19 septembre 2014 | Blog, Blog 2014, Communication | Par Christophe Lachnitt
NFL : plus qu’une bavure, une faute
Son erreur de communication reflète une erreur stratégique majeure.
La ligue professionelle de football américain (NFL) est embourbée depuis quelques semaines dans une suite de scandales touchant plusieurs de ses vedettes :
- une vidéo de surveillance révélée par le site TMZ a montré Ray Rice, joueur des Baltimore Ravens, boxant sa fiancée dans un ascenseur et la mettant KO ;
- Adrian Peterson, des Minnesota Vikings, est accusé de violence sur son petit garçon de quatre ans ;
- Jonathan Dwyer, des Arizona Cardinals, a été arrêté pour des violences suspectées sur son épouse et leur bébé âgé d’un an ;
- Ray McDonald, des San Francisco 49ers, est l’objet d’une enquête pour des violences suspectées sur sa fiancée enceinte ;
- Greg Hardy, des Carolina Panthers, a été condamné pour violences physiques sur sa compagne et menaces sur la vie de celle-ci.
Contrairement à la gestion de l’affaire Donald Sterling par Adam Silver, le directeur de la NBA, la réaction de la NFL et de son patron, Roger Goodell, ressemble à un manuel de mauvaise communication de crise : apathie, délayage, petitesse des décisions annoncées, manque d’empathie, déficit d’engagement du leader, maladresses multiples*…
La NFL s’est ainsi aliénée les médias, une majorité du grand public (dont le rejet de la Ligue ne se traduit cependant pas par un délaissement du sport qu’elle administre**) et certains de ses principaux sponsors (au premier rang desquels Anheuser-Busch).
Alors que sa démission est demandée de toutes parts, Roger Goodell est toujours à son poste. L’analyse de beaucoup de médias américains est que les propriétaires des équipes de la NFL, dont il dépend, ne veulent pas (à ce stade) se séparer d’un manager qui dispose à leurs yeux d’un bilan remarquable en termes de croissance économique de la Ligue***.
Ils considéreraient que les accidents d’image actuels n’entament pas ce potentiel de développement et trouveraient une confirmation à leur analyse dans le fait que les audiences télévisées des premières journées de la NFL ont été largement supérieures à celles de l’an dernier. Pourtant, la curiosité n’a jamais été gage d’adhésion.
Cette approche, si elle est confirmée, permettrait de qualifier les bavures que multiplient la NFL depuis quelques semaines dans la gestion de ses scandales de violence familiale. Il ne s’agirait pas seulement de bavures mais d’une lourde faute.
Comme toujours, en effet, la communication reflète la stratégie. En l’occurrence, la NFL commet l’erreur majeure de considérer ces affaires comme des incidents et non comme le reflet d’un problème grave requérant des décisions d’envergure. Sa boussole est économique et non éthique.
Or, de plus en plus, l’éthique influe, à travers la perception des publics, sur la performance économique. Si elle ne prend pas la mesure de l’enjeu, la NFL risque donc d’être punie par là où elle a pêché.
* La plus visible et la plus étonnante étant le retrait d’une chanson de Rihanna de la diffusion télévisée (sur CBS) des matches de la NFL car le fait qu’elle ait été elle-même victime de violences conjugales risquait d’associer au plus mauvais moment la NFL à cet enjeu dans l’esprit des téléspectateurs. Rihanna s’est logiquement indignée sur Twitter d’être ostracisée pour avoir été brutalisée :
CBS you pulled my song last week, now you wanna slide it back in this Thursday? NO, Fuck you! Y’all are sad for penalizing me for this.
— Rihanna (@rihanna) September 16, 2014
** 187 millions d’Américains – soit 60% de la population du pays – se déclarent fans de football américain.
*** La NFL engrange 9,5 milliards de dollars de revenus par an. L’objectif de Roger Goodell est qu’elle réalise un chiffre d’affaires de 25 milliards en 2027.
DERNIERE MINUTE (20 SEPTEMBRE 2014)
Roger Goodell a tenu une conférence de presse de quarante-cinq minutes la nuit dernière (voir la vidéo ci-dessous). Je viens de la regarder : l’attitude et les propos du patron de la NFL ont confirmé ses problèmes de stratégie et de communication relevés dans cet article :
- il a reconnu des erreurs mais n’a annoncé aucune décision susceptible de donner l’impression qu’il voulait vraiment les corriger ;
- il a affirmé n’avoir jamais envisagé de démissionner, se présentant comme le seul Américain à n’avoir pas considéré ce scénario ;
- il n’a fait preuve d’aucune émotion et d’aucune empathie, créant la perception d’un manque total de sincérité ;
- il ne s’est pas adressé aux Américaines ;
- il n’a répondu frontalement à presque aucune question ;
- il a souligné qu’il était le plus exigeant de tous à son propre égard mais a contredit cette assertion par l’ensemble de son comportement durant la conférence.
Bonjour,
Rendez-vous le 2 février prochain, lendemain du superbowl, pour évaluer l’éventuel désintérêt du public pour ce sport. Mon avis est que tout cela sera vite oublié, car malheureusement les joueurs de NFL, dont certains millionnaires, ont souvent eu des comportements répréhensibles (détention d’armes, conduite en état d’ivresse…), et cela n’a pour le moment pas empêché la prospérité du championnat. La santé et l’avenir des joueurs non plus (commotions cérébrales, blessures orthopédiques, augmentation du risque d’Halzeimer…).
Cher Riphiphy,
Le Super Bowl du 2 février ne sera pas le meilleur juge de paix car (i) c’est un événement exceptionnel aux Etats-Unis qui dépasse les seules bornes de l’intérêt des Américains pour le football ey (ii) si désintérêt il doit y avoir pour la NFL, il sera beaucoup plus long à se faire sentir.
Xophe