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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Hillary Clinton : candidate malgré elle

J’ai expliqué hier pourquoi, à mon sens, la vision sociétale d’Hillary Clinton fait fi des êtres humains. Je vais analyser aujourd’hui le triple impact de cette approche sur sa politique, son comportement et sa communication au détriment de son image.

Mes incursions dans la politique internationale procèdent de ma passion pour ces sujets qui, pour reprendre une formule célèbre, ne me sont pas totalement étrangers, ayant conseillé il y a quelques décennies un futur Président de la République française pendant plusieurs années à leur propos. Loin de constituer un argument d’autorité, cette expérience motive simplement les digressions sur la géopolitique que je me permets dans ce blog, bien qu’il ne lui soit pas consacré.Christophe Lachnitt

Son offre politique, bâtie à coups de sondages et de groupes cible, cherche à contenter toutes les catégories des électorats démocrate et indépendant. Elle manque d’une vision et d’une thématique globales. De ce fait, Hillary Clinton ne suscite pas (encore) l’adhésion au-delà du noyau de ses partisans par manque de projection et de passion aspirationnelles. Probablement guidée par la vision bureaucratique que je décryptais hier, elle ne semble pas s’en inquiéter.

Son comportement est marqué par son obsession du contrôle – le propre de la bureaucratie est de vouloir dominer les soubresauts de la Société. Cette préoccupation l’a toujours animée et l’a conduite ces dernières années à utiliser un compte email privé hébergé sur un serveur privé pour effectuer toute sa correspondance électronique en tant que Secrétaire d’Etat.

Enfin, sa communication, comme je l’ai déjà relevé, est celle d’une future reine attendant d’être couronnée ou, pour employer un langage plus républicain, d’être nommée à l’ancienneté au sommet de la bureaucratie. Ainsi ne s’est-elle par exemple soumise qu’à la question de deux journalistes nationaux (Brianna Keilar de CNN et Maria Elena Salinas d’Univision) en quatre mois de campagne alors même qu’elle s’était engagée, il y a six semaines, à accorder davantage d’interviews.

De même qu’elle veut contrôler l’accès à ses emails officiels, veut-elle totalement maîtriser ses interventions médiatiques, ce qui se traduit par un manque de pratique des discussions ouvertes avec les journalistes. Celui-ci lui est fort préjudiciable lorsqu’elle finit par faire face aux médias, comme l’a montré son récent échange avec Ed Henry de Fox News (voir la vidéo ci-dessous) : le journaliste de la chaîne conservatrice s’est pourtant contenté cette fois de poser les questions qui brûlent les lèvres de ses confrères. Ce dialogue, passé en boucle sur toutes les chaînes d’information américaines, a été de nouveau très nuisible à l’image d’Hillary Clinton.

Il rappelle une autre gaffe majeure commise par l’ancienne Première dame lorsqu’elle avait expliqué en juin 2014, en réponse à une question sur les sommes perçues pour ses discours, que Bill et elle étaient “ruinés” lorsqu’ils avaient quitté la Maison-Blanche. C’était une affirmation si contradictoire, en termes de perception, avec les 140 millions de dollars gagnés par le couple dans les huit dernières années et la situation des classes réellement défavorisées dont Hillary Clinton se veut le héraut qu’elle avait provoqué la colère de ces dernières.

Le résultat de la conduite (dans les deux sens du terme) d’Hillary Clinton est qu’elle paraît aujourd’hui inauthentique à une majorité d’Américains qui la jugent également indigne de leur confiance.

Désormais, même son talent politique commence à être remis en cause. Il faut dire qu’elle souffre de la comparaison avec le dernier Président démocrate, Barack Obama, et plus encore avec son époux, Bill Clinton. Elle n’a ni le génie politique ni la capacité de connexion empathique ni la sympathie naturelle ni le talent oratoire de celui qui parvint à quitter la Maison-Blanche avec le plus haut taux d’approbation de tous les Présidents américains depuis la Seconde guerre mondiale malgré l’affaire Lewinsky et la tentative de destitution fomentée par les Républicains.

En outre, elle ne peut se prévaloir ni de succès électoraux importants (elle a remporté deux élections au Sénat dans l’Etat de New York en battant des candidats obscurs*) ni d’accomplissements politiques majeurs.

Enfin, l’affaire des emails met une nouvelle fois en lumière que son rapport à la vérité est équivoque, pour employer un terme mesuré, comme nous l’avaient déjà appris depuis vingt ans les dossiers relatifs à Whitewater, au suicide de Vince Foster à la Maison-Blanche, au management de l’agence de voyages de la Présidence, à sa plus-value miraculeuse dans le commerce de bétail par contrats à terme, aux tirs de snipers prétendument essuyés en Bosnie, à l’attaque du consulat américain de Benghazi et au conflit d’intérêt entre son activité de Secrétaire d’Etat et les contributions internationales reçues par la Fondation Clinton. Carl Bernstein, l’un des deux journalistes à l’origine du Watergate et son biographe pourtant indulgent, évoquait d’ailleurs récemment “la difficile relation de Madame Clinton avec la vérité.

Ainsi, dans l’affaire des emails, fonde-t-elle sa défense sur sa rhétorique favorite de l’existence d’une conspiration républicaine à son égard alors même qu’elle est sous les feux d’une enquête menée par le FBI, lequel dépend du Ministère de la Justice de l’Administration Obama.

Aujourd’hui, sous réserve d’une éventuelle candidature du Vice-Président Joe Biden, Hillary Clinton est toujours favorite de la primaire démocrate. De surcroît, plus l’aventure Trump continue aux dépens de l’attractivité du Parti républicain auprès des minorités ethniques et des femmes, plus ses chances d’accéder à la Maison-Blanche augmentent.

Mais son niveau d’approbation dans l’opinion américaine, qui était à son sommet lorsqu’elle occupait la fonction relativement apolitique de Secrétaire d’Etat, n’a cessé de décliner depuis son entrée en campagne**. Sa vision politique clientéliste, son comportement clanique et sa communication cadenassée n’inspirent pas ses concitoyens.

Cependant, s’il est une chose que le parcours d’Hillary Clinton nous a apprise, c’est qu’elle est à son meilleur lorsqu’elle est le plus en difficulté. Il serait donc largement prématuré de la considérer hors-jeu même si elle donne aujourd’hui davantage l’impression d’être candidate malgré elle que de valoriser ses atouts.

* Rick Lazio et John Spencer.

** Son taux de désapprobation se situe à plus de 50% (sondage CNN/ORC), soit plus du double de ce qu’il était en 2011.

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