29 mars 2016 | Blog, Blog 2016, Communication | Par Christophe Lachnitt
Les marques contournent de plus en plus les médias pour s’adresser à leurs publics
J’ai évoqué sur Superception la transformation des entreprises en médias. Il est un autre phénomène qui participe de l’affaiblissement des groupes de presse.
Il est illustré par la tactique que vient d’adopter la NFL, la ligue professionnelle de football américain, pour répondre à un article d’investigation du New York Times.
Dans cette enquête, le quotidien new yorkais affirme que la NFL a volontairement sous-estimé, dans ses recherches internes, le nombre de commotions cérébrales subies par ses joueurs. Or ce sujet est le plus grand scandale qui menace la ligue actuellement car il est désormais avéré que des commotions cérébrales à répétition peuvent provoquer une maladie dégénérative du cerveau. Le journal explique également qu’il existe des liens importants entre la NFL et l’industrie du tabac, qui partageraient notamment les services de certains avocats et lobbyistes.
Cet article lança un ping pong médiatique entre l’organisation sportive nationale la plus puissante du monde et le premier quotidien de la planète : la NFL répondit au New York Times en publiant une réfutation de 2 500 mots, document auquel le quotidien répliqua par un tweetstorm sur Twitter. Le choix du réseau de micro-blogging était d’autant plus pertinent qu’il constitue la plate-forme sociale préférée des amateurs de sport.
L’affaire prit un tour plus original lorsque, le lendemain de la parution de l’investigation, la NFL décida de contrer The New York Times sur son propre terrain : elle diffusa un grand nombre de bannières publicitaires pour promouvoir ses actions dans le domaine de la santé sur le site Internet du journal, y compris sur la page de l’article auquel elle voulait s’opposer (voir la copie d’écran reproduite ci-dessus).
La NFL expliqua qu’elle voulait s’adresser directement aux lecteurs du New York Times, afin de leur présenter ses arguments, plutôt que de voir ceux-ci filtrés par les journalistes du quotidien.
Ce n’est certainement pas la première fois qu’une marque diffuse une publicité dans le média dont elle veut neutraliser les révélations mais le poids respectif des deux protagonistes de cette querelle et les moyens engagés lui confèrent une envergure sans doute inédite.
Plus globalement, elle participe d’une évolution irréversible pour la majorité des médias : les acteurs de l’actualité peuvent de manière croissante se passer de leur médiation pour interpeller directement leurs publics. Naturellement, cette tendance n’est nulle part plus prégnante que sur les réseaux sociaux.
Mais le fait que la NFL soit assez riche et The New York Times assez pauvre pour que le premier puisse inonder le site web du second de publicités destinées à contrecarrer l’un de ses articles montre que la “médiation médiatique” diminue, y compris dans l’espace même où elle devrait résister le mieux.
La stratégie adoptée par la NFL signale également, pour finir sur une note optimiste, le danger encore représenté, malgré l’affaiblissement de la presse, par un article négatif du New York Times. Celui-ci n’est pas le quotidien le plus prestigieux au monde pour rien.