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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

L’intelligence artificielle générative est-elle la plus puissante arme à fragmentation culturelle de tous les temps ?

Les capacités infinies de cette technologie en matière de personnalisation et de clonage représentent une menace pour la cohésion sociale.

Je cite régulièrement dans mes interventions sur l’intelligence artificielle générative l’exemple de Carvana, une marque américaine de vente de voitures d’occasion qui, l’an dernier, conçut et réalisa en quatre heures 1,3 million de vidéos ultra-personnalisées pour célébrer ses dix ans avec chacun de ses clients. Par “ultra-personnalisées”, j’entends que chaque vidéo proposait une histoire individualisée pour chaque destinataire et non un récit commun avec seulement le nom du client sur un synthé au début ou à la fin du court métrage.

A cette faculté de personnalisation des intelligences artificielles génératives s’ajoute leur aptitude à cloner l’apparence, les expressions et la voix de tous les personnages qui leur sont fournis dans leurs données de formation. Pour ne prendre que les deux exemples artistiques les plus récents, considérons d’abord “Fortnight”, l’une des chansons du prochain album de Taylor Swift (“The Tortured Poets Department”) qui doit sortir la semaine prochaine. Ce duo avec Post Malone a été diffusé sur TikTok le mois dernier, faisant penser à beaucoup d’internautes que Taylor Swift avait de nouveau imaginé l’un des coups marketing dont elle a le secret. Il s’agissait en fait d’une version générée par une intelligence artificielle. Quant à l’autre immense star de la musique américaine, Beyoncé, elle a vu son dernier tube, “Texas Hold ‘Em”, être excellemment repris par une IA générative clonant la légende de la musique country Hank Williams Jr. décédée il y a plus de 70 ans.

Illustration créée avec DALL-E 3. Prompt : “3D pixar cartoon that vividly illustrates an expansive, densely packed crowd of diverse people, each engrossed in their own world of media consumption. Every individual should be distinctively engaged either in watching a personal, portable TV or in listening to music through headphones. The TVs vary in design, showcasing different shows, colors, and sizes, while the headphones range from small earbuds to large, over-ear types, hinting at the variety of music being listened to. The setting is outdoors, under a clear sky, with the crowd stretching out to the horizon, emphasizing the vast number of participants. The facial expressions should reflect a range of emotions from joy, intrigue, to intense focus, highlighting the personal connection with the media being consumed. Include a variety of ages, ethnicities, and styles to show a wide representation of people, all unified by their engagement with technology, yet isolated in their personal experiences. Vivid purple. Wide format”.

Ainsi, chacun va prochainement pouvoir créer instantanément sa propre version des plus célèbres blockbusters en y incarnant le rôle principal et en confiant à ses meilleurs amis les rôles secondaires, changer le final de “Game of Thrones” à sa guise, composer et produire les chansons des Beatles qu’il rêve que les Fab Four aient pu interpréter avant leur séparation ou écrire le roman qu’il a en tête. Mieux, ce sera un jeu d’enfant quasiment gratuit.

Le risque porté par cette évolution technologique est la fragmentation de nos Sociétés. Si chacun consomme les contenus qu’il a créés, nous aurons moins de temps à consacrer aux oeuvres de toute nature qui contribuent à construire du commun en alimentant nos discussions et constituant des références collectives. A cet égard, beaucoup décrièrent la pratique du “binge watching” (permise par la mise à disposition de tous les épisodes de la saison d’une série au même moment) popularisée par Netflix qui nous priva du visionnage partagé et commenté – dans la vie réelle ou sur les réseaux sociaux – d’un moment de télévision emblématique. Ce qui nous attend est sans commune mesure avec ce phénomène.

Au-delà des artistes, les marques jouent également un rôle dans la formation de cette culture populaire. D’ailleurs, le terme “communication” (“communicare” en latin) signifie étymologiquement “mettre en commun”. Les communicants doivent donc prendre leur part dans la mitigation de ce risque sociétal. Il s’agit pour eux de ne pas se laisser totalement absorber par la personnalisation sans limites de leurs activités et, avec elle, le retour sur investissement sans précédent que leur offrent les intelligences artificielles génératives et de continuer de proposer à leurs parties prenantes des créations susceptibles de rassembler leur attention.

En effet, de même qu’on ne peut pas avoir de débat civique si l’on ne s’accorde pas sur les faits, est-il difficile de faire Société si l’on ne partage pas un minimum de codes culturels communs.

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