8 octobre 2013 | Blog, Blog 2013, Communication | Par Christophe Lachnitt
Twitter découvre les affres d’une introduction en Bourse
Le réseau de micro-blogging apprend, parfois à ses dépens, qu’il aborde une nouvelle dimension en matière de gestion des perceptions.
A quelques semaines de son entrée en Bourse, Twitter s’adapte plus ou moins bien à son nouveau statut comme le montrent deux exemples, l’un où il est à l’offensive, l’autre où il est sur la défensive.
Lorsqu’on sollicite l’épargne des institutions financières et du grand public, il est crucial de s’assurer que son activité et ses perspectives de développement sont parfaitement comprises. Ce n’est pas (encore) le cas pour Twitter. C’est pourquoi le site a changé le week-end dernier sa page d’accueil (voir copie d’écran ci-dessous) pour corriger ce double déficit.
La nouvelle page décrit ainsi plus concrètement à quoi sert le réseau de micro-blogging. Elle souligne également l’une de ses forces : l’usage de son service sur mobiles. Ceux-ci représentent 65% de son chiffre d’affaires publicitaire, ce qui explique que les smartphones soient désormais mis en vedette avec des liens vers les applications Android et iTunes de Twitter.
Parallèlement, lorsqu’on entre en Bourse et que l’on est de surcroît l’une des marques les plus visibles du marché, on est soumis à un examen incessant de ses faits et gestes. C’est ce qui explique, avec sa propre maladresse, la mésaventure arrivée il y a quelques jours à Dick Costolo, le directeur général de Twitter. Il a réagi de manière inappropriée, samedi dernier, à un article du New York Times qui soulignait la très faible représentation féminine au sein de l’équipe dirigeante et du Conseil d’Administration décrits par l’Entreprise dans son document officiel d’introduction en Bourse. Costolo s’en est pris à Vivek Wadhwa, un chargé de cours à l’Université de Stanford spécialisé dans la gouvernance corporate cité dans l’article.
Même si la remarque dudit Wadhwa était plus caustique que scientifique, Costolo a commis une double erreur de communication : il s’est laissé dominer par son émotion (en l’espèce la colère face à l’attaque de l’enseignant) et a fait montre d’une absence complète d’empathie en n’envisageant pas comment son commentaire serait perçu.
Costolo a ainsi comparé (voir copie d’écran ci-dessous) Vivek Wadhwa à Carrot Top, un comique américain peu reluisant. Comme il l’a expliqué par la suite, le dirigeant de Twitter voulait mettre en exergue la propension de Vivek Wadhwa à l’hyperbole. Il est certain également que Costolo, qui a lui-même mené une petite carrière de comique avant de bifurquer vers le business, n’a pas résisté à un bon mot. Mais son commentaire et les explications qui le suivirent ont été perçus, à juste titre, comme une minimisation arrogante de l’enjeu de la diversité et un refus de reconnaître que Twitter pouvait progresser, sous son leadership, dans ce domaine.
La communication d’une entreprise qui s’introduit en Bourse est extrêmement délicate car elle est écartelée entre plusieurs enjeux contradictoires : donner envie sans survendre, respecter les lois et règlements en vigueur tout en tenant un discours réaliste, gérer la cohérence du message d’un grand nombre d’intermédiaires… Il convient alors d’éviter ce qu’on appelle en tennis les fautes non provoquées. Dick Costolo vient d’en commettre une belle en se positionnant de manière préjudiciable au centre d’un débat qui agite l’Amérique corporate.
Le paradoxe est que le patron opérationnel de Twitter découvre ainsi les joies de la communication des dirigeants d’entreprise sur son propre réseau social, média de l’instantanéité par excellence. S’il avait pris quelques minutes pour interroger son directeur de la communication avant de tweeter, il aurait évité de commettre la double erreur que j’ai relevée.
La réponse qu’il a rédigée impétueusement – dans l’instantané – n’aurait pas été plus glorieuse pour un patron d’une start-up obscure mais elle aurait pu passer inaperçue. Elle est impossible à cacher pour le dirigeant d’une entreprise aussi visible que le réseau de micro-blogging.
Comme tous les dirigeants d’entreprises cotées en Bourse, Dick Costolo va devoir apprendre qu’il ne peut pas être spontané sur Twitter… même s’il en est le directeur général.