La confiance, relation d’abord implicite ou explicite ?

Se fier seulement à l’un de ces deux liens est trompeur.

Les personnes entre lesquelles existent une puissante relation de confiance se comprennent si bien qu’elles peuvent terminer leurs phrases respectives et n’ont pas besoin de se parler pour savoir ce qu’elles pensent d’un sujet ou un événement. L’implicite est leur domaine d’expression et le lien entre elles surtout invisible.

Cette relation correspond à la définition que le sociologue Pierre Rosenvallon donne de la confiance : pouvoir faire une hypothèse sur le comportement futur de quelqu’un. Elle est gage de fluidité et rapidité dans la collaboration de travail.

Mais, à mon sens, ce lien implicite ne suffit pas pour cultiver une vraie relation de confiance. Celle-ci doit aussi reposer sur l’explicite, c’est-à-dire la faculté, pour les personnes qui se font confiance, de tout se dire. Dans une relation de confiance, l’implicite concerne les choses que l’on n’a pas besoin d’entendre et l’explicite celles que l’on n’a pas envie d’entendre.

On dit souvent, comme pour l’amour, qu’il n’y a pas de confiance, seulement des preuves de confiance. La plus grande est certainement la capacité d’entendre d’autrui ce qu’il doit nous dire, quels qu’en soient la raison et le contexte. Plus difficile est la situation, plus grande doit être la confiance pour qu’une personne puisse dire et l’autre entendre : la crise est le meilleur test de la confiance explicite.

C’est la raison pour laquelle une confiance ne peut être acquise à jamais : elle peut être percutée par un épisode qui la fait vaciller. Dans ce cas, c’est toujours la confiance explicite qui chancelle en premier. Dès lors, de même que la réputation d’une marque monte par l’escalier et descend par l’ascenseur, “la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres“, comme l’avait noté Jean-Paul Sartre.

Ainsi les dirigeants auxquels plusieurs de leurs subordonnés mentent sont-ils les premiers responsables de cet état de fait. Un menteur peut être peureux ou manipulateur. Plusieurs révèlent l’incapacité du leader à prêter une oreille réceptive à ses collaborateurs. Un mensonge reçu peut être une excuse dans le premier cas, certainement pas dans le second : le manager est responsable de la culture qu’il développe au sein de son organisation.

Au fond, la confiance procède de la cohérence du comportement des personnes concernées par cette relation, respectivement dans leur expression et leur écoute : pour être digne de confiance, il faut commencer par faire confiance. Faire confiance, c’est prendre le risque de parler sans être sûr que son interlocuteur sera capable d’accueillir sereinement ce qu’on a à lui dire. Réciproquement, faire confiance, c’est donner la certitude à son interlocuteur qu’il peut tout nous dire.

J’ai eu la chance, au cours de mon parcours corporate, d’avoir une vraie relation de confiance – implicite et explicite – avec deux PDG aux côtés desquels j’ai travaillé. C’est loin d’être indifférent en termes de performance : les salariés qui déclarent faire entièrement confiance à leur manager ont 14 fois plus de chances d’être pleinement engagés dans leur emploi et ceux qui font entièrement confiance à leurs dirigeants, leur manager et leurs collègues 42 fois plus de chances d’être très résilients.