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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

La stratégie de communication d’Hillary Clinton est absurde

On ne réalise pas, en France, combien l’image de l’ancienne Secrétaire d’Etat est dégradée outre-Atlantique.

Lorsqu’elle lança sa campagne présidentielle, elle pâtissait d’une triple faiblesse : son manque de colonne vertébrale politique, le caractère dynastique de sa candidature et son déficit de fiabilité personnelle. Ces trois faiblesses se traduisent par un manque d’envie du peuple américain, à ce stade, pour l’offre politique qu’elle incarne.

Elle est certes en tête des sondages pour la primaire démocrate mais davantage par absence d’opposition crédible que par expression d’un désir. Et le niveau de défiance des électeurs à son encontre est très élevé : moins de 35%* des citoyens considèrent qu’ils peuvent lui faire confiance alors que plus de 55% pensent qu’elle n’est pas digne de leur confiance.

En outre, son image ne cesse de se détériorer, alors même qu’elle est en campagne, notamment sous l’effet de l’affaire de ses emails (je vais y revenir), à tel point qu’une candidature du Vice-Président Joe Biden, un homme politique très estimable et très populaire mais piètre candidat en campagne électorale, est évoquée – et souhaitée – par un nombre croissant de démocrates.

Dans ce contexte, Hillary Clinton choisit, dès le début de sa campagne, d’aller à la rencontre des électeurs afin de s’humaniser et de se rapprocher du peuple – elle a vécu dans les cercles du pouvoir politique de Little Rock puis de Washington D.C. sans discontinuer depuis 1979.

Mais ses excursions au sein de l’Amérique profonde sont chorégraphiées et laissent extrêmement peu de place à l’improvisation, du côté de la candidate comme de celui des Américains qu’elle rencontre. De surcroît, elle n’a accordé presque aucune interview à la presse ou permis à des journalistes de l’interroger de manière ouverte durant ses déplacements. Son refus de la prise de risques continue de la gouverner, quitte à l’empêcher de gouverner le pays.

Or cette approche conforte son image de candidate qui n’a pas assez de convictions politiques pour les exprimer librement et s’en tient à un discours ultra-formaté**, qui, dans sa pratique dynastique du pouvoir, attend de monter sur le trône qui lui est promis sans accepter d’être challengée et qui est incapable de (re)gagner la confiance de celles et ceux dont elle souhaite obtenir les suffrages. Elle renforça donc, au début de sa campagne, ses trois faiblesses initiales au lieu de les combattre.

(CC) DonkeyHotey

(CC) DonkeyHotey

Puis l’affaire des emails prit de l’ampleur et sa stratégie de communication devint plus absurde encore.

Pour résumer, Hillary Clinton a utilisé un compte email privé, hébergé sur un serveur privé situé au sous-sol de son domicile de l’Etat de New York, pour effectuer toute sa correspondance électronique en tant que Secrétaire d’Etat (équivalent de notre Ministre des Affaires étrangères). Elle ne créa même pas de compte email officiel au sein du Ministère. Elle explique qu’elle a eu recours à cette pratique pourtant interdite par les règles du gouvernement américain par convenance personnelle afin de ne pas avoir à utiliser deux smartphones.

Or ce mode de fonctionnement empêche non seulement ledit gouvernement d’archiver de manière fiable la correspondance de la Secrétaire d’Etat mais aussi d’en garantir la confidentialité et le secret. De plus, lorsqu’il fut demandé à Clinton de communiquer ses emails au Secrétariat d’Etat (après son départ de celui-ci), elle fournit 55 000 pages dont elle choisit le contenu. Cela représente la moitié seulement des emails échangés durant son passage à la tête du Secrétariat d’Etat. En effet, elle a effacé de son serveur privé 30 000 emails, et ce alors même qu’une enquête est en cours sur l’attaque, en 2012, du consulat de Benghazi dans laquelle elle figure au premier rang des personnalités potentiellement mises en cause.

