste pour un développeur à coder en s’aidant d’une intelligence artificielle qui peut par exemple traduire des codes en différents langages de programmation, convertir des commentaires de code en code exécutable et auto-compléter des morceaux de code ou des sections de code répétitives.

Le recours au code zéro, au faible code ou au codage assisté par l’intelligence artificielle ne relève pas de la science fiction, loin s’en faut. Le rapport “2024 Work Automation & AI Index” de Workato, l’un des leaders de l’automatisation des processus et flux de travail qui propose une plate-forme LCNC (low-code/no-code), est éclairant à cet égard. A partir de l’analyse de 82 000 automatisations réalisées sur sa plate-forme, Workato a pu identifier qui automatise quoi. Il en ressort que l’automatisation de leurs flux de travail est largement assurée par les fonctions concernées : 44% des automatisations examinées par Workato l’ont été sans intervention directe de la Direction des Systèmes d’Information (qui joue plutôt un rôle de coach), et ce qu’elles concernent des processus simples ou complexes. Les équipes marketing occupent une place non négligeable dans ce cadre. Et les données de Workato indiquent que les flux de travail ainsi automatisés sont viables sur la durée.

C’est certes une vue d’anticipation mais il n’y a aucune raison que ce phénomène ne continue pas de se développer au sein des équipes marketing et fasse tôt ou tard également progresser les fonctions Communication. Mieux vaudrait donc qu’elles s’y préparent.

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