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Attaque-moi si tu peux

La très large victoire de Newt Gingrich dans la primaire républicaine de Caroline du Sud cette nuit résulte d’un jeu du chat et de la souris avec les médias qui pourrait s’avérer dangereux à terme pour le Parti républicain.

Newt Gingrich, l’architecte de la révolution conservatrice de 1994 et ancien Président de la Chambre des Représentants, a donc remporté cette primaire avec une marge sur Mitt Romney supérieure à tous les pronostics (40% contre 28%).

Ce succès s’est construit, selon toutes les études d’opinion, dans les deux derniers jours de campagne, une grande partie des électeurs étant indécis jusqu’au dernier moment dans un Etat très conservateur qui a très régulièrement distingué le futur candidat du Parti républicain à la Maison-Blanche.

Or la dernière semaine de campagne a été marquée médiatiquement par deux événements qui ont mis Gingrich au centre de l’actualité :

  • l’interview accordée à ABC par Marianne Gingrich, la deuxième épouse du candidat, dans laquelle elle remit en cause les valeurs morales de son ancien époux et l’accusa de lui avoir proposé un mariage ouvert alors qu’il avait une aventure avec Callista, celle qui deviendrait sa troisième épouse ;
  • le dix-septième débat télévisé entre candidats républicains qui se déroula jeudi soir sur CNN. L’animateur de ce débat, l’excellent journaliste politique John King, ouvrit l’émission en posant une question à Newt Gingrich sur les déclarations de son ancienne épouse. Gingrich se lança alors dans une violente diatribe contre King et contre les médias en général qui fut le moment le plus mémorable du débat et fit le buzz jusqu’au scrutin.

Newt & Callista Gingrich – (CC) Gage Skidmore

L’approche de John King fut à mon sens pleinement justifiée : il aborda l’émission par l’information qui faisait la Une des médias et se “débarrassa” d’un sujet inhabituel avant d’en venir aux thématiques de fond classiquement traitées dans les débats. S’il est une décision médiatique plus critiquable, il s’agit de celle d’ABC de diffuser une telle interview de Marianne Gingrich à quelques jours d’un scrutin aussi important dans la primaire républicaine.

Aujourd’hui, les analystes américains – au premier rang desquels Mike Huckabee, l’ancien candidat à la primaire de 2008 vainqueur en Iowa, et Karl Rove, l’ancien architecte des campagnes de George W. Bush – s’accordent pour dire que ce double épisode*, au lieu de décrédibiliser Gingrich, le servit auprès d’un électorat de Caroline du Sud très conservateur qui y trouva un écho à sa haine de médias jugés trop élitistes et proches des positions démocrates.

Dans ce double jeu de “attaque-moi si tu peux”, il semble que Gingrich l’emporte régulièrement contre les médias au cours de ces primaires. Les premières analyses du vote en Caroline du Sud montre ainsi qu’il n’a pas trop souffert dans l’électorat féminin de la controverse suscitée par son ancienne épouse.

Les assauts lancés par l’ancien représentant de la Géorgie contre la “classe médiatique” font partie de ses rengaines favorites dans les débats comme dans ses autres apparitions de campagne (il réutilisa d’ailleurs cet argument dans son discours de victoire cette nuit). A chaque fois, il souligne combien les médias sont éloignés des préoccupations quotidiennes des Américains en s’intéressant à des aspects de son passé (ses aventures extraconjugales, sa condamnation pour violation éthique…) qu’il préférerait passer sous silence.

Newt Gingrich est sans conteste le meilleur débatteur des candidats républicains en lice. Cela ne signifie pas qu’il soit le plus fiable sur les faits – il exagère la qualité de son bilan avec un culot sans limite et attaque ses concurrents de manière souvent tout aussi infondée – mais il est à la fois celui qui est le plus passionné sur les valeurs républicaines, le plus drôle, le plus vif avec la meilleure répartie et le plus doué pour utiliser des formules marquantes qui seront reprises en boucle dans les médias.

Tout cela vaut pour l’électorat des primaires républicaines, c’est-à-dire les conservateurs les plus mobilisés. Cependant, nombre des qualités de Gingrich dans cette primaire joueront contre lui, dans une éventuelle élection générale, auprès des électeurs indépendants (c’est-à-dire inscrits ni comme démocrates ni comme républicains) et des démocrates déçus par Obama. Cela ne l’empêcherait peut-être pas de l’emporter tant la situation d’Obama est, aujourd’hui encore, extrêmement délicate électoralement mais cela rendrait certainement sa tâche plus difficile que celle d’un candidat républicain plus modéré.

Au final, l’équation de la primaire républicaine demeure celle que je décris sur Superception depuis le lancement de ce processus électoral : les électeurs conservateurs seront-ils submergés par leurs émotions en choisissant un candidat plus pur idéologiquement et qui exprime mieux leur colère conservatrice au risque de voir ledit candidat perdre l’élection présidentielle ou contrôleront-ils leurs émotions pour sélectionner un candidat moins enthousiasmant à leurs yeux sur le plan identitaire mais de ce fait plus éligible dans une élection générale ?

 

* Qui ne constitue naturellement pas la seule explication du succès de Gingrich, lequel s’explique aussi par la défaite de Romney en raison de facteurs qui lui sont propres, en particulier son incapacité à répondre de manière décisive à la controverse créée par son refus de publier ses déclarations d’impôts comme ses concurrents et à expliquer de manière plus convaincante son bilan à la tête de la société d’investissement Bain Capital qui fut au centre des attaques de Gingrich et Rick Santorum à son égard durant cette dernière semaine de campagne.

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