Au lieu de faire ce qu’elle aurait dû accomplir dès le début de sa campagne – répondre sans interruption à toutes les interrogations des journalistes pour affirmer son credo politique personnel, montrer qu’elle veut mériter son élection et se soumettre symboliquement à la question pour regagner en confiance auprès des électeurs -, elle s’enferma plus encore dans sa tour d’argent, distillant de temps à autre des déclarations officielles qui, souvent, furent contredites par les révélations médiatiques ultérieures.

J’ai déjà expliqué sur Superception ce qui définit les pires crises de communication :

Une crise est beaucoup plus difficile à gérer et, surtout, à dépasser lorsqu’elle confirme dans l’esprit du public les attributs d’image les plus négatifs qu’il pouvait ressentir à l’égard d’un individu ou d’une organisation.

En confirmant cette perception, elle l’ancre en effet plus profondément dans la mémoire desdits publics alors qu’une crise sans rapport avec les défauts de son protagoniste déjà perçus est plus aisément considérée comme un accident de parcours“.

C’est précisément le cas du scandale des emails d’Hillary Clinton qui renforce certaines de ses plus grandes faiblesses – telles que perçues par les citoyens américains. Et c’est pourquoi il est d’autant plus préjudiciable qu’elle les conforte davantage encore par sa réponse à cette crise.

Par ailleurs, le camp Clinton s’est assuré, par un lobbying efficace auprès d’un Parti démocrate qui n’a pas envie de challenger sa favorite, que le nombre de débats télévisés organisés durant la primaire soit limité par rapport aux demandes de ses rivaux et que le premier débat n’ait pas lieu avant le 13 octobre prochain, soit deux mois après le premier débat républicain.

La démarche de la favorite est toujours la même : limiter les risques. Mais, ce faisant, elle alimente encore la triple faiblesse que j’évoquais dans l’introduction de cet article : elle ne s’offre pas l’occasion d’exprimer ses convictions, elle donne l’impression de ne pas vouloir affronter ses challengers au poste auquel elle se croit promise et elle accrédite l’idée qu’elle manipule en coulisses.

Il se trouve que je suis aux Etats-Unis ces jours-ci et que j’ai eu la chance de pouvoir discuter de ce sujet avec un stratège démocrate proche du premier cercle d’Hillary Clinton. Il m’a expliqué que l’approche de la candidate et de son équipe était de faire profil bas dans les médias afin de ne pas donner l’opportunité aux journalistes et éditorialistes de créer une rivalité entre Clinton et l’un de ses concurrents, ce qui ne pourrait que l’abaisser elle et élever son rival.

Je lui répondis qu’il me semblait que l’appétit des médias pour “la course de petits chevaux politique” était inassouvissable – comme le montrent la couverture de la campagne du “socialiste” Bernie Sanders et le bruit médiatique autour de Joe Biden – et que le risque était plus grand pour Hillary Clinton de ne pas en prendre plutôt que d’affronter les difficultés et les doutes. Une reprise en main de sa communication lui donnerait au moins une chance de devenir le sujet du récit médiatique au lieu d’en être l’objet passif.

En outre, je lui fis part de ma conviction que, précisément, ce dont Hillary Clinton a le plus besoin aujourd’hui est d’un challenger fort qui lui permette de sortir de sa position de candidate dynastique et d’affirmer ses convictions dans un réel débat démocratique. C’est ainsi qu’elle pourra à mon sens regagner la confiance du peuple américain, en étant vainqueur plutôt qu’en étant couronnée.

Je tins à mon interlocuteur le raisonnement qui fonde cet article. Ne vous attendez cependant pas à voir le moindre changement dans la stratégie de campagne et de communication de l’ancienne Secrétaire d’Etat. 🙂

* Les chiffres varient d’un Etat à l’autre mais sont dans cette fourchette.

** Son discours de lancement de campagne, prononcé dans l’Etat de New York, fut un modèle d’allocution bâtie à partir de sondages, énumérant les uns après les autres les engagements susceptibles de séduire toutes les catégories de la population qui constituent la base traditionnelle du Parti démocrate.

